Space19+, c’est le Conseil des Ministres de l'Agence Spatiale Européenne qui se tient à Séville les 27 et 28 novembre. Il traitera des missions et du budget pour les 3 prochaines années. Des missions qui sont loin d’être à des années lumières de nous, comme l'explique Javier Ventura-Traveset.
L'Agence Spatiale Européenne (ESA), organisation intergouvernementale formée de 22 pays, a l'un de ses principaux centres à Madrid, à Villanueva de la Cañada exactement. Il s’agit de l’ESAC (Centre Européen d'Astronomie Spatiale) où travaille une équipe internationale d'environ 400 personnes. Il faut rappeler que l’Espagne, qui fait partie de l’ESA depuis sa création en 1975, est le cinquième pays en terme de contribution économique et participe à tous les programmes. "Le secteur spatial espagnol est le plus innovant de notre pays -explique Javier Ventura-Traveset, directeur du Programme Galileo et Porte-parole de l'Agence Spatiale Européenne en Espagne-, avec une productivité quatre fois supérieure à la moyenne industrielle espagnole. L'Espagne est l'un des rares pays en mesure de développer entièrement un satellite. Beaucoup de gens ne le savent pas".
Contrairement à la NASA, l'Agence Spatiale Européenne couvre l’ensemble du domaine spatial : programmes scientifiques, vols habités, développement de lanceurs, observation de la Terre avec des satellites spécialisés, navigation par satellite Galileo et télécommunications spatiales. En définitive, résumer les activités de l’ESA est une tâche pratiquement impossible !
Ce programme est la meilleure preuve qu’unie, l'Europe est plus forte
L’un des joyaux de la couronne est sans nul doute le système de navigation par satellite Galileo, opérationnel depuis décembre 2016. En moins de trois ans, plus d’un milliard de portables dans le monde traitent déjà le signal Galileo. "Galileo est le triomphe de la coopération technologique européenne –affirme Javier Ventura-Traveset. Aucun pays européen n'aurait été capable de mettre en place un système de cette complexité et de ce coût de manière autonome. Ce programme est la meilleure preuve qu’unie, l'Europe est plus forte".
Il existe dans le monde quatre principaux systèmes de navigation: le système américain GPS, l’européen Galileo, le russe Glonass et le chinois BeiDou. "Environ 10% de l'économie européenne dépend, d'une manière ou d'une autre, d'un service de navigation par satellite –signale Javier Ventura-Traveset. Plus de 40.000 applications différentes l'utilisent dans tous les secteurs de l'économie, tels que les transports, l'agriculture, le tourisme, le secteur bancaire, l’énergie ou les télécommunications. Par conséquent, sans Galileo, près de 10% du PIB européen dépendrait du système américain GPS. Il était donc fondamental que l'Europe dispose de son propre système de navigation indépendant". L’enjeu est en effet de taille, d’autant qu’en 2023, on estime qu'il y aura plus de terminaux avec système de navigation par satellite que d'êtres humains sur la Terre !
Alors que l’on vient de fêter cet été le 50e anniversaire de l’arrivée de l’homme sur la lune, une nouvelle course spatiale s’est engagée. L'objectif est que pendant la prochaine décennie, l'Agence puisse participer à une station spatiale permanente en orbite lunaire, la station Gateway, conduite par la NASA, et chargée de développer de nouvelles technologies qui puissent aider pour les futures missions sur Mars. Outre le danger des rayonnements cosmiques pour les astronautes que l’ESA devra résoudre, l’Agence veut chercher des solutions pour générer des ressources nécessaires en dehors de la Terre, telles que l’eau, l’oxygène, la nourriture ou le carburant. "Toutes ces nouvelles missions permettront de faire avancer les choses –explique Javier Ventura-Traveset- afin que l’homme puisse se rendre sur Mars aux alentours de 2030-2040. On aime dire à l’ESA que l'astronaute qui ira sur Mars est déjà né".
Le porte-parole de l'Agence Spatiale Européenne tient à préciser que ces missions d'exploration ne consistent pas à abandonner la Terre, mais à mieux la comprendre et à la protéger. "Comme l'a dit l'astronaute Bill Anders d'Apollo 8 -rappelle Javier Ventura-Traveset-: ‘Nous sommes allés explorer la Lune et avons découvert la Terre’. Et ça, il ne faut pas l’oublier. Ainsi, environ 25% du budget de l'ESA est consacré aux programmes d'observation de la Terre alors qu'il y a 30 ans, il s'agissait d'un chapitre mineur. Plus du tiers des satellites sont aujourd’hui dédiés à l'observation de notre planète, avec une croissance de près de 250% en quatre ans".
Il existe trois grands programmes d’observation de la Terre : le premier, avec les satellites Explorers, étudie des aspects scientifiques spécifiques du fonctionnement de la Terre, tels que des études globales sur la salinité des océans, le champ magnétique terrestre ou le géoïde de la Terre. Le deuxième est en rapport avec la météorologie, avec les satellites Météosat et MetOp, et le troisième, avec les satellites Sentinels du programme Copernicus, permet de surveiller la planète dans toutes ses dimensions, afin de comprendre le changement climatique et de développer de nouvelles applications. L'Agence obtient des données globales, par exemple, sur la concentration de chlorophylle ou celle d'ozone atmosphérique ; l'indice d'influence humaine sur l'environnement ; le niveau moyen des océans ou leur température.
Nous constatons, grâce à l’observation de nos satellites depuis 20 ans, une croissance continue de l’ordre de 0,5% par an de la concentration de CO2 dans notre atmosphère
"Deux des paramètres les plus importants –insiste Javier Ventura-Traveset- sont la teneur en dioxyde de carbone dans l'atmosphère et l'élévation du niveau de la mer. Et nous constatons, grâce à l’observation de nos satellites depuis 20 ans, une croissance continue de l’ordre de 0,5% par an de la concentration de CO2 dans notre atmosphère. Le niveau des océans, quant à lui, augmente en moyenne de 3,2 millimètres par an, atteignant les 10 millimètres dans certaines régions, ce qui est terrible".
Les missions qui seront proposées au Conseil de Séville
Lutter contre le changement climatique, tout en créant un problème de pollution spatiale, n’aurait pas beaucoup de sens. Les débris spatiaux constituent un problème grave auquel l'Europe accorde une attention prioritaire. En 60 ans, depuis le premier lancement d’un satellite dans l’espace, l'ESA estime qu’il y aurait environ 34.000 objets de plus de 10 cm et jusqu’à 130 millions d'objets entre 1 mm et 1 cm en orbite à une vitesse incroyable -de 20 à 40.000 kilomètres par heure- et dont l'impact avec un satellite ou une station spatiale pourrait causer de graves dommages. Non seulement il faut éviter la génération de déchets supplémentaires (les nouveaux satellites en orbite basse s’autodétruisent à la fin de leur vie utile), mais l'Europe veut essayer d'éliminer les déchets existants, ce qui fait partie des missions qui seront proposées au Conseil de Séville.
La protection contre les phénomènes solaires extrêmes est également une question très importante et le Conseil examinera la possibilité que l’Europe, en coordination avec la NASA, puisse observer et détecter ces phénomènes solaires avant qu’ils n’atteignent la Terre.
Les dinosaures n'avaient pas de programme spatial pour surveiller l'espace
La défense contre les astéroïdes qui pourraient entrer en collision avec la Terre est un autre sujet fondamental. L'Agence collabore avec la NASA pour mettre au point des missions qui leur permettent, par exemple, de développer des technologies qui pourrait un jour permettre de détourner des astéroïdes qui menacent la Terre. À propos de l’axe coopération, comme le souligne le porte-parole de l'Agence Spatiale Européenne, l’ESA collabore avec toutes les puissances spatiales, la NASA, l’Agence Spatiale Russe, le Japon, l’Inde et la Chine. "L’ADN de l’Agence spatiale européenne est la coopération internationale".
Cette collaboration est particulièrement importante dans le programme scientifique de l'ESA, dont l'objectif est de contribuer à répondre avec la méthode scientifique à une série de questions essentielles à notre existence : comment s'est formé l'univers ? Comment a-t-il évolué et comment évoluera-t-il à l'avenir ? Comment est né le système solaire ? Comment est née la vie ? Peut-il y avoir de la vie, une activité biologique, en dehors de la Terre ? Sur cette dernière question, Javier Ventura-Traveset affirme que les astrobiologistes sont convaincus que nous aurons une réponse dans les 10 ou 15 prochaines années.