Dès ce lundi 2 décembre, vos données personnelles seront scrutées si vous séjournez ou louez un véhicule en Espagne. Bien que cette mesure vise à renforcer la sécurité publique, elle provoque la colère des professionnels du tourisme, qui dénoncent des contraintes supplémentaires.
Si vous prévoyez de séjourner en Espagne ou de louer une voiture pour vos vacances, préparez-vous à laisser une empreinte numérique bien plus détaillée qu’avant. Sous couvert de plus de sécurité, le nouveau décret fait grincer des dents les professionnels du tourisme, pris en étau entre une concurrence féroce et des exigences administratives toujours plus lourdes. Il pourrait bien, aussi, impacter vos prochaines escapades. On fait le point.
Les voyageurs en Espagne sous l’œil de Big Brother ?
Le décret royal 933/2021, désormais obligatoire, exige que les entreprises d’hébergement et de location enregistrent les données détaillées de leurs clients dans la plateforme Ses.Hospedajes. Nom, prénom, sexe, nationalité, date de naissance, numéro d’identification, coordonnées électroniques… Rien n’échappe à ce Big Brother administratif, pas même les détails de votre réservation.
Cette réforme répond, selon le ministère de l’Intérieur, à la nécessité de moderniser des textes obsolètes datant de plus de 60 ans pour certains. Le règlement n'était pas taillé pour l’ère des plateformes numériques et des locations de courte durée. En l’actualisant, les autorités espèrent renforcer la sécurité face aux menaces transnationales, comme le terrorisme ou le crime organisé.
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Les professionnels du tourisme montent au créneau
Si le ministère de l’Intérieur brandit cette mesure comme la panacée sécuritaire, affirmant que les données requises sont déjà dans les tiroirs des entreprises, les professionnels du tourisme ne l’entendent pas de la même oreille.
Les agences de voyages et les acteurs de l’hébergement tirent la sonnette d'alarme devant une avalanche de paperasse en vue, qui risque de faire grimper les coûts et de miner leur compétitivité sur un marché déjà sous pression. Idem pour les hébergements non professionnels, comme les locations touristiques, qui doivent se plier à un inventaire digne d’un contrôle fiscal : nombre de chambres, type de connexion internet, et même les informations personnelles du propriétaire.
Pour apaiser les esprits, le ministère souligne que cette nouvelle réglementation ne devrait pas plomber les budgets. Selon lui, les outils déjà en place suffisent pour assurer la mise en conformité. De plus, ces registres, obligatoires depuis 2022 mais non contraignants jusqu’alors, auraient déjà permis de localiser plus de 18.000 individus recherchés en Espagne ou à l’étranger.
Un arsenal de sanctions pour les contrevenants
Mais pour faire respecter les règles, le ministère a dégainé l’arme des sanctions. Les étourderies administratives, comme les erreurs ou les retards dans les communications, valent une amende entre 100 et 600 euros. Pour les infractions plus sérieuses — absence de registre ou oubli total des données obligatoires — l’addition grimpe vite, jusqu’à 30.000 euros.
Si les autorités martèlent l’importance d’une information précise pour assurer la sécurité, des experts mettent en garde contre un potentiel glissement vers une utilisation abusive de ces données sensibles. Entre protection des voyageurs et intrusion numérique, la frontière est mince, affirment-t-ils.
Alors que l’Espagne trône parmi les destinations touristiques les plus courues au monde, cette réforme pourrait bien redessiner les contours du secteur. Le défi est de taille : adopter ces nouvelles règles sans éroder l’attractivité du pays ni freiner un dynamisme économique essentiel. Un numéro d’équilibriste qui déterminera si ce virage réglementaire sera salué comme un modèle ou perçu comme une embûche.