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Interview: Geraud Lecerf, DG Espagne - Portugal de RCI Bank & Services

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Publié le 10 mai 2019, mis à jour le 10 mai 2019

Expat et fils d'expats, Geraud Lecerf a passé son enfance entre l'Iran, le Mexique et la France, avant de reprendre, à l'âge adulte et un Master de Droit en poche, ses périples loin de l'Hexagone.

 

En poste dans divers pays d'Amérique latine et d'Amérique du Nord, ce sémillant juriste père de trois enfants a fait toute sa carrière au sein de l'Alliance Renault-Nissan. A Madrid, il signe son retour sur le Vieux continent comme Directeur Général pour l'Espagne et le Portugal de la financière RCI banque, après quelque 20 ans passés outre-Atlantique. Un parcours qui lui a valu d'acquérir des techniques et une philosophie d'entreprise particulières, qu'il entend bien confronter aux réalités locales. "Culturellement, le décalage est très enrichissant", estime-t-il. "C'est l'apprentissage que l'expatriation sous-tend, qui me pousse depuis des années à changer régulièrement de pays". 
 
Tout n'est pas applicable, mais une expérience au sein du même métier, dans un autre pays, donne forcément envie de tester ici ce qui a fonctionné là-bas. "On se dit qu'on pourrait essayer de transposer certaines choses", concède Geraud Lecerf, en poste à Madrid depuis juillet dernier. De fait le DG de RCI péninsule Ibérique admet volontiers une tendance à tout remettre en cause. Une méthode devenue une habitude, contractée lors de son passage aux Etats Unis dans une des financières du groupe, la Nissan Motor Acceptance Corporation (NMAC). "C'est de toutes façons une attitude très typique non seulement du Groupe Renault-Nissan, mais aussi de toute l'industrie automobile", juge l'intéressé : "Notre métier est fait de benchmarking, de questionnement de l’expérience client et d'observation de l'ensemble des acteurs du marché, avec une attention particulière sur ce que les autres font mieux que nous. Nous sommes amenés à ne jamais prendre pour acquis que ce que nous faisons est réalisé dans les meilleures conditions. Cela pousse à développer, en toute humilité, un véritable esprit critique, mais aussi une grande ouverture d'esprit".

 
Une reconversion professionnelle

 
Ayant rejoint  l'Alliance Renault-Nissan en 1998 en tant que juriste international, c'est au contact des dirigeants de la financière de Nissan au Mexique que Lecerf rencontre les mentors qui sauront lui faire découvrir sa véritable vocation. "J'ai réalisé que je pouvais faire autre chose, que j'étais, dans l'âme, un vrai commercial", avance-t-il. Et de louer les mérites de ces rares personnes qui croisent, au bon moment, nos chemins professionnels, "nous poussent, nous motivent et nous stimulent, dégagent envers nous la confiance nécessaire pour nous encourager à mettre en œuvre les changements qui nous sont bénéfiques". En 2006 Geraud Lecerf met définitivement le cap sur l'activité de financement des ventes, d'abord direction Nashville puis, après une parenthèse à Mexico de 2010 à 2011, le Canada, pendant 3 ans puis finalement au Brésil ou il séjournera 4 ans.

 
Les enjeux de la banque intégrée

 
Au cours de ces différentes expériences, le juriste est définitivement devenu banquier, américain qui plus est. Aujourd'hui, depuis le siège social de Renault Espagne, à Alcobendas, en banlieue madrilène, il transmet avec une passion intacte les enjeux de son métier. "Il existe évidemment des différences entre l'Espagne et l'Amérique du Nord ou l’Amérique Latine, dans les modes de travail, les produits ou l'organisation, mais elles ne sont pas drastiques", juge-t-il. "Les bases de notre métier restent de toutes façons les mêmes : connaître le client, analyser le risque de financement, établir un processus efficace à travers un réseau bien formé, pour appuyer les ventes". Et de poursuivre : "La financière accompagne les ventes du groupe, en agissant comme une banque intégrée, aidant le commercial à la fois à la conquête de nouveaux clients, à travers notre offre de financement, mais aussi en facilitant leur rétention, en proposant des produits financiers fidélisant, tels que le 'crédit ballon', le leasing ou le renting". Autrement dit les prestations de financement proposées par la financière, RCI, font partie des arguments et in fine de la démarche commerciale du constructeur -en Espagne Renault, Dacia ou Nissan. "Les remises sur la valeur du véhicule sont associées au financement. La clé du succès, c'est de travailler ensemble, avec les marques et le réseau", décrypte Lecerf. "Nous contribuons non seulement à la vente du véhicule, mais aussi à la rénovation, avec une démarche commerciale de financement qui est systématiquement réamorcée quand le crédit arrive à son terme". 

 

50 ans de présence en Espagne

 
En Espagne, RCI, qui jouit d'une présence historique et a fêté en mai 2018 ses 50 ans dans le pays, finance 55% des achats réalisés dans son réseau, toutes marques et tous canaux confondus, contre 43% au niveau mondial. "Nous pouvons nous targuer d'un bon taux d'intervention", confirme le DG, "notamment si on analyse les chiffres du canal des particuliers, qui sont supérieurs à 70%". Avec une excellente année 2018 dans le pays, et 17% de parts de marché toutes marques confondues, les quelque 220 employés de RCI ont géré près de 166.000 contrats de financement pour l'Espagne et 27.000 pour le Portugal, neuf et occasion confondus. Des bons chiffres, mais qui sont insuffisants en soi pour mesurer l'impact en termes de rentabilité que génère la succursale. "Pour chaque véhicule vendu, on place en Espagne plus de 3 services associés, à l'instar des assurances automobiles, des extensions de garantie ou des contrats de maintenance", éclaire Geraud Lecerf. Un bon ratio comparé à la moyenne mondiale du groupe (1,4). A ces indicateurs viennent s'ajouter les KPIs de rentabilité pure et dure des crédits, concernant la nouvelle production et le portefeuille, concernant le client final mais aussi les concessionnaires, dont les achats sont évidemment financés par la filiale. "Tandis que le concessionnaire est face au client, et qu'il a sur sa tablette un outil lui permettant de simuler un financement tout intégré, derrière je dois m'assurer que nous disposons du meilleur process, pour donner une réponse le plus vite possible", rebondit Lecerf. "Nous disposons de toute une équipe d'acceptation de crédits, qui valide les demandes ou se charge de faire des propositions adaptées, de la façon la plus réactive qui soit", précise-t-il. Aujourd'hui, chez RCI Espagne, le taux d'acceptation de crédit est proche de 90%.

 
Transformation digitale


 
"L'intégration des nouvelles technologies est essentielle à la prestation de services en adéquation avec les attentes de nos clients", défend enfin le Français. Que ce soit, c'est sa marotte, pour optimiser les processus (d'acceptation de crédit ou de relance commerciale en fin de financement par exemple), la technologie a évidemment son mot à dire. Elle permet d'être plus réactive, d'apporter une réponse avec plus d'immédiateté, mais aussi de mieux connaître les clients, leurs besoins, goûts et attentes... Approbation en ligne, signature à distance, reconnaissance optique de caractères sont à l’ordre du jour, d'autant que le consommateur espagnol est globalement ultra connecté, mais aussi parce que RCI ne perd pas de vue les nouvelles générations, qui constitueront ses clients de demain. "Nous sommes l'outil de paiement du groupe", insiste son DG. "A cet égard, on peut très bien imaginer que les marques utilisent notre plateforme de recouvrement pour les paiements des prestations qui seront caractéristiques de l'automobile du futur : in-car payment, packages mobilité et autres box de services associés". "La feuille est blanche", nuance Lecerf, mais si tout reste à construire le DG de RCI en Espagne a conscience que la technologie et l'innovation sont au cœur des axes de développement de son secteur. "On est dans un métier où le rapport humain est essentiel", n'hésite-t-il pourtant pas à défendre. "La relation ça se travaille, on apprend énormément sur le terrain", estime-t-il encore. L'expérience espagnole, "que du bonheur", lui vaut de sillonner le pays de haut en bas, à travers ses déplacements au sein du réseau de concessionnaires. "J'y découvre un très bel équilibre culturel, une incroyable richesse des personnes", conclut-il.