Les chefs d’entreprises en Espagne sont conscients que l'avenir passe par l'internationalisation et la France est devenue leur 1ere destination européenne d’investissement. Environ 850 filiales sont présentes sur le sol français et emploient près de 60.000 personnes. Pourquoi la France et que recherchent-elles ?
« France is back ! » C’est ce qu’avait affirmé le président Emmanuel Macron il y a quelques mois, et il semble que les derniers chiffres sur les investissements étrangers corroborent cette affirmation. Ainsi, malgré une année marquée par le Covid et la crise économique mondiale, la France a été beaucoup moins touchée ou, tout du moins, a su rassurer et amortir le choc de la pandémie en se récupérant beaucoup plus vite que d’autres pays.
Selon les dernières données publiées par Business France (l'agence publique chargée de promouvoir l'internationalisation de l'économie française), l'année 2020 s’est achevée avec une contraction record des flux d'investissement de 33% à l’échelle internationale par rapport à 2019, et de 17% au niveau français. La crise a donc interrompu la dynamique positive de 2019, mais n'a pas remis en cause la confiance dans la France comme lieu d'investissement.
Progression de 9% des investissements espagnols en France
Cette tendance est encore plus claire de l’autre côté des Pyrénées. «Le flux des investissements espagnols vers la France a progressé de 9% par rapport à l’année précédente -signale Nasser El Mamoune, le Directeur Business France péninsule ibérique-. D’ailleurs, l’Espagne fait partie des 4 rares exceptions qui ont terminé l’année 2020 avec un solde croissant en termes de projets d’investissement vers la France, tout comme l’Irlande, les Pays Bas et le Danemark. Au-delà de ces chiffres, le plus important c’est que les projets que nos équipes accompagnent ont de plus en plus de valeur ajoutée comme en témoigne l’augmentation des projets industriels ou de recherche et développement ».
La France, partenaire d'investissement historique de l'Espagne
Cette dynamique positive positionne l'Espagne comme un leader parmi les principaux partenaires historiques de la France. Certes, en termes de flux d'investissements directs, le Royaume-Uni est le premier pays bénéficiaire d’investissements en provenance de l’Espagne, en raison des flux financiers importants des grandes banques espagnoles présentes dans ce pays, telles que Banco Santander. Cependant, en ce qui concerne les projets créateurs d'emplois, la France est le premier pays destinataire des projets espagnols au niveau international.
En effet, l'Espagne se distingue comme l'un des pays les plus stables en termes de création d'emplois en France. Ainsi, en 2019, avant que n’éclate la crise sanitaire, les investissements espagnols avaient permis la création ou maintien de plus de 1.700 emplois, soit 63% en plus que l’année précédente. Quant à 2020, cette augmentation de 9% des investissements se traduit par une cinquantaine de projets espagnols créateurs d'emplois.
Top 5 des entreprises espagnoles qui investissent en France
Environ 850 entreprises à capitaux espagnols sont présentes sur le sol français et donnent du travail à près de 60.000 personnes. En terme d’emploi, le top 5 des entreprises espagnoles en France est composé par le groupe Inditex (Zara, Bershka, Pull and Bear, Stradivarius ou Massimo Dutti) ; Amadeus, (technologie et logiciels de voyage), qui est même le 1er employeur privé de la région PACA ; Saica (Verre, céramique, minéraux, bois, papier) ; Mango; Gestamp - Sofedit (Constructeurs automobiles et équipementiers).
Pas seulement des multinationales
Aux investisseurs espagnols « historiques », se sont ajoutés ces dernières années des projets novateurs et structurels dans les domaines industriel, technologique et social. De plus, ce qui était autrefois l'apanage des grandes entreprises l'est désormais aussi des PME et des micro-entreprises, qui savent que leur survie dépend dans bien des cas de l'expansion internationale de leur activité, et leur choix se porte en priorité sur la France.
Parmi ces entreprises plus petites ou moins connues de l’autre côté des Pyrénées, on peut citer le groupe Garnica, de La Rioja, leader national dans la fabrication de contreplaqué, qui a investi 40 millions d’euros dans la création d'une nouvelle unité de production à Troyes, dans la région Grand Est, avec laquelle il compte créer près d'une centaine d'emplois.
Dans le domaine technologique, Ontruck a créé une filiale en France et dispose d'une équipe dans la région parisienne qui a lancé sa plateforme technologique d'optimisation de la livraison de fret routier.
Dans le secteur agroalimentaire, le chocolatier Grupo Lacasa a choisi de se développer en France par le biais d'acquisitions. L’entreprise de Saragosse a ainsi acheté en 2018 La Chocolaterie de Bourgogne, qui était en procédure d'insolvabilité, permettant ainsi de maintenir 65 emplois.
De son côté, l’espagnol Casa Tarradellas, maison mère de la marque Herta, investit sur son site alsacien de Illkirch-Graffenstaden. Grâce a` son investissement de 25 millions d’euros annoncé en 2020, le groupe va moderniser le site et agrandir son laboratoire qualité.
Parmi les nombreux projets soutenus par Business France, on peut également citer la start-up catalane Cuideo, spécialisée dans les soins aux personnes âgées, qui a créé sa première filiale internationale à Paris, et qui prévoit de créer une trentaine d’emplois directs dans les trois prochaines années.
Enfin, le groupe espagnol Sifu connaît une croissance importante depuis son entrée sur le marché français en 2018, plus précisément en Nouvelle-Aquitaine, et projette actuellement la création de 800 emplois en France dans les trois prochaines années.
Les Espagnols investissent dans toute la France
On le constate dans ces projets. La région parisienne n’est pas la seule bénéficiaire. Certes, elle concentrait 24% des investissements espagnols en 2020, mais l'Occitanie en recevait 12%, suivie de la Bretagne, des Pays de la Loire et de Rhône-Alpes, en 3e position, avec 10% chacun. Quant aux secteurs prédominants, ce sont justement ceux qui créent le plus d’emplois, avec des projets industriels, l'énergie et recyclage, machines et équipements mécaniques.
Record de participation espagnole
Enfin, cette année il y a eu un nombre record de participants espagnols lors de la quatrième édition de Choose France, un événement qui a réuni cet été à Versailles les principaux investisseurs étrangers en France. Sur les 110 PDG venus du monde entier, 8 étaient espagnols : Cellnex, Inditex, Iberdrola, Amadeus, Antolin, CAF, Vicky Foods, Sifu et Sonae. Et des 22 annonces d'investissement, de plus de 3,5 milliards d'euros et qui permettront de créer 7.000 emplois, 3 projets sont espagnols.
Ainsi, l'entreprise CAF (Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles) a annoncé un investissement de 25 millions d'euros et la création d'une équipe de 450 personnes en France d'ici 2026. Vicky Foods a officialisé son investissement de 62 millions d'euros dans une nouvelle usine de production en France, qui permettra la création de 250 emplois. Quant au Groupe Antolin, spécialisé dans les composants intérieurs de voitures, il a pour sa part annoncé la création d'un nouveau centre de R&D à Besançon, avec un investissement de plus de 24 millions.
De son côté, Iberdrola va investir entre 3 et 4 milliards d'euros au cours des quatre prochaines années en France pour continuer à stimuler sa croissance dans le secteur des énergies renouvelables. La compagnie électrique développe actuellement son gigantesque projet éolien offshore dans la Baie de Saint Brieuc, qui constitue en plus un attrait majeur pour d’autres entreprises espagnoles.
Pourquoi investir en France ?
L’indéniable intérêt de nos voisins fait de la France un partenaire historique non seulement depuis la perspective des échanges commerciaux, mais aussi en termes de flux d’investissements directs. Mais pourquoi la France attire tant les entreprises espagnoles ? A cette question, le Directeur Business France péninsule ibérique, Nasser El Mamoune, est très clair : «Si la France est aujourd’hui la première destination des investissements espagnols en Europe (31%), c’est parce que notre pays offre des atouts qui vont au-delà de la proximité géographique, de la taille du marché ou encore de sa position stratégique pour aborder les autres marchés européens. A ces forces s’ajoutent le dynamisme de son écosystème innovant, l’accès à une main d’œuvre hautement qualifié et productive, des politiques publiques en faveur de la réduction des coûts de production, la flexibilisation du droit du travail, ou encore une stabilité politique et juridique pas toujours évidentes à trouver, même à l’échelle européenne ».
Et oui. La France génère confiance et stabilité pour les investisseurs étrangers. En effet, le pays peut se targuer non seulement d'avoir résisté, mais aussi d'en être sorti renforcé. La France s'est positionnée très vite dans la reprise économique, en ne dépendant pas tant des fonds européens et en ayant ses propres fonds pour financer les programmes de relance et d'innovation avec le plan France Relance.
«C’est le moment d’accompagner la transformation de ces entreprises – explique Nasser El Mamoune- pour qu’elles s’adaptent aux défis que cette crise a mis en évidence : la digitalisation, la transition écologique, et le rapprochement des chaînes de valeur pour en citer certains. Et bien qu’il soit encore tôt pour faire le bilan de cette année, je peux vous avancer que la tendance est plutôt positive tenant compte des nombreux projets de modernisation, réindustrialisation, pérennisation et innovation que nos équipes sont en train d’accompagner en s’appuyant sur les fonds et programmes issus de France Relance ».
L’effet Brexit
Il faut également signaler que le Brexit a eu un impact indéniable sur les projets d'investissement des entreprises étrangères. Le manque de stabilité causé par le Brexit est d’ailleurs l'un des facteurs qui a conduit le Royaume-Uni à se faire dépasser par la France, selon Caixabank Research. Le département d’études analyse les points clés d’une soixantaine de pays dans le monde, tels que l'accessibilité du pays, la facilité d'y opérer, son attractivité commerciale, l'environnement financier et sa stabilité, et en calcule l’ICIE, l'indice d'internationalisation des entreprises. Selon cet indice, sur les 67 pays, la France est devenue le principal partenaire commercial des entreprises espagnoles, avec 84,30 points après avoir dépassé le Royaume-Uni, qui était en tête du classement les deux années précédentes. Les États-Unis occupent la troisième place.
Une autre étude, publiée par le cabinet de conseil Ernst and Young en juin dernier affirme également que la France reste le pays européen le plus attractif pour les investisseurs internationaux en 2020. Les chefs d’entreprises espagnols l’ont bien compris et, grâce à une offre commerciale à fort potentiel, se forge une place sur le marché français. Reste à la France à savoir se positionner sur les secteurs clés du XXIe siècle, tels que le numérique ou la transition écologique.