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Droit à la déconnexion: comme vous, 82% des Espagnols n'en profitent guère

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DocuSign 
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 30 novembre 2021, mis à jour le 29 décembre 2021

L'apparition de la pandémie et la mise en œuvre du télétravail ont contribué à ce que la déconnexion numérique devienne presque une utopie. C'est en tout cas ce que montre un rapport d’InfoJobs qui signale que la grande majorité des travailleurs en Espagne répondent aux appels ou aux courriels en dehors des heures de travail. 

 

Plus des deux tiers des travailleurs en Espagne - 82%, pour être exact- répondent aux appels ou aux courriels en dehors des heures de travail. En février 2020, un peu avant l'arrivée de la pandémie, ce pourcentage était de 63%, ce qui était déjà important, tandis qu'en juin 2020, il était proche de 70%. 


Le droit à la déconnexion

Ce pourcentage est d’autant plus inquiétant que l'Espagne reconnaît ce droit du travailleur à la déconnexion depuis l'entrée en vigueur de la loi en 2018 sur la protection des données personnelles et la garantie des droits numériques qui, dans son article 88, inclut une définition de ce droit. Le gouvernement espagnol, avec l’explosion du télétravail, est ensuite allé un peu plus loin dans ce sens, à travers l'article 18 de la loi 19/2021 sur le télétravail. 

Toutefois, les dernières données du rapport InfoJobs sur la déconnexion numérique montrent que l’Espagne a encore beaucoup de chemin à parcourir à cet égard. Il faut d’ailleurs rappeler que, contrairement aux idées reçues sur l’Espagne, les journées de travail sont en général bien plus longues qu’elles ne le devraient et l’une des principales raison est le "présentisme", le fait de rester plus longtemps à son poste de travail. Ce  phénomène, qu’on appelle plus communément "calienta-silla" (réchauffer la chaise) est une pratique très répandue qui conduit à un véritable cercle vicieux avec des employés de plus en plus démotivés et de moins en moins productifs.

De 51% à 82% des travailleurs espagnols en 3 ans

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En 2018, année d'entrée en vigueur de ladite loi sur la garantie des droits numériques, 51% des travailleurs espagnols répondaient aux appels ou aux courriels en dehors des heures de travail. On l’a vu, ils sont maintenant 82%, soit une hausse spectaculaire de plus de trente points en moins de trois ans et ce, malgré cette loi qui établit que les professionnels ne sont pas obligés de répondre aux WhatsApp, aux courriels ou aux appels au-delà de leur journée de travail. Par ailleurs, pendant les week-ends ou jours fériés, ils sont encore 74% à le faire.

Si l’on ajoute à cela que 6 entreprises sur 10 en Espagne reconnaissent qu'elles ne mettent en œuvre aucune mesure pour encourager leurs employés à se déconnecter numériquement, au-delà d'accords occasionnels avec les employés et les managers, le panorama est sombre.


Je me sens obligé de répondre

En ce qui concerne les raisons invoquées par les travailleurs, près d'un sur deux déclare ne pas se déconnecter parce qu'il se sent "obligé" de répondre, tandis que 36% disent que leur travail leur impose de le faire. En outre, seul un employé sur cinq déclare ne pas se déconnecter pour ce qui devrait être la vraie raison : terminer un travail urgent. 

 

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Plus de responsabilités, moins de déconnexion

Comme on pouvait s’en douter, les données du rapport d'InfoJobs montrent également que plus la responsabilité et le niveau de travail des professionnels sont élevés, plus ils sont obligés de répondre aux appels et aux courriels en dehors des heures de travail. Ainsi, jusqu'à 93% des cadres supérieurs/managers en Espagne disent le faire, alors que dans le cas des cadres intermédiaires, ce pourcentage baisse, quoique légèrement, à 89%. Enfin, dans le cas des employés, le chiffre est de 79%, ce qui reste un pourcentage très élevé.

Par communautés autonomes, les travailleurs de la région de Valence et d'Andalousie sont ceux qui indiquent avoir le plus de difficultés à se déconnecter numériquement de leur travail (87%), dépassant la moyenne espagnole de cinq points de pourcentage.

Les jeunes veulent déconnecter

A signaler que la nouvelle génération est de moins en moins disposée à accepter cette situation. Ainsi, ce sont les travailleurs les plus jeunes (16-34 ans) qui réclament le plus (45%) une réglementation de la déconnexion digitale par convention collective ou la création d'un système d'astreinte rémunéré (37,5%).

En France, où le droit à la déconnexion est entré en vigueur dans le code du travail en 2017, ces problèmes liés à une disponibilité devenue casi permanente existent également mais dans une moindre mesure. Cependant, de nombreux salariés, mais surtout les cadres - 69%, selon le baromètre annuel du syndicat Ugict-CGT/Sécafi des cadres et ingénieurs-, réclament un droit à la déconnexion véritable, pas seulement des mots. En effet, seulement 23% des entreprises ont créé une charte de bonne pratique des mails et 16%, des règles de déconnexion. L’enfer numérique est effectivement pavé de bonnes intentions !

 

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