L’Andalousie se pare de violet pour la Journée Internationale des Droits des Femmes
Il y a plus de quarante ans, les Nations Unies ont officialisé le 8 mars comme le National Women’s Day, le Dia Internacional de la Mujer en espagnol. Mais cette décision puise ses origines dans l’histoire des luttes ouvrières et des manifestations de femmes au cours du XXème siècle, en Amérique du Nord et en Europe d’abord. Cette année, le thème retenu pour l’édition 2024 s’intitule « Investir en faveur des femmes : accélérer le rythme ». En Andalousie, les mouvements féministes préparent cette journée depuis le début de l’année. Rien qu’à Séville, trois manifestations auront lieu dans la ville. LePetitJournal.com est donc allé à la rencontre de quelques femmes espagnoles afin de comprendre comment elles vivent cette journée qui les met à l’honneur.
Journée Internationale des Droits des Femmes (@rexbor)
À compter de 1909, les États-Unis, sous l'influence de femmes américaines engagées, décident d'instituer chaque année, le dernier dimanche de février, une "Journée nationale des femmes" en faveur de la célébration de l'égalité des droits civiques.
C'est lors de la deuxième conférence internationale des femmes socialistes, en 1910 à Copenhague, que Clara Zetkin, journaliste et militante allemande, exhorte les "femmes socialistes de tous les pays" à organiser annuellement une Journée internationale des femmes.
À partir des années cinquante, une nouvelle explication quant à la date de cette célébration émerge dans la presse, faisant référence à une manifestation de couturières new-yorkaises le 8 mars 1857. En effet, le 8 mars 1908 aurait vu des ouvrières d'une usine textile à New York protester contre leurs conditions de travail déplorables. Selon la version des faits, le propriétaire aurait fermé l'établissement avec les femmes à l'intérieur et y aurait mis le feu, entraînant la mort par immolation. Cependant, des doutes planent sur cette explication, notamment parce que le 8 mars 1908 était un dimanche, un jour peu propice à une grève, et cet événement n'a pas été consigné par les médias de l'époque. Selon l'historienne Françoise Picq du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), la "véritable histoire du 8 mars" ne correspond pas à cet événement, qui en réalité n'a jamais eu lieu.
Le 8 mars en Espagne : une journée de mobilisation pour de plus en plus de femmes
Le 8 mars 2018, la commission 8-M, soutenue par les syndicats CCOO et UGT avait appelé les femmes à « arrêter le monde » pendant cette journée. Un pari réussi, puisque ce sont 5,3 millions de personnes qui sont descendues dans 130 villes du pays, comme à Madrid, Barcelone, Valence, Séville ou encore Bilbao. Une première grève générale féministe en Espagne, qui avait rencontré un fort soutien de la population. Selon un sondage paru dans la quotidien El Pais le 6 mars, 82% l’ont estimée justifiée.
Le journal Libération avait même intitulé en 2019 un article « L’Espagne, terre féministe au grand dam des machistes ». Car même si le phénomène couve depuis des décennies, un changement spectaculaire des mentalités est à l’œuvre… ce qui avait quelque peu réveillé la contestation d’il y a cinq ans.
L’Espagne “pays le plus féministe au monde?”
Récemment, le journal en ligne El Confidencial s'interrogeait :«L'Espagne est-elle le pays le plus féministe du monde ?». Les données statistiques semblent le confirmer. Selon l'institut Ipsos, seulement 9 % des Espagnoles estiment que les hommes sont plus «capables» que les femmes, en comparaison avec les 15 % en France, 22 % aux États-Unis, et plus de 50 % en Chine ou en Russie. De plus, 63 % des Espagnols se considèrent comme «féministes», dépassant la moyenne de 58 % dans les pays occidentaux, selon la même source.
Selon les sociologues, depuis la fin de la dictature, l'Espagne a connu une rapide évolution des idéologies. Sous la gouvernance du socialiste José Luis Zapatero, en 2004, elle est devenue le premier pays latin à légaliser le mariage pour tous et à réformer les lois sur le divorce et l'avortement. Au cours des trois dernières décennies, la lutte contre la violence conjugale a bénéficié d'un consensus politique, grâce à la mise en place d'institutions et de lois pour prévenir ce phénomène.
Bien que l'Espagne soit reconnue comme une nation-phare du combat féministe, où la mobilisation #MeToo a été vécue avec passion, elle est également - paradoxalement ou non - l'un des pays où le sentiment d'injustice liée au sexe est le plus élevé.
Comment les femmes andalouses envisagent-elles cette journée ?
Pour la plupart, surtout chez la jeune génération, le 8 mars est une journée dont on ne peut pas faire abstraction. Les jeunes femmes andalouses en entendent parler dès le collège en général, et étaient pour l’écrasante majorité au courant de la tenue des manifestations ce vendredi. Rappelons qu’à cette occasion, divers événements et initiatives sont organisés à travers le monde, notamment dans le but de :
- Stimuler la réflexion, favoriser les échanges et encourager la mobilisation en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes,
- Faire le bilan des avancées réalisées et des défis persistants concernant la place des femmes dans la société.
C'est également une opportunité de mettre en lumière les initiatives mettant les femmes au cœur de la création, ainsi que de souligner leur contribution essentielle à la vie sociale, politique et économique.
Lorsqu’on leur demande si elles pensent cette journée utile, la réponse est bien évidemment unanime : « C’est un jour très important », commente Maria Garcia, une jeune serveuse sévillane.
Un jour où nous pouvons mettre en évidence les inégalités dans de nombreux aspects de notre vie simplement parce que nous sommes des femmes
Elles pensent participer aux manifestations ?
« Nous nous rendrons à la manifestation sans hésitation », expliquent Clara Delgado et son amie Alba Gonzalez, étudiantes à Séville. « Nous pensons que nous ne pouvons rien changer si nous restons les bras croisés, et nous sentons que nous apportons notre contribution en participant à la manifestation.
Dans les manifestations du 8 mars nous nous sentons très accompagnées et écoutées par beaucoup de gens qui sont là pour la même cause que nous
Mais certaines sont rattrapées par leur emploi du temps. C’est le cas de Daniela Martinez, qui se désole de ne pas pouvoir participer à la manifestation en raison de ses cours, et des professeurs qui ne font pas grève ce jour-là. Les employées dépassant la quarantaine d’années ont des avis plus mitigés également, dans le sens où il leur sera difficile de renoncer à une journée de travail pour faire grève. Mais toutes saluent les initiatives misent en place, dans chacune des provinces .
Cette année, plus d’une trentaine de manifestations auront lieu en Andalousie, qui a fêté son “dia de Andalucia” la semaine dernière. A cette occasion, les syndicats étudiants convient à une grève générale et à une marche dès 12h dans les villes andalouses suivantes :
-Séville : depuis la Plaza Nueva
Trois mouvements féministes marcheront à travers la ville. Celui des groupes de l’UGT et du CCOO, qui démarreront de la Place San Francisco, pour rejoindre ensuite la Plaza Nueva. Au même moment, une collectif de « Femmes survivantes » partiront de la Torre Pelli. Elle rejoindront ensuite un groupe de protestation contre la guerre en Palestine. Enfin, un dernier mouvement partira à 20h de Las Setas.
-Cadix : depuis la Plaza San Juan de Dios à 18h30 afin de rejoindre la Plaza de Palillero
Un deuxième rendez-vous aura lieu à 18h00 à la Place Hasdrubal, en direction de la cathédrale.
-Malaga : depuis la Plaza de la Marina
À l'occasion de cette Journée Internationale des Droits de la Femme, le Centre d’Art Contemporain (CAC) de Malaga organise une visite guidée ce 8 mars à 12h. “Miradas de Mujer " présentera les œuvres des artistes présentes dans les collections permanentes.
-Huelva : depuis la Plaza de las Monjas
-Jaén : depuis la Plaza de San Francisco
-Almeria : depuis la Purchena Gate
Le 8 mars, une pensée pour toutes
Le 8 mars n’est pas une fête célébrant le genre de la femme, mais bien une journée internationale pour faire le point sur les avancées et le chemin qu’il reste encore à parcourir. Car si sur le papier les hommes et les femmes en Espagne ont l’égalité des droits, les discriminations sont encore bien présentes dans la vie quotidienne. Rappelons qu’en France cette semaine a également été riche en émotions puisque le projet de loi sur la liberté des femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse a été inscrit dans la Constitution de 1958, faisant de la France le premier pays à l’inscrire dans sa Constitution. Une pensée pour toutes les femmes, celles victimes de violences conjugales, discriminées au travail, ou en raison de leur couleur de peau, de leur physique, de leur âge, mère de famille, lesbiennes, professeures des écoles, femme de ménages, pharmaciennes, artistes, ministres…