Vous adorez tout en Espagne, même les Espagnols. La seule chose qui vous ennuie c’est qu’ici tous vos "vrais"amis soient français. Si Dieu a créé l’Espagne pour les Nuls c’est pour s’en servir. Votre vie va changer.
Voilà bientôt 6 mois que vous avez quitté la mère patrie. Tout se passe plutôt bien au boulot. Vos collègues ont beau parler très fort au téléphone, ils sont aussi très chaleureux. Votre estomac s’est habitué à des matinées un peu longues et ne crie plus famine avant 14h.
Vous aimez le chorizo, le jamón, les churros à tremper dans le chocolat, les surdoses de rhum, la taille des glaçons, les dimanches à la Latina, les orphelins qui chantent les numéros gagnants à la télé sur toutes les chaînes en simultané, le Corte Inglés le samedi après-midi et même le Bernabeu le dimanche. Félicitations, vous commencez enfin à vivre en Espagne. Pourtant vous n’avez aucun "vrai ami espagnol", c’est votre plus grand regret.
Depuis que vous vivez en Espagne – et que vous êtes célibataire – vous n’aviez jamais connu un ratio de rencontres-de-gens-nouveaux par jour si élevé. Vous vous êtes déjà fait entraîner plusieurs fois par la "marcha madrileña": 30 minutes dans ce bar, 45 minutes dans un autre et une heure dans celui-ci. Toujours debout, toujours entouré de têtes qui vous présentent à d’autres têtes. De ces virées improvisées, vous n’avez cependant gagné aucun "vrai ami espagnol", ce qui vous chagrine.
Mais à quoi servent vos amis ?
Vous ne pleurerez certainement jamais sur l’épaule de Javier ni même entendrez sa voix au téléphone. En revanche, il vous saluera toujours quand vous le croiserez dans le bar d’en-bas. Étant un être humain et donc un animal social, vous êtes condamné à voir défiler des têtes devant vos yeux et des prénoms dans vos oreilles. Les Espagnols ont compris cela bien avant nous, c’est pour cela qu’ils se souviendront toujours de votre prénom mais jamais de votre numéro de téléphone.
Le meilleur test d’amitié reste celui du déménagement d’un quatrième étage sans ascenseur le dimanche après-midi. Le nombre d’ampoules sur les doigts est le meilleur indicateur de la fraternité, certainement pas le nombre de coup de fils par semaine ni l’ordre de vos top-friends sur Facebook. C’est peut-être à cela que servent les "vrais amis": porter des caisses.
TFM (www.lepetitjournal.com Madrid) lundi 19 janvier 2009