La crise économique en Thaïlande frappe durement ces petits commerces qui font chaque jour notre bonheur. En tant que consommateurs, nous pouvons contribuer à en sauver une partie. Consommons bien !
“Où irons-nous quand ils auront disparu?”, pouvait-on lire sur la devanture vide d’une boutique de la ville de Paï en décembre 2020. La Thaïlande en était alors à sa deuxième épidémie de Sars-CoV-2.
Aujourd’hui, les autorités commencent à parler d’une possible quatrième vague alors même qu’elles en sont à intensifier les restrictions sanitaires sur des activités diverses pour endiguer la troisième.
Autant dire que la question de savoir où nous irons quand “ils” auront disparu devient chaque jour de plus en plus pressante.
Une part de nous-mêmes
"Ils", ce sont tous ces artisans et petits commerçants à l’accueil chaleureux qui vous gratifient d’un sourire, d’une petite attention, font un geste de temps en temps pour remercier le client fidèle et dont l’activité quotidienne fait l’animation des quartiers et villages, contribue au lien social, à la solidarité, à l'humanité de notre société.
On pense notamment au café, au restaurant du coin à l’ambiance conviviale où l’on sait que l’on retrouvera à coup sûr un visage familier, une oreille amicale, avec une part rafraîchissante de rencontres imprévues.
On s’est tellement habitué à leur omniprésence dans notre quotidien que l’on ne réalise pas toujours à quel point ils sont devenus une part de nous-mêmes. Jusqu’au jour où l'on se casse le nez sur une porte close qui ne dit plus “bienvenue” mais “fermeture définitive".
Dix-huit mois après le début de la crise du Covid-19, il semble évident que nombreuses de ces “parts de nous-mêmes” sont en voie de disparition rapide.
Il suffit de se promener dans les rues de Chiang Mai, Bangkok, Pattaya, Phuket et d’autres villes d’habitude animées de Thaïlande, pour s’en rendre compte en voyant la succession de panneaux “à louer” ou “à vendre” sur des rideaux baissés.
Des dizaines de milliers de restaurants fermés
Curieusement, les autorités, qui se disent pourtant "très préoccupées" par le sort du petit commerce, n’ont pas de chiffres officiels précis à fournir sur les taux de fermetures.
Mais ce que l’on sait, c’est que l’association des restaurateurs de Thaïlande estimait en juin que le secteur perdait jusqu'à 1,4 milliard de bahts (36 millions d’euros) par jour en raison des restrictions et qu'environ 50.000 restaurants avaient probablement fermé, temporairement ou définitivement, au cours des seuls mois d’avril et mai.
Et selon une étude récente de la Banque de Thaïlande, 68% des hôtels du royaume auraient à peine assez de trésorerie pour tenir quelques semaines avec des taux d’occupation au plus bas. Quant aux bars, ils sont purement et simplement fermés depuis avril et les patrons ignorent quand ils pourront rouvrir.
D’aucuns se satisferont de penser que les commerçants disparus seront vite remplacés, ainsi va la vie. Mais qui va racheter ou relouer en plein marasme économique ?
Entre requins et sangsues
Les seuls qui tirent leur épingle du jeu dans cette crise sont les grands groupes qui disposent d’énormes réserves de cash et des intérêts divers et multiples hors des secteurs affectés.
Ne serait-ce pas un comble que les grands industriels de l’agro-alimentaire et la grande distribution, qui empoisonnent le monde avec leur malbouffe et leurs environnements aseptisés faisant justement de l’humain du 21e siècle une proie facile pour des maladies comme le Covid-19, figurent parmi les grands gagnants de la crise ? Est-ce une bonne chose de les laisser bêtement prospérer à l'infini, de leur permettre d’essaimer sur les cendres du vertueux petit commerce pour nous imposer toujours plus leur vision stéréotypée et leurs produits synthétiques aux arômes artificiels usinés selon le sacro-saint principe de la profitabilité à tout prix?
Les confinements ou restrictions successives ont profondément changé nos habitudes et les invitations à rester à la maison nous poussent à commander de plus en plus via les applications de livraison. Comme s’ils n’en avaient pas assez, les restaurateurs, qui peinent déjà à payer leurs traites, doivent désormais dépendre d'intermédiaires dont la plupart s’octroient ni plus ni moins que leur marge bénéficiaire, certaines applis allant jusqu’à 35% voire plus de commissions et imposent leurs règles. "De vraies sangsues" disent certains professionnels qui préfèrent fermer que de les utiliser.
Acheter chez eux plus régulièrement
Sans compter que les livreurs sont souvent sous-payés, comme ces coursiers LineMan qui ont manifesté à Chiang Mai, en juin, après avoir vu leurs revenus s’effondrer de 30% lorsque la maison-mère a annoncé que le prix de la course ne serait payé plus que 24 bahts au lieu de 38 bahts (1 euro).
Une amie restauratrice nous a dit cette semaine que 90% des commandes postées via l'une de ces applis viennent de clients étrangers...
À Chiang Mai, deux applications locales, Tuk et Wheels on Wheels, proposent toutefois des conditions plus raisonnables et sont d’ailleurs plébiscitées par l’ensemble des restaurants français de Chiang Mai que nous avons récemment contactés.
Il y a dans cette crise un certain nombre de facteurs sur lesquels, en tant qu’individus, nous avons peu ou pas de contrôle. Mais nous pouvons assurément faire la différence sur notre environnement proche en privilégiant les petits commerces que nous aimons, en consommant chez eux un peu plus régulièrement que d’habitude. Et aussi en achetant autant que possible directement auprès d’eux ou alors en prenant soin de passer par des intermédiaires équitables.