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VINCENT BOURY - ""À donf", c'est ma façon de faire les choses et de les partager"

Vincent Boury, médaillé d'or à Pékin en tennis de table, participe à ses cinquièmes Jeux Paralympiques. Toujours "à donf", il vient à Londres pour conserver son titre et espère vivre des Jeux plein d'engouement. Ambitions, préparation, philosophie, le champion raconte tout

Lepetitjournal.com - Vous allez participé à vos cinquièmes Jeux Paralympiques. Lesquels vous ont le plus marqué ?

Vincent Boury - Au niveau du résultat, c'est bien sûr Pékin. J'ai gagné dans le pays dominateur du tennis de table. C'est le graal absolu. Remporter une médaille d'or en tennis de table en Chine, je ne pouvais pas rêver mieux. Les Jeux étaient en plus vraiment très bien organisés.
En terme d'atmosphère, je garde un souvenir très ému des Jeux de Sydney. Il y avait une ambiance très festive. Les spectateurs étaient très proches des athlètes et on pouvait échanger. C'était très fort également mais honnêtement, il m'est resté quelque chose de chacune de mes participations aux Jeux.

Comment votre sport, le tennis de table, a-t-il évolué depuis vos premiers Jeux à Atlanta en 1996 ?

Le niveau de jeu a considérablement augmenté. Le tennis de table est un sport présent aux Jeux depuis 1960 et qui a la particularité d'être assez lié au sport valide puisqu'on se croise tout au long de l'année pendant les compétitions mondiales, européennes et nationales. Ce n'est pas forcément le cas de tous les sports. Il y a aussi de plus en plus de pays présents dans les compétitions. J'ai l'impression qu'on est vraiment aujourd'hui à un très bel équilibre entre un sport qui conserve de belles valeurs de respect, de dépassement de soi avec un gros niveau de jeu et des moyens finalement assez limités, ce qui permet de conserver une certaine fraicheur. De plus en plus de sponsors s'intéressent à nous et c'est très bien mais j'espère qu'on sera capable de conserver les valeurs auxquelles on tient.

Qu'attendez vous de ces Jeux à Londres ?

Je m'attends dans mon propre sport à ce que ce soit une grosse bagarre. Le niveau sera très élevé et les matchs indécis. Personne aujourd'hui n'est capable de prévoir un scénario. Nous n'avons pas d'Usain Bolt chez nous pour tout dominer.
Enfin, sur l'ensemble de la compétition, ce sont les plus grands Jeux jamais organisés en terme de nombre de participants et de pays représentés. Le bonus, c'est vraiment la forte mobilisation de la population autour de ces Jeux. On a vu que pour les JO les stades étaient quasiment remplis tout le temps, j'espère qu'on pourra vivre la même chose aux Paralympiques. Il faut reconnaitre que même sur les grosses compétitions mondiales ou européennes, on a rarement des salles pleines. On espère vraiment vivre quelque chose de fort avec le public présent à Londres. En voyant les JO, la qualité de l'organisation, la belle ambiance qui semblait y régner, on a envie que ce soit notre tour.

Quelles sont les différences entre le tennis de table aux Jeux Paralympiques et aux Jeux Olympiques ?


Il n'y a quasiment aucune différence. La seule chose qui existe est que pour les joueurs en fauteuil, au moment du service, même après plusieurs rebonds, la balle doit sortir derrière la ligne de fond de table. À part cette règle là, tout est pareil. À tel point qu'on commence à voir certains athlètes handicapés debout qui sont qualifiés pour les Jeux Olympiques. Il y a eu par exemple cette année une Polonaise extrêmement talentueuse qui s'est qualifiée pour la deuxième fois d'affilée.

Comment se déroule la compétition ?


Aux Jeux Paralympiques, nous avons des catégories qui sont là pour différencier les athlètes en fonction de leur handicap, un peu comme dans les sports de combat où c'est le poids qui fait la différence. Dans chacune des catégories, il y'a deux compétitions. Celle en individuel, assez classique, commence le lendemain de la cérémonie d'ouverture et termine le 3 septembre. Celle par équipe démarre le 5 et ressemble un peu à ce qu'on peut voir pendant la Coupe Davis de tennis avec quatre simples et un double. La première équipe qui a trois victoires a gagné.    

Quel est votre objectif cette année à Londres ?


Je vise l'or, la plus haute marche du podium tout en sachant que si je peux déjà obtenir une médaille je serai vraiment très heureux. Le niveau en tennis de table est très dense, très resserré. Il n'y a pas vraiment de joueurs qui se détachent. Je fais parti des personnes qui peuvent prétendre à un résultat mais nous sommes 12 ou 15 concurrents à pouvoir être dans les trois premiers. En fonction du tirage, de la forme du moment, ça peut être très ouvert. Mais je suis très bien préparé, je suis très en forme donc mes ambitions sont de faire aussi bien qu'à Pékin. Nous avons en plus une belle chance par équipe et nous sommes là aussi très ambitieux.

L'équipe de France de tennis de table avait rapporté cinq médailles de Pékin. Est-il possible de faire mieux cette année ?


Si on fait aussi bien on sera vraiment très satisfait mais il est en effet possible de faire mieux. Si tout souri, si l'équipe marche bien, si ceux qui sont considérés un peu comme les favoris confirment, on peut faire au moins aussi bien. Il faut voir quand même savoir que les Asiatiques et notamment les Chinois sont archi-dominateurs et qu'il y a aussi des très bons pongistes d'Europe de l'Est et de Scandinavie. En tout cas on signerai tout de suite pour faire aussi bien qu'à Pékin. C'était déjà une très belle performance.

Comment avez vous préparé ces Jeux ?

J'ai travaillé avec un spécialiste de la planification. On a mis en place un programme basé sur des cycles de travail avec des périodes plus ou moins intenses. Certaines étaient plus orientées sur la technique, d'autres sur le physique. En plus des rendez-vous "équipe de France", j'ai mis en place un certains nombres de stages avec mon coach particulier, avec 'autres joueurs et aussi avec le club dans lequel je m'entraine. J'arrive donc très bien préparé à tous les niveaux. Aussi bien sur le plan technique, que sur la préparation physique ou mentale mais aussi la récupération. Il y'a eu des périodes où c'était difficile car notre programme était ambitieux mais aujourd'hui ça aboutit et j'espère arriver à mon pic de forme aux Jeux.

Vous avez 43 ans. Abordez-vous ces Jeux comme vos derniers ?

Je préfère ne pas avoir de certitudes là-dessus. J'ai vraiment un état de forme exceptionnel. Je suis déterminé à continuer ma carrière tant que j'ai le niveau, tant que j'ai du plaisir à jouer et tant que je trouve des nouveaux challenge à relever. Je n'ai pas envie de déterminer une date d'arrêt. J'ai une saison à poursuivre après les Jeux, les prochains championnats d'Europe à préparer puis viendront les championnats du monde en Chine qui devraient être un grand moment. Tant que je suis dans le plaisir, je veux continuer.  

Comment financez-vous votre carrière ?


C'est toujours très difficile. Jusqu'à présent, j'étais embauché dans une grande société d'informatique auprès de laquelle j'étais détaché à 40% pour pouvoir pratiquer mon sport tout en conservant mon salaire. C'était un partenariat entre l'État, la fédération, la région et l'entreprise. Cette société a effectué de nombreux licenciements il y a quelques temps donc j'ai dû partir. Je me suis retrouvé en grande difficulté. Je ne vis pas du tennis de table. C'est plus un sport qui me coute de l'argent?Je suis donc en permanence en recherche de sponsors pour financer mes saisons. L'année dernière j'ai aussi du quitter mon club de l'époque qui avait des soucis financiers. J'ai donc signé dans un autre club qui couvre quasiment tous mes frais matériels et de déplacements de la saison. Il me reste donc à prendre en charge mon entraineur particulier, le préparateur physique, la préparation mentale. Ce n'est pas facile mais j'essaie de ne pas lâcher le morceau. Ces choses qui me coutent de l'argent sont indispensables pour arriver au top niveau.

D'où vous vient votre devise "à donf" ?


C'est assez ancien. C'est mon état d'esprit dans pas mal d'activités. Je pratique pas mal de sports notamment en montagne puisque je n'habite pas loin comme par exemple du fauteuil tout terrain qui est une sorte de VTT à quatre roues mais aussi du parapente. L'idée est de profiter à fond du terrain de jeu qui m'est offert. Avec la nature qui est autour de nous, on peut vraiment faire de belles choses et les partager à plusieurs, au-delà du handicap et du fait d'être valide ou pas. "À donf", c'est ma façon de faire les choses et de les partager.

Le sport vous a-t-il aidé à surmonter votre handicap ?

J'ai toujours été dans un environnement sportif, avant comme après mon accident. Je n'ai pas changé les choses. Il y'a des gens qui aiment le sport, d'autres la peinture ou autre chose, c'est chacun son truc. Ce qui est certain, c'est que ça m'a aidé au moment de la rééducation. Dans les périodes où il y'a un peu de déprime, quand on ne sait pas trop où on va, le sport aide à se reconstruire peut-être un peu plus vite. Je me fixais des défis pour essayer de retrouver le plus d'autonomie possible, le plus de capacités physiques aussi. C'est sans doute lié à ma mentalité de sportif.

Quelles sont les retombées qu'il faut espérer des jeux Paralympiques en terme d'image ?

L'image que l'on peut donner à travers cet événement est superbe. En plus de tout ce qu'on connait des valeurs de l'olympisme - l'échange, le partage, la multiplicité des sports et des pays présents -, il y a aussi le fait que, malgré le handicap, on soit beaucoup plus mobilisé sur la performance, les exploits, la compétition, les beaux gestes techniques, les émotions?Tout cela donne une image positive. Il faut montrer ce que les gens sont capables de faire, ce qu'ils réussissent. Quand on parle de handicap, on parle malheureusement trop souvent de ce que les gens ne sont pas ou plus capables de faire. Grâce à un éclairage comme les Jeux, on peut montrer de belles choses qui peuvent surprendre, étonner ou parfois amuser.
Au-delà du regard de la société qui peut changer, on peut aussi donner envie à des personnes handicapées de faire du sport?de faire autre chose que de se morfondre sur leur sort. il est possible d'aller dans des clubs, de rencontrer des gens et de saisir cette opportunité pour faire des choses agréables et qui permettent de se développer et grandir. C'est d'ailleurs la même chose chez les valides. Je crois beaucoup aux valeurs du sport.

Propos recueillis par Simon Gleize (www.lepetitjournal.com/jeux-olympiques) vendredi 24 août 2012

 

GERARD MASSON - "Londres va constituer un nouveau virage"

À moins d'une semaine de la cérémonie d'ouverture, Gérard Masson, président du Comité Paralympique et Sportif français et de la Fédération Française Handisport, fait le point sur les Jeux Paralympiques de Londres. Il revient sur les ambitions de l'équipe de France mais aussi sur les espoirs qu'il place dans cet évènement et ses futures retombées

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