La consommation de sucre a considérablement augmenté en Pologne ces dernières années, le Polonais moyen consommant 41,9 kg de sucre en 2021, chiffre plus élevé que les années précédentes. Pourquoi les Polonais en mangent-ils autant ? Est-ce dû à la présence en Pologne de l’une des plus grandes cultures de betteraves sucrières en Europe ou est-ce simplement dû à leur amour inconsidéré des sucreries ? Votre édition a enquêté : chiffres, conséquences sur la santé, habitudes alimentaires, campagnes gouvernementales, les becs sucrés ont du souci à se faire…
Le sucre, une histoire d’amour polonaise ?
« Słodki », sucré en français, décrit quelque-chose de doux, un animal mignon, un moment agréable, un partenaire adorable… Bref, vous l’aurez compris, le sucre occupe une place importante dans la culture polonaise. Cela est dû à de nombreux facteurs, dont le fait qu’un grand nombre de desserts polonais traditionnels, tels que le gâteau au fromage, le piernik, ou les pączki, contiennent de grandes quantités de sucre. En outre, il est très populaire en Pologne d’offrir des sucreries aux enfants, et pas seulement à l’occasion des fêtes. Il est également fréquent, que le week-end, on prépare un dessert, qu’on soit seul ou en couple. Les habitudes sucrées sont solidement ancrées dans la vie familiale. Quand on aime, on le montre avec du sucre… Une petite balade sur différents sites polonais de recettes en ligne nous annonce, par exemple, que le sernik (fameux gâteau au fromage), même dans sa version végan, peut contenir jusqu'à 300 grammes de sucre, soient 60 carrés de sucre…
Alors que dans d’autres pays, les mets sucrés sont plutôt consommés en dessert, en Pologne, ils sont très souvent servis comme plat principal. Parmi les plus populaires, on trouve les pâtes aux fraises qui, pour la plupart des gens, sont associées au meilleur de l’enfance et au début des grandes vacances, car c’est à ce moment-là que commence la saison de ces fruits. Aussi, l’un des plats associés à la Pologne : les pierogi, peuvent être dégustés dans une version sucrée. Il existe des variantes telles que les pierogi aux fraises, aux myrtilles, aux cerises, avec de la crème ou d’autres fruits. Il n’est pas non plus choquant de voir un Polonais manger des crêpes avec des fruits ou du chocolat pour le dîner. Peu équilibrés, ces plats sont néanmoins souvent servis aux enfants dans de nombreuses cantines scolaires comme plat principal, alors que leur cartable déborde déjà de sucreries.
« Cukier krzepi », « Le sucre fortifie »
En 1931, l’une des plus grandes campagnes publicitaires pour l’industrie polonaise de la confiserie a été lancée par le slogan « Cukier krzepi » (en francais, « Le sucre fortifie ») afin de montrer combien le sucre renforcerait notre cœur et nos muscles, nous permettant de gagner en énergie… Vaste programme ! On affirmait qu’il stimulait le travail intellectuel et qu’il revigorait mieux que la cocaïne ! Oui, oui, vous avez bien lu !
Ce slogan a même été repris dans de nombreux articles de journaux et a été diffusé à la radio : tout le monde le connaissait en Pologne, surtout les enfants ! Avec cette publicité, on a fait croire que ce trésor gustatif avait des vertus curatives et, pire ou mieux encore, qu’il prolongeait la vie ! Cette absurdité est restée très longtemps ancrée dans l'esprit des Polonais.
La betterave sucrière en Pologne
La culture de la betterave sucrière est un aspect important à prendre en compte. La Pologne est l’un des plus grands producteurs de sucre à partir de ces légumes dans l’Union européenne. Selon les données de 2021 de l'Office central des statistiques polonais GUS (Główny Urząd Statystyczny), la récolte totale de betteraves sucrières s’élevait à plus de 152 millions. Au total, au cours de la saison 2020/2021, la production de sucre en Pologne a été de 2,3 millions de tonnes, l’un des meilleurs résultats depuis de nombreuses années.
En Pologne, il y a aujourd’hui quatre sociétés affiliées à l’Association des producteurs de sucre qui produisent ce délicieux poison : Krajowa Grupa Spożywcza S.A., Pfeifer & Langen Polska S.A., Südzucker Polska S.A. et Nordzucker Polska S.A. Le principal producteur de sucre est Krajowa Grupa Spożywcza, qui produit 900.000 tonnes de sucre et fournit environ 40 % des consommateurs de sucre en Pologne.
En revanche, les 60% restants proviennent des trois autres entreprises, qui appartiennent à des sociétés allemandes. Environ 35.000 producteurs de betteraves sucrières travaillent pour les sucreries associées à ces sociétés. Ce secteur emploie environ 3.500 personnes. Comme on le sait, la Pologne est l’un des principaux producteurs de sucre en Europe, se classant au troisième rang européen, devancée seulement par la France et l’Allemagne.
En outre, l’histoire de la production de sucre en Pologne est extrêmement prospère. Pendant la période communiste, la culture de la betterave sucrière en Pologne était l’un des secteurs les plus importants. Bien que seules 17 des 78 sucreries polonaises aient survécu, la production de sucre a augmenté, passant de 1,98 million de tonnes en 1983 à plus de 2,3 millions de tonnes ces dernières années.
Les Polonais sont tout sucre !
Au cours de l’année 2021, un Polonais a consommé 41,9 kg de sucre en moyenne. Ce résultat est l’un des plus élevés parmi les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).
Remontons aux années 1950 : à cette époque, la consommation de sucre était de 21 kg en moyenne.
Toujours en Pologne, en 2018, la consommation de sucre par personne a atteint 47 kg, soit le niveau le plus élevé depuis 1989. Ceci semble correspondre au moment où la Pologne, libérée du communisme, goûte enfin aux sucreries venant de l’Ouest dont les boissons sucrées gazeuses (cola, eaux aromatisées, limonade, etc.) et autres nectars et boissons aux fruits, synonymes de modernité, qui s’invitent dès lors dans tous les foyers.
En ce qui concerne les enfants, ils consomment jusqu’à 19 cuillères à café de sucre par jour. Selon l’OMS, la limite de consommation quotidienne de sucre devrait être de 10 à 12 cuillères à café, ce qui signifie que les enfants polonais dépassent de loin cette limite ! Peut être que certains parents devraient y réfléchir à deux fois quand ils trouvent que leurs enfants sont trop agités… Comme nous le savons, le sucre a un impact négatif sur notre santé, ce qui rend les données présentées très inquiétantes.
Et le sucre caché partout, on en parle ?
Si nous voulons prendre soin de notre santé, nous devons faire attention aux étiquettes de tous les produits, car le sucre se trouve partout, et pas seulement dans les gâteaux et autres sucreries. Malheureusement, le sucre est présent dans la plupart des aliments et la plus grande source de sucre se trouve dans les boissons gazeuses et les boissons énergisantes.
On le trouve également dans les céréales, les boissons aux fruits et les desserts lactés. Par exemple, dans l’eau aromatisée, il y a 3,2 cuillères à café de sucre pour 200 ml de produit, dans le ketchup, une demi-cuillère à café pour 15 grammes de produit, et dans les bonbons gélifiés, jusqu’à 10 cuillères à café de sucre pour 100 g. Il est à noter que les jus de fruits contiennent des glucides naturels, tandis que le sucre est ajouté aux boissons aux fruits. Une canette de boisson sucrée (355 ml) peut contenir 15 à 40 g de sucre ajouté, soit 3 à 8 cuillères à café.
Dans le cas des yaourts, la quantité maximale de sucre ne devrait pas dépasser 10 g pour 100 g, mais, pour l’instant ce sont des recommandations que les fabricants ne suivent pas.
Les parents doivent être particulièrement vigilants car les yaourts destinés aux enfants (reconnaissables à leur nom et leur emballage, surtout ceux contenant des bonbons, céréales, crèmes aromatisées, etc.) ont également une quantité de sucre plus élevée (en moyenne 14 g/100 g) que ceux destinés aux autres consommateurs (moyenne 10 g/100 g). Le choix de ces produits favorise voire accentue la préférence de l’enfant pour le goût sucré des aliments.
De plus, le sucre est très souvent déguisé sous différents noms que nous avons tendance à oublier : glucose, fructose, galactose, saccharose, lactose, maltose, dextrose, amidon, maltodextrine, sirop de glucose, sirop de glucose-fructose, etc.
Sucre et obésité, la relation de cause à effet qui n’est plus à démontrer sur plus de la moitié des Polonais
Le sucre est l’une des principales causes de l’obésité et du surpoids. Dans le monde, 800 millions de personnes souffrent d’obésité. Selon les données de l’OCDE pour 2019, plus de la moitié des adultes polonais (56,7 %) sont en surpoids ou obèses. En outre, les maladies qui accompagnent l’obésité réduisent l’espérance de vie de trois ans et dix mois en moyenne. Il s’agit notamment de l’hypertension, des maladies cardiovasculaires et hépatiques, de l’apnée du sommeil et du diabète de type 2, et de la dépression.
En conséquence, les experts prévoient qu’en raison de la vague d’obésité en Pologne, d’ici à la fin de 2025, il y aura 941.000 diabétiques de plus, 349.000 patients de plus souffrant d’hypertension, 146.000 patients de plus souffrant d’arthrose du genou. L’obésité est responsable de 80 % des cancers, elle augmente également le risque de cancer du sein, de l’ovaire, du mélanome ou de la prostate.
En ce qui concerne les enfants polonais, 10 % des enfants âgés de 1 à 3 ans sont en surpoids ou obèses et 18,4 % d’entre eux risquent d’être en surpoids. Le problème se manifeste également chez les enfants un peu plus âgés, puisque 30 % des enfants âgés de 8 ans et 20 % de ceux âgés de 10 à 16 ans sont concernés. Malheureusement, en raison de la forte consommation de sucre, le nombre de personnes souffrant d’obésité devrait continuer d'augmenter.
Nous devons prendre en compte la pandémie de COVID-19 et son impact sur le poids et les habitudes alimentaires, en particulier des enfants et des adolescents. Les cours en ligne et la sédentarité ont favorisé le grignotage, le manque voire l’absence d’exercices physiques.
Le sucre « pompe » nos vitamines
Une consommation élevée d’aliments riches en sucre peut également entraîner une carence en nutriments tels que les vitamines (A, E, C, B6, B12 acide folique) et minéraux (calcium, magnésium, fer, zinc), pourtant essentiels pour le bon fonctionnement du cerveau et des muscles.
Le sucre est l’ennemi numéro un de notre dentition. Comme on nous l’a bien répété quand nous étions petits, il favorise la présence de caries ! Les caries et la perte prématurée des dents sont observées beaucoup plus tôt chez les enfants qui consomment des sucreries plusieurs fois par jour que chez ceux qui en consomment rarement. De plus, des dents de lait cariées peuvent favoriser l’infection des dents définitives, sans parler de la gêne et de la douleur occasionnées.
« J’ai l’intention de vivre longtemps »
Le ministère de la Santé mène diverses campagnes d’éducation et d’information contre la consommation excessive de sucre. Selon les recherches, de plus en plus de Polonais consomment consciemment, ou inconsciemment, des quantités croissantes de sucre.
Afin d’alerter les Polonais, le ministère de la Santé a lancé la campagne sociale « Planuję długie życie » (en francais, « J’ai l’intention de vivre longtemps »), qui met l’accent sur des activités et des actions contribuant à réduire le risque de nombreuses maladies et de décès.
L’un des objectifs de ces activités éducatives est de faire prendre conscience aux Polonais qu’une consommation excessive de sucre conduit à l’obésité et à des maladies, comme le cancer. La campagne encourage également les gens à lire attentivement les étiquettes des produits alimentaires afin de contrôler la quantité de sucre qu’ils consomment. Les activités de la campagne ont été adaptées à l’âge des publics visés, puisque des spots télévisés distincts ont été développé pour les enfants, pour les adolescents et pour les adultes. En ce qui concerne les habitudes alimentaires, elles sont également très importantes. Il vaut la peine de privilégier les légumes, les fruits et l’eau, plutôt que les sucreries ou les boissons sucrées. L’effet escompté de cette campagne de sensibilisation est de réduire l’incidence du cancer.