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Pologne : tensions entre Meta et les médias polonais, le ton monte !

En vous rendant sur notre page Facebook Lepetitjournal.com Varsovie, vous avez peut-être constaté que les visuels de nos articles ainsi que nos logos avaient disparu… On vous décrypte la situation qui touche une grande partie du paysage médiatique polonais. 

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Écrit par Joémy Romeyer
Publié le 10 octobre 2024, mis à jour le 15 octobre 2024

Que s’est-il passé dans le paysage médiatique polonais ?

Depuis jeudi 19 septembre, de nombreux médias polonais ont vu leurs visuels - photos, logos… disparaître de Facebook. Le lendemain, vendredi 20 septembre, la situation s’aggrave. En effet, les publications Facebook contenant des liens renvoyant vers des articles voient leur visibilité amoindrie, sur les fils d’actualités des utilisateurs. Or, cette défaillance arrive au pire moment car bon nombre de ces publications étaient dédiées aux inondations survenues dans le sud de la Pologne et à l’organisation de l’aide aux sinistrés. À noter que ce problème concerne surtout les appareils mobiles, les ordinateurs semblent un peu moins touchés. 

 

Mais pourquoi Meta, l’entreprise de Mark Zuckerberg - propriétaire de Facebook, a-t-elle décidé de mener ces actions ? 

Le vendredi 20 septembre, Meta a annoncé que ces changements intervenaient dans le cadre de la modification de la loi sur les droits d’auteur en Pologne.

 

💡 Qu’est-ce que cette loi réglemente ?

Cette loi est intervenue pour rendre conforme le système législatif polonais à deux directives européennes promulguées en 2019.

Cette loi accorde aux créateurs et aux interprètes d'œuvres audiovisuelles, littéraires, journalistiques, musicales ou encore scientifiques le droit à une redevance financière appropriée. Ce droit vient apporter une compensation financière aux éditeurs de contenus audiovisuels ou artistiques qui les publient sur les plateformes numériques, dans l’objectif qu’ils soient accessibles par tous les usagers de ladite plateforme.

L’amendement, modifiant la loi, vient introduire une procédure qui met sur un même pied d’égalité les éditeurs de presse ou les créateurs artistiques avec les plateformes numériques. Ainsi, si la rémunération n’est pas établie entre l’auteur et la plateforme, le texte prévoit qu’elle fera l’objet d’une décision administrative.

Cette disposition s’inscrit dans un cadre plus large de mesures visant à protéger les créateurs de contenus audiovisuels ou artistiques.

 

 

Meta, dans une publication sur son site, explique que ces liens redirigeant vers des articles ne génèrent pas beaucoup d’audience et donc des revenus moindres pour l’entreprise. Toujours sur son site, Méta affirme que ses utilisateurs ne « veulent pas que le contenu politique domine ce qu’ils voient sur Facebook. »  

 

Concrètement, de quelle manière ces changements affectent la circulation de l’information ?

Les premiers concernés sont, vous l’aurez compris, les éditeurs de presse qui publient leur contenu sur les plateformes numériques. En clair, les liens, redirigeant vers leurs articles, s’affichent désormais sans photo, ni logo. 

Plusieurs acteurs du monde médiatique polonais soupçonnent aussi Meta de moins promouvoir le contenu politique, au profit de vidéos générant plus de likes et de visibilités (comme les vidéos de gags, de chatons…). Si cela est avéré, cela pourrait poser problème notamment lors de situation de crise comme nous l’avons vécu avec les inondations dues à la tempête Boris dans le sud de la Pologne. 

 

« L’entreprise [Meta] devient maintenant un censeur de contenu et, semble-t-il, profite de sa position dominante, ce qui pourrait constituer un motif pour les éditeurs d'intenter une action en justice appropriée. La décision du propriétaire de Facebook montre que le contenu de la presse est important pour l’entreprise, mais que l'entreprise ne veut pas payer pour cela.» Izba Wydawców Prasy (la Chambre des éditeurs de presse polonais)

« Koncern staje się obecnie cenzorem treści i – jak się wydaje – wykorzystuje swoją dominującą pozycję, a to może stanowić podstawę do podjęcia przez wydawców stosownych kroków prawnych – napisano dalej. IWP zwraca również uwagę, że decyzja właściciela Facebooka pokazuje, iż treści prasowe mają dla koncernu istotne znaczenie, ale firma nie chce za nie płacić. Meta w swoich komunikatach twierdzi, że treści informacyjne stanowią zaledwie 3 proc. całości materiałów oglądanych przez użytkowników platformy i nie są jej istotną częścią. » Izba Wydawców Prasy (IWP)

On peut ainsi s’interroger sur le risque de désinformation que ces pratiques pourraient engendrer. Il est vrai que les logos et les photos sont la carte d’identité d’un média. Sans cela, il est plus difficile d’identifier la source de l’information à laquelle on est exposé, notamment sur les réseaux sociaux où l’on est habitué à faire défiler rapidement notre fil d'actualités. 

De plus, la guerre cyber s’accélère en Pologne avec le développement de nouvelles technologies mais aussi l’intensification de la guerre russo-ukrainienne. Ces problèmes sur l’origine d’une information peuvent aussi faciliter les nombreuses pratiques de désinformation entreprises par des médias pro-russes. En effet, bon nombre de trolls et de fake news circulent sur les réseaux sociaux, c’est pourquoi il est toujours essentiel que la source du diffuseur de l'information soit visible. Or, les récentes décisions de Meta risquent de compliquer cette possibilité de vérification pour l’utilisateur… 
 

Mais ce n’est pas la première fois que Meta entre en tensions avec les éditeurs de presse polonais…

Si Meta prend de plus en plus de liberté concernant la censure unilatérale de ces utilisateurs, on pourrait alors assister à nombre d’injustices à l’image du procès de la Fundacja Polska Sieć Polityki Narkotykowej

 

💡 La Fundacja Polska Sieć Polityki Narkotykowej, co to jest ?

La Fundacja Polska Sieć Polityki Narkotykowej fait parti de Polska Sieć Polityki Narkotykowe ou SIN (Réseau polonais de la politique antidrogue). C’est une organisation non gouvernementale qui promeut la connaissance des effets néfastes des drogues psychoactives et aide les personnes qui consomment de telles substances. 

 

En effet, le 13 mars 2024, le tribunal de district de Varsovie avait ordonné à Meta de rétablir le compte et les publications de cette fondation qui avaient été supprimés, sans raison valable, sur Instagram et Facebook. 

Lors du procès, l’entreprise META s'est défendue en invoquant le fait que la Fundacja Polska Sieć Polityki Narkotykowej avait accepté les conditions générales de Facebook, s’estimant ainsi en droit de supprimer le contenu que la fondation avait publié. Or, les conditions générales de Facebook et Instagram sont soumises à des changements assez récurrents. Donc, le tribunal du district de Varsovie et la juge en charge de l’affaire, Magdalena Kubczak, ont estimé qu’il n’était pas possible de supposer que l’utilisateur - ici, la Fundacja Polska Sieć Polityki Narkotykowej - ait accepté l’ensemble des changements impulsés par Meta, surtout quand ces changements interviennent sans motif valable. 

En somme, le tribunal a donné raison à la fondation et a ordonné à Meta de rétablir les publications et les comptes de la Fundacja Polska Sieć Polityki Narkotykowej. La multinationale états-unienne a également dû payer les frais de justice des deux parties. 

 

 

 

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