

À l'aube de la quarantaine, Vanessa Paradis délivre une prestation admirable dans Café de Flore, un film canadien de Jean-Marc Vallée aujourd'hui en salles. En mère d'un enfant trisomique, dure et solitaire, elle véhicule une magnifique émotion dans un film où la musique est omniprésente
Relation fusionnelle entre mère et fils
Un titre de film peut tout évoquer. Et il arrive parfois qu'on se retrouve assis sur son siège, décontenancé. Avec Café de Flore, on pouvait s'attendre à un long métrage sur les habitués et les péripéties de cet endroit parisien mondialement connu. Finalement, c'est un melting-pot de plusieurs histoires d'amour, entre tragédie et tendresse.Le tout habillé par la musique Café de Flore composé en 2001 par Matthew Herbert pour le célèbre café de Saint-Germain-des-Prés.

De Montréal à Paris, l'amour en musique
Du Paris des années 60 au Montréal d'aujourd'hui, Jean-Marc Vallée offre deux heures d'aller-retour et de connexions a priori très éloignées. "C'est assez prodigieux de voir les déroulements d'amour de tous les personnages et la manière dont c'était écrit, reconnaît Vanessa Paradis. Toutes ces histoires sont imbriquées de manière si claire et si lisible. C'est également très musical. J'avais l'impression d'avoir lu une partition d'un concerto". La musique, avec notamment le morceau lounge Café de Flore, accompagne en effet de manière permanente les héros du film. D'un côté Antoine, DJ canadien et père de famille qui a refait sa vie avec une jeune femme troublante et pimpante. De l'autre Jacqueline, une maman qui affronte seule la trisomie de son enfant, Laurent. Entre les deux, un lien imperceptible qui se fait jour au fur et à mesure. Jusqu'à l'épilogue.
Si la partie moderne du film, qui se déroule au Canada, présente un intérêt majeur, c'est bel et bien la prestation de Vanessa Paradis qui éclaire ce film.

Une mère courage
Dans ce rôle dramatique, elle a rarement éclaboussé avec autant d'émotion un écran de cinéma. "J'étais bouleversée à la lecture du scénario, avoue-t-elle, vraiment. Remuée même. J'avais littéralement le souffle coupé". Ce rôle ingrat de mère courage, elle l'a travaillé minutieusement : "Je me suis préparée surtout sur l'attitude, le look, le débit de paroles, la démarche. Il fallait gommer pas mal de choses naturelles chez moi. Et en ajouter d'autres contraires à mon caractère. Cela s'est fait petit à petit, avec les répétitions". Il a fallu ensuite se transformer en une femme dure, pourrie par la vie : "Jacqueline est si forte, si déterminée. Elle a perdu l'homme de sa vie et a fait le vide autour d'elle pour que son petit bonhomme vive une vie heureuse, même sans moyen. Elle est pauvre, n'a pas d'ami sur qui compter. Elle est seule face à la fatalité de la vie. Le plus dur était de jouer quelqu'un de si tenace, si sévère, si brute sans avoir l'air désagréable. Il faut que l'on puisse la comprendre, l'aimer". Mission accomplie. Le spectateur la plaint, l'encourage, et subit les montagnes russes de sa vie liées à un enfant handicapé.

Le handicap et l'improvisation
"Je n'étais pas effrayée du tout par sa maladie, indique d'emblée Vanessa Paradis. Je ne connaissais que très mal la trisomie, j'ai dû me renseigner, savoir les conditions générales. Et après, il fallait surtout s'adapter à une personne en face de moi, avec sa personnalité, son caractère. C'est en passant beaucoup de temps avec lui, Marin, que j'ai appris à le connaître. Mais autant que lui a appris à me connaître. Il jouait beaucoup, comme il respire. Il est fabuleux, très vif, charismatique".
Il n'est jamais évident de jouer avec des enfants, d'autant plus quand ils sont touchés par le handicap. "Il fallait que Marin et moi, on s'aime, on s'entende explique l'actrice. De mon côté, cela a été instantané car on tombe fou de ce Marin dès le premier regard. Il est si beau, si magique, si drôle. Pour le jeu, c'est parfois compliqué car il n'a pas la même concentration que vous".
C'est là que l'improvisation laisse place à des moments magiques. "Il faut s'armer de patience, reconnaît l'actrice. Mais j'ai l'impression d'avoir fait des progrès. J'ai toujours été nulle pour l'improvisation. Avec Marin, nous y étions obligés car les scènes ne se déroulent pas toujours comme on l'a prévu et/ou comme Jean-Marc l'a demandé. Du coup, on fait avec et c'est souvent fabuleux quand il n'en fait qu'à sa tête. Au final, il fait faire des progrès à tous. Tout le monde doit être talentueux dans l'urgence : réalisateur, cadreur, maquilleur?"

À l'arrivée, le film est réussi et propulse Vanessa Paradis dans une nouvelle dimension. Elle avoue d'ailleurs que Café de Flore, "sera un film important quand je regarderai en arrière. C'est un film que j'ai aimé tourner et voir. Il m'a tellement plu que j'ai oublié de m'autocritiquer". Les spécialistes l'ont fait pour elle et tous saluent sa performance. Au Canada, le film est nominé dans treize catégories aux prix Génie, l'équivalent de nos César, dont le meilleur film et la meilleure actrice.
Jérémy Patrelle (www.lepetitjournal.com) mercredi 25 janvier 2012



































