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Santé mentale en expatriation : une psychologue de Valencia tire la sonnette d’alarme

Taboue, la santé mentale est un sujet majeur chez les expatriés. Eh oui ! Quand on part, les problèmes ne restent pas sur le tarmac et, une fois les valises posées, il arrive que d’autres s’ajoutent à la liste… Avec l’aide de Laetitia Pellicer Bossis, psychologue clinicienne et tutrice du master de psychologie à l’Université de Valence, Lepetitjournal.com vous embarque dans un voyage au cœur de la psyché des expatriés, où chaque étape du parcours peut révéler des épreuves cachées.

un expat en burn out avec un carton sur la tête un expat en burn out avec un carton sur la tête
@Ante Hamersmit, Unsplash.
Écrit par Charlotte Maeder
Publié le 9 septembre 2024, mis à jour le 18 septembre 2024

“L'expat souffre. Pas tout le temps, mais très souvent.” Laetitia Pellicer Bossis nous l’a affirmé dans l’entretien. Mais à quoi sont dues ces difficultés rencontrées par les expatriés tout autour du globe ? Et peut-on en sortir ?


L'isolement : ennemi numéro 1 des expatriés 

Mission humanitaire, Erasmus, mutation…Il y a autant de raisons d’expatriation que d’expatriés. Malgré la diversité des parcours, les expats font face à un ennemi commun et insidieux : l'isolement.

un expat isolé se tenant la tete sur son canapé
@Nik Shuliahin, Unsplash.

Loin de leur famille et amis, incapables de parler la langue du pays d’accueil, plongés dans un monde aux codes sociaux différents, les expatriés sont vulnérables. Et la solitude ne tarde pas à pointer le bout de son nez. Ce sentiment est la première cause de dépression chez eux. Des journées qui se déroulent derrière un écran, parfois dans une chambre ou une cuisine transformée en bureau de fortune, c’est le quotidien de beaucoup d’expats, nous rappelle Laetitia Pellicer Bossis.  

Cette routine, où la frontière entre vie professionnelle et personnelle devient floue, les coupe insidieusement du monde extérieur. La psychologue souligne que cette forme d’isolement, renforcée par l’absence de contacts et d’ancrage dans la culture locale, peut rapidement devenir oppressante. “L'isolement n'est pas seulement une absence de compagnie physique, c'est aussi un manque de connexion réelle avec le monde qui nous entoure, ce qui peut mener à un profond sentiment d'aliénation", avertit-elle. 


S’adapter... ou rentrer 

Du climat parfois hostile à la gastronomie exotique, les expatriés doivent également s’adapter à un pays qui n’est pas le leur. Cela n’a l’air de rien, mais cette réalité est prise très au sérieux par la psychologie moderne. Elle a même un nom : le trouble de l'adaptation. Un état qui se manifeste lorsqu'une personne éprouve des difficultés importantes à faire face à un changement ou à un événement stressant dans sa vie. Ce trouble survient souvent en réaction à des situations telles qu'un déménagement, une expatriation, une perte d'emploi, un divorce, ou encore un deuil. 

femme seule face à fenetre
@Anthony Tran, Unsplash.

Les symptômes peuvent varier, mais incluent généralement une détresse émotionnelle qui dépasse ce qui serait normalement attendu dans de telles circonstances. “Cela se traduira par de l'anxiété, de la dépression, des troubles du sommeil, de l'irritabilité, ou encore des difficultés à se concentrer”, commente l’experte. En ajoutant les démarches administratives aux délais souvent interminables, on obtient un portrait alarmant du niveau de stress que peuvent ressentir les expatriés.

 

La pression familiale développe une anxiété chez l’expatrié, qui se transforme ensuite en troubles adaptatifs.

 

Familles ! La mise en garde d’une psychologue à Valencia

Travaillant avec de nombreux patients français à Valencia, Mme Pellicer Bossis a identifié un facteur récurrent dans l’apparition des troubles d’adaptation : le rôle de la famille. Pour elle, la famille française exerce souvent une influence forte sur les expatriés ; une influence qui peut, paradoxalement, devenir un fardeau plutôt qu’un soutien.

famille posant ensemble
@Freepik.

"La famille française est très exigeante". Cette exigence se traduit par une "pression familiale" intense, poussant l’expatrié à se hisser parmi "les meilleurs", une injonction qui peut rapidement engendrer une anxiété profonde. "Cette pression familiale développe une anxiété chez l’expatrié, qui se transforme ensuite en troubles adaptatifs", explique-t-elle. En cause : l'éducation. "Il y a une façon d’éduquer les enfants qui m’interpelle", ajoute-t-elle, soulignant que cette éducation, trop rigide ou axée sur la performance, peut miner la capacité de l’expatrié à s’adapter sereinement à son nouvel environnement. Dans ces conditions, la famille, plutôt que d’être un refuge et un soutien moral, devient la principale source de stress.

La psychologue Laetitia Pellicer Bossis en train de donner une conférence.
La psychologue Laetitia Pellicer Bossis en train de donner une conférence.

 

Des racines jusqu'au ciel, dessinez votre arbre de vie 

L’expatrié peut traverser des moments de doutes, de stress et de larmes. Mais qu’on se rassure : la lumière est au bout du tunnel. La psychologue en est convaincue : avec un suivi approprié, chaque expat peut non seulement surmonter ces épreuves, mais en sortir enrichi. "À la fin du parcours, s'ils se font suivre - à moins qu'il y ait un problème beaucoup plus important - tous arrivent à s'adapter, à vivre des moments enrichissants, constructifs", assure-t-elle.

schéma de l'arbre de la résolution des conflits psychiques

Alors, comment faire face à cette tension qui peut sembler insurmontable ? Lors de notre entretien, Laetitia Pellicer Bossis a partagé une métaphore intéressante, celle de l’arbre, pour illustrer la démarche à suivre, seul ou en thérapie.  "L’arbre, c’est l’image que j’utilise pour expliquer ce qui se passe dans les troubles d’adaptation", commente-t-elle. "Il est composé de trois parties : les racines, le tronc, et la partie supérieure." Les racines représentent les antécédents familiaux, cet héritage qui influence l’individu. "C’est quelque chose qu’on ne peut pas arracher", souligne-t-elle, rappelant que nos origines façonnent notre perception du monde. Le tronc, quant à lui, symbolise les traits de personnalité – les mécanismes de confrontation, de résolution de problèmes, les tempéraments, etc. "On ne peut pas arracher le tronc non plus", ajoute la psychologue, car il constitue le cœur de notre être, forgé par des années de vécu. Mais tout n’est pas figé ! "La partie de l’arbre que l’on peut modifier, c’est la partie supérieure”. Et cette partie est composée de quoi ? "De nos comportements." C’est là que réside la clé : en travaillant sur nos comportements, on peut apprendre à mieux gérer le stress, à s’adapter aux nouvelles situations, et à transformer nos expériences en opportunités de croissance personnelle.

Tel un arbre qui trouve son équilibre entre ses racines et son feuillage, l’expatrié découvre que l’adaptation n’est pas un abandon de ses origines, mais un déploiement de ses possibilités dans un nouvel environnement. Comme quoi, être déraciné n'empêche pas de puiser de nouvelles forces dans un sol inconnu !

 

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