Pour beaucoup, le Cid est une pièce de théâtre de Corneille où un personnage se plaint avec emphase : «Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie ». Pour certains automobilistes valenciens, c’est le nom d’une très grande avenue bien pratique. Mais saviez-vous que le Cid est un personnage historique ayant combattu avec et contre les Maures et régné en maître pendant quelques années à Valence ?
Une petite statue pour le grand Cid
Si tout le monde connait le Cid, bien peu connaissent sa véritable histoire. Il est d’autant plus difficile de connaître les liens particuliers qui unissent le Cid à Valence au regard du peu d’indices que la ville nous laisse. Mise à part l’avenidad del Cid, il n’existe qu’une statue pour rendre hommage au Compeador et elle ne se trouve pas dans le centre historique de la ville. Elle se situe exactement entre les stations Plaza Espanya et Estacio de Bailén. Là se dresse fièrement une statue équestre de bronze. Vous pourrez y déchiffrer des mots comme « El Cid » et « Valencia » mais rien qui ne pourrait vous mettre sur la voie des exploits du cavalier que vous contemplez. Il faudra partir d’un nom, écrit sur le socle de la statue : Diaz de Vivar.
Un héros de la Reconquista
Rodrigo Diaz de Vivar, est en réalité, le Cid. Ou du moins, il ne l’est pas encore. Il voit le jour au XIe siècle et fait partie de la noblesse espagnole. En son temps, la péninsule est globalement divisée entre les catholiques espagnols au Nord et les musulmans arabes au Sud. Les rois espagnols n’ont donc qu’une idée en tête : défaire les musulmans et conquérir à nouveau le Sud. C’est dans cette tâche que le jeune Rodrigo va s’illustrer. Il conquiert la ville de Saragosse ce qui fait de lui un vassal du roi de Castille. Le jeune homme devient rapidement un guerrier respecté et une personnalité importante à la cour. A tel point que le roi de Castille lui offre sa nièce en mariage. Cependant, ce même roi craint que cet habile guerrier ne devienne trop puissant. Il profite d’une rixe entre Rodrigo et un autre favori de la cour pour le condamner à l’exil en 1081.
Le Cid au service d’un roi maure
Privé de ses terres et de ses biens, Rodrigo n’est pourtant pas à court de ressource. Il reste un redoutable chef de guerre et ses services feraient le bonheur de bien des rois. Il décide alors de les offrir au plus grand ennemi de son ancien souverain : Moctadir, le roi maure de Saragosse. Au service de ce roi musulman, Rodrigo démontre une nouvelle fois ses qualités hors pair pour le combat. C’est à cette période qu’il reçoit son surnom qui le fera rester dans la postérité, encore bien des siècles après que son nom ne soit oublié : le Cid. Ce qui semblerait être un mélange de « sidi » qui signifie brave et de « caïd », le chef. Si ce surnom laisse à penser qu’il obtient un certain succès au service du roi Moctadir, notre versatile guerrier décide une nouvelle fois de changer de camp lorsque l’ordre lui est donné d’attaquer l’armée de son ancien roi. Alphonse VI de Castille le pardonne et refait de lui un vassal lui donnant à nouveau le droit de conquérir des terres en son nom.
Le Cid valencien
C’est en reprenant les armes du côté castillan que le Cid croise finalement la route de Valence. Il en expulse les Maures par la ruse en inondant la Huerta, les terres cultivables de la ville. Si dans un premier temps, il laisse la ville à son roi, dès 1094, il rompt une nouvelle fois avec Alphonse VI et s’en empare pour son propre compte. Mais le Campeador se fait déjà vieux et ne tarde pas à mourir à Valence. En apprenant la nouvelle, les Maures entament le siège de la ville. L’épouse du Cid, Jimena, décide d’incendier Valence et de fuir avec le corps de son défunt mari. La légende veut que l’on ait mis le cadavre du Cid sur son cheval pour donner courage à ses hommes et effrayer les Maures. Une légende bien improbable puisque le Cid était déjà mort… depuis 3 ans.
Depuis ses exploits, le Cid a traversé les siècles, son histoire étant reprise et déformée pour correspondre aux chansons, poèmes et tragédies de l’époque. Dès la Reconquista, on oublie son passé de révolte pour en faire un symbole de la lutte contre les Sarrasins aussi vaillant que notre Hugues Capet national. Aujourd’hui, alors que le Cid est encore célébré et commémoré dans des villes qu’il n’a que traversé, telle que Burgos, il est difficile d’en trouver la trace dans la ville qu’il a pourtant gouverné.
A Valence, le Compeador devra se contenter d’une statue, d’une avenue … et du nom d’une salle de bingo !