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Vicente Blasco Ibáñez, les passions d’un écrivain valencien

Portrait de l'écrivain espagnol Vicente Blasco Ibáñez en noir et blancPortrait de l'écrivain espagnol Vicente Blasco Ibáñez en noir et blanc
Écrit par Jill-Manon Bordellay
Publié le 7 novembre 2021, mis à jour le 17 avril 2023

Vicente Blasco Ibáñez est un nom qui résonne dans le cœur des Valenciens. Qui mieux que lui a su décrire la campagne pittoresque de Valence, sa ville natale ? Considéré, dès son vivant, comme l’un des plus grands romanciers de langue espagnole, il fut aussi un homme engagé qui connut l’exil en France. Il trouva refuge dans sa propriété de Fontana Rosa, à Menton, où il fit de son jardin son instrument de travail. Dans cet espace de lecture dédié aux grands maîtres de la littérature, il s’entourait de toute une famille d’écrivains qui l’avait profondément marquée.

Vicente Blasco Ibáñez est né à Valence le 29 janvier 1865. Écrivain fougueux, journaliste, homme politique, anticlérical et républicain, il mena une vie passionnée et fut à l’origine d’un mouvement politique auquel il donna son nom : le blasquisme. Ce mouvement était une variété républicaine de populisme, appuyé sur la petite bourgeoisie et les classes populaires.

 

Les années de formation d’un écrivain valencien 

Rebelle dès sa jeunesse, Blasco Ibáñez entreprend des études de Droit tout en lisant avec voracité Victor Hugo qui déterminera sa vocation politique et littéraire. Il revendique ses positions républicaines, ce qui lui vaut un court séjour en prison. Il se délecte de l'œuvre de Cervantes et s’en inspire pour ses romans. Orateur de talent, doté d’une formidable présence physique, Blasco Ibáñez exerce une fascination magnétique sur le public. Il se révèle être une fine plume avec une écriture dotée d’une énergie incroyable et d’une tendance naturaliste rappelant Emile Zola.

 

L’oeuvre abondante d’un artiste amoureux de sa terre

Blasco Ibáñez est décrit comme un homme empathique pour autrui, courageux, plein d’énergie. Il a fondé sept journaux, écrit 32 romans, dont certains ont été traduits dans différentes langues ; il va laisser 23 films sortis directement de sept de ses romans. Beaucoup de films vont avoir un succès mondial et vont servir à dévoiler des acteurs jusque-là inconnus. 

Parmi  ses romans  portés à l’écran, on compte : "Les quatre cavaliers de l’Apocalypse" écrit à Paris, "Les arènes sanglantes", "Mare Nostrum", "Sous la pluie blanche des orangers". Avec la même fougue, il traduit "L’Histoire de la révolution française" de Jules Michelet (1798-1874) et "La nouvelle géographie universelle" d’Elisée Reclus (1830-1905). On peut même être étonné de sa détermination qui le conduit à se battre en duel avec deux monarchistes.

C’est toutefois Valence, sa ville natale, qui fait l'objet de nombreux écrits dans lesquels il dépeint les problèmes sociaux de la région. Dans "Terres maudites : la barraca", considéré comme un chef-d'œuvre, il décrit le monde de "la huerta" de Valence et les conflits sociaux acharnés qui opposent agriculteurs et propriétaires. Son amour pour les paysages, les odeurs de Valence et les jardins d’orangers transparaît aussi dans ses romans.

Une barraca sur la lagune de l'Albufera
Une barraca de l'Albufera de Valencia qui a inspiré Blasco Ibáñez / Joanbanjo, CC BY-SA 3.0

 

Blasco Ibáñez, un homme engagé

En politique, Blasco Ibáñez est élu six fois député à Valence, emprisonné à plusieurs reprises pour la diffusion d’idées séditieuses. Bien que maîtrisant le valencien, il n’a jamais voulu promouvoir cette langue ni se rapprocher des mouvements catalanistes défendant des thèses qu’il n'appréciait pas. Sa présence à Valence est très marquée à l’exception des années de la dictature de Primo de Rivera (1923-1930) où Blasco Ibáñez fut obligé de s’exiler.

Les livres considérés comme les meilleurs romans valenciens furent : "Arroz y tartana" (Riz et tartane), "Flor de Mayo" (Fleur de mai), "Entre naranjos" (Les orangers) et "Cañas y barro" (Boue et roseaux). Ces romans naturalistes sont bâtis sur des intrigues solides rédigées dans une langue rigoureuse et colorée. Les écrits de Blasco Ibáñez mélangent l’empathie et la crudité notamment lorsqu’il raconte la vie de petits commerçants de Valence, la difficulté pour les pêcheurs de vivre ainsi que les luttes des cultivateurs de riz avec les grands propriétaires terriens.

 

Un pêcheur dans l'Albufera de Valence en couverture du livre de Blasco Ibanez
Couverture du livre "Cañas y barro" de Blasco Ibáñez

 

Des oeuvres adaptées au cinéma

“Sangre y Arena" (Les arènes sanglantes), écrit en 1908, fut un autre roman de Blasco Ibáñez adapté au cinéma. Il s’agit de l’histoire d’amour d’un torero pour une aristocrate qui l'entraîne à sa perte. Blasco Ibáñez n’éprouvait pas beaucoup d’attirance pour la corrida, mais il connaissait très bien le milieu de la tauromachie : la cruauté du spectacle, la grossièreté, la versatilité du public et la soif de notoriété des protagonistes.

En 1909, Blasco Ibáñez fut invité à faire une tournée de conférences sur la littérature espagnole - Cervantes, Calderon, Queveda - en Argentine et tenta d’établir des colonies agricoles. Ce fut un échec financier qui le contraignit à retourner en Europe.
 

Blasco Ibáñez et la France

Après ce voyage en Argentine, Blasco Ibáñez revient sur la Côte d’Azur. Il réside à Nice. En 1921, l’écrivain est connu dans le monde entier et la traduction de ses ouvrages lui a apporté célébrité et fortune. Il devient alors une célébrité et une figure de la vie mondaine et le seul homme de lettre espagnol de son époque que ses livres, adaptés pour certains au cinéma, ont enrichi. Il s'habille chez les plus prestigieux tailleurs et roule en cadillac. Il acquiert à la même époque Fontana Rosa, une immense propriété où il va créer des terrasses, de nombreuses fontaines et bassins. Il y construit des bancs à la manière espagnole recouverts de faïences de couleurs très vives. C’est à cette époque qu’il va créer un monument consacré aux écrivains qu’il admirait le plus au monde qu’il appelle “ Le jardin des romanciers”.

À Fontana Rosa, il est mondialement connu pour son action politique de républicain intransigeant, pour son œuvre de romancier, de journaliste, pour ses films et scénarios, pour ses talents d’orateur et sa vie amoureuse. Sa vie est bien remplie, en travail mais également en mondanités. Il reçoit et garde au fond de son cœur la république exilée comme Victor Hugo à Guernesey.
 

Fontana Rosa, un jardin dédié à la littérature

Un photo du jardin Fontana Rosa à Menton
Le jardin Fontana Rosa à Menton © Ville de Menton

Blasco Ibáñez meurt dans la nuit du 27 au 28 janvier 1928, il agonise ; vers 2 heures du matin, ses derniers mots sont “Mon jardin, mon jardin”. Ces mots rappellent l’importance de ce jardin pour son art, où sont installés douze bustes en bronze représentant Boccace, Cervantes, Dickens, Dostoïevski, Flaubert, Goethe, Balzac, Hugo, Poe, Stendhal, Tolstoï et Zola. Il ne subsiste aujourd’hui que celui de Cervantès. Une rotonde est dédiée à ce dernier, elle est ornée de 100 illustrations de Don Quichotte.

Au cours des décennies qui suivent sa mort, son souvenir s'estompe, notamment en raison de l’aversion du régime franquiste qui trouvait ses écrits immoraux et subversifs. Dans les années 70, ses livres recommencent à se vendre. En 1998, à l’initiative des autorités de Valence, où sa personnalité ne s’était jamais éteinte, un colloque international est organisé à son sujet.


Son credo artistique : "Je m'enorgueillis d’être un écrivain et d’avoir plusieurs articles sur la guerre le moins littéraire possible. Je suis un homme qui vit et qui, de surcroît, écrit des livres".

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