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Défiler en costume traditionnel de Fallera : l’une de mes plus grandes fiertés

des falleras en train de défiler en costume traditionneldes falleras en train de défiler en costume traditionnel
Écrit par Anaëlle Marques
Publié le 7 février 2023, mis à jour le 7 mars 2024

Mars 2017, j’ai 14 ans et je m’apprête à vivre l’une des meilleures expériences de ma vie. Je vais défiler pour les traditionnelles Fallas de la petite ville de Catarroja. Je vous emmène avec moi pour revivre ce jour exceptionnel et comprendre comment se préparent les somptueuses falleras.

 

Ça y est, c’est décidé ! Cette année, je souhaite participer au défilé des Fallas.

L’envie folle de défiler pour les Fallas 

Ça y est, c’est décidé ! Cette année, je souhaite participer au défilé des Fallas. Depuis toute petite, je rêve de porter ces magnifiques robes brodées typiques de la Communauté valencienne. J’ai toujours voulu, moi aussi, ressembler à ces “princesses”. Alors, en janvier 2017, je choisis enfin de mettre ma timidité de côté. J’annonce à ma famille que je veux parader en costume traditionnel. “Papa, maman, mamie,… Vous savez, j’aimerais vraiment participer aux Fallas, en mars prochain.”

Il n’en fallait pas plus pour enchanter ma grand-mère ! Elle est tout excitée. C’est la première fois que l’une de ses petites-filles exprime le désir de défiler. Ni une ni deux, elle commence déjà à prendre mes mensurations. Tours de poitrine, de hanches, de taille, largeur de mes épaules, longueurs de mes bras et jambes,… Tout y passe. Le but : avoir les dimensions exactes de mon corps pour me trouver la robe parfaite sans que je n’aie à l’essayer. En effet, j’habite en France et je ne pourrai pas me rendre en Espagne avant les festivités. Impossible donc de chercher moi-même mon costume idéalement ajusté. 

À Catarroja, commune voisine de Valencia, ma “mamita” part à l’abordage des différents costumiers et couturiers. Elle a réellement à cœur la mission de dénicher la robe taillée pour moi. Elle repère des modèles que je choisis via des photos WhatsApp. Mais, la tâche s’avère plus difficile que prévue. Chaque fois que nous pensons enfin avoir trouvé la bonne robe, elle nous passe sous le nez. Pas assez à ma taille, location trop chère ou déjà louée, j’arrive finalement à la veille des Fallas sans avoir vu le modèle que je porterai.


Les premières étapes pour me transformer en fallera valenciana

À peine le pied posé à Catarroja, je suis amenée à faire le tour des loueurs de robes. Le compte à rebours est lancé : pas le temps de traîner ! Nous devons trouver ma tenue au plus vite. Heureusement, c’est chose faite la veille du défilé. Après plusieurs retouches chez la couturière, ma jupe, mon jupon et mon corset sont finalement parfaits. Entre-temps, ma grand-mère et moi avons aussi dû aller acheter mes bas de laine et mes espadrilles traditionnelles. À talons et dorées, elles s’accrochent, à l’aide d’une ficelle, autour des chevilles.

Puis, le jour-J arrive enfin : le 18 mars est là. La procession a lieu ce soir. Le stress commence à monter. Je réalise, petit à petit, que, ce dont j’ai toujours rêvé, est sur le point de se concrétiser. Oui. Ce soir, moi aussi je paraderai. La journée débute dès 9H. Je suis attendue à el Casal faller del Charco pour me faire coiffer. Pendant plus d’une heure, les doigts de ma tante, experte en coiffure, s’entremêlent dans ma chevelure pour la laquer, l’épingler, y poser des postiches… Le moment est douloureux ; surtout pour moi qui déteste qu’on me touche les cheveux. Je suis rassurée quand elle positionne enfin la touche finale : le peigne d’or qui orne mon chignon tressé. À côté, assis sur une simple chaise de plastique blanc, mon papa m’observe les larmes aux yeux. Il est ému. À mon tour de perpétuer les traditions de mes ancêtres.

le chignon tressé d'une fallera
Je suis rassurée quand elle positionne enfin la touche finale : le peigne d’or qui orne mon chignon tressé.

 


Habillage et maquillage : les derniers préparatifs avant de défiler

Vers 17H, le trac est définitivement installé. Il est maintenant l’heure de passer aux choses sérieuses. Je dois me préparer. Ma maman et ma mamie m’aident à enfiler mes collants, mes bas de laine et à attacher mes chaussures. Elles s’occupent surtout de nouer mon corset, me faire enfiler mon jupon puis me passer mon imposante robe rouge. La tenue est très lourde et fragile. Seule, il m’aurait été impossible de la mettre. 

Ma cousine prend ensuite le relais pour me maquiller. Moi qui n’aime pas trop ça, je suis servie ! J’ai le visage recouvert de fond de teint, de poudre, de blush, de rouge à lèvres assorti à ma robe et de mascara. Après, place aux touches finales : les bijoux et les accessoires. Ils appartiennent tous à ma grand-mère. Elle me les prête fièrement et avec émotion. Pour moi, c’est un honneur de les porter. J’enfile alors son collier de perles, ses énormes boucles d’oreilles pendantes et accroche la broche familiale à ma poitrine avant d’attacher son voile noir sur ma tête.

une fallera vêtue d'une robe rouge pour le défilé
Elles s’occupent surtout de nouer mon corset, me faire enfiler mon jupon puis me passer mon imposante robe rouge.

 

 

Plus que quelques minutes avant le départ de la procession

Le temps passe vite. Il est déjà l’heure de rejoindre le quartier El Charco pour lequel je dois défiler. C’est dans ce casal faller que la grande majorité de ma famille est membre. Cousins, cousines, tantes, oncles, grands-tantes, … Ils m’attendent tous avec impatience. À peine arrivée, je suis alors assaillie d’accolades, d’embrassades et de grands sourires. Je suis aussi demandée de tous les côtés pour prendre des photos devant les Ninots. “Anaëlle, viens prendre une photo avec ton cousin et ta cousine !” Anaëlle, mets-toi devant avec papi et mamie.” Il faut immortaliser le moment. L’ambiance est festive. Tout le casal s’active et s’excite. Les enfants courent partout, les pétards retentissent et les musiciens s’échauffent à leurs flûtes et tambours. 


Défiler à travers Catarroja 

19H : heure du départ. Chacun se met en marche dans une organisation structurée : les petits d’abord pour finir par les aînés. D’un coup, je me sens seule. Je suis au beau milieu de femmes que je ne connais pas. Entourée d’Espagnoles plus âgées, je suis éloignée des membres de ma famille. Heureusement, Andréa, ma cousine française qui ne défile pas, est là pour m’accompagner. Avec ma mère, ce sont mes assistantes en chef. Elles me tiennent ma bouteille d’eau, me parlent, me photographient, … Elles me font rire et passer le temps. En effet, le défilé est long car les arrêts sont fréquents. J’ai mal aux pieds à cause de mes talons, le poids de mon costume me meurtrit les hanches et j’ai froid. La nuit est en train de tomber et mes petites manches courtes ne me couvrent pas assez. 

Cependant, sur les trottoirs, toute la ville s’est réunie pour acclamer les falleras y falleros de chaque quartier. Et, lors de mon passage, certaines personnes me reconnaissent et me saluent chaleureusement. De quoi me donner la force de continuer. D’autres me regardent de travers comme si je n’avais rien à faire là. Que vient faire une petite Française dans le défilé traditionnel des Fallas ? Je ne me laisse pas démonter. Je suis heureuse et fière de parader. Je profite de l’ambiance festive et de la musique. Alors, en marchant, je ne peux m’empêcher de me revoir, petite, sur le bord de la route, en train d’observer toutes ces magnifiques femmes aux robes somptueuses. Aujourd’hui, c’est à mon tour de sourire aux fillettes sur le côté. 

une fallera avec un costume traditionnel lors du défilé des Fallas
En marchant, je ne peux m’empêcher de me revoir, petite, sur le bord de la route, en train d’observer toutes ces magnifiques femmes aux robes somptueuses.


Un feux d’artifice pour une fin de toute beauté !

Enfin ! Je vois le bout du chemin arriver. J’entre place de la mairie. Au sol, un tapis rouge a été déroulé. Et autour de moi, des centaines de personnes sont agglutinées contre les rambardes pour admirer la procession. Je suis très gênée mais une vague de fierté m’envahit. 

Mon bouquet de fleurs à la main, mes derniers pas vers la Vierge Marie me paraissent hors du temps. Un moment extrêmement rapide mais qui, dans mes souvenirs, semble durer une éternité. Devant la scène sur laquelle trône la grande Virgen Maria garnie de fleurs, tout se précipite. Mon cousin récupère mon bouquet avant de me serrer dans ses bras. À gauche, ma “mamita” et ses sœurs, assises dans l’espace VIP, se lèvent et crient pour m’acclamer. À droite, mes parents m’applaudissent, un grand sourire figé sur leurs visages. 

Le cœur battant, la procession est maintenant finie pour moi. Mais ce n’est pas pour autant que la fête est terminée ! Il reste le moment le plus symbolique de la soirée : le feux d’artifice accompagné de l’hymne valencien. Aussitôt les derniers falleros et falleras arrivés, les premières notes de cette puissante chanson retentissent. Les yeux rivés vers le ciel, je ne peux alors m'empêcher de pleurer. Je pense à toutes ces personnes si heureuses de m’avoir vue aujourd’hui, ma grand-mère, mon papa,… Et peut-être - qui sait ? - tous mes ancêtres qui me regardent de là haut. Je pense aussi à la petite Anaëlle, le regard plein d'étoiles, qui peut enfin dire : ça y est, je l’ai fait.

 

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