Sofiane Naït Mouloud sera à LA MARSA le 25 février, pour la séance de dédicace de son dernier ouvrage : "Hend, le prince de Djerdjer", publié sous le nom d’auteur Iza Lou, à la librairie Al Kitab LA MARSA.
Sofiane Naït Mouloud est un auteur francophone né en Algérie en 1980. Il vit en France depuis 20 ans. Il est l’auteur de quatre ouvrages, un roman (Les Maudites), deux essais (Malaises français, défis algériens et Lettre ouverte à Robert Ménard et à Thierry Rolando) ainsi que d’une pièce de théâtre publiée en juin 2019 chez l’Harmattan sous le nom d’auteur Iza Lou : Hend, le prince de Djerdjer".
SYNOPSIS
L'histoire de Hend, ce Prince qui est né et a grandi à Tunis, puis est reparti dans sa région d'origine dans les montagnes du Djurdjura en Algérie. L'histoire s'est déroulée il y a près 5 siècles mais elle fait aussi écho à l'actualité récente au Maghreb !
Sofiane Naït Mouloud est également directeur de la collection « Terrain : récits et fictions » chez L'Harmattan.
Lepetitjournal.com/tunis : Pourquoi avoir choisi de publier sous le nom d'auteure IZA LOU ?
Sofiane Naït Mouloud : Il y a plusieurs raisons,
. publier en mon nom propre n'est pas fondamental, autrement dit, je considère que le sujet et le contenu sont bien plus importants que mon ego,
. ensuite, ce nom d’auteure fait explicitement référence au prénom de ma sœur et notre relation fusionnelle est très importante à souligner. Lorsque j'ai publié mes premiers livres, elle était adolescente et elle trouvait ça génial : « ton nom restera puisque tu as publié des livres ».
Ce que je lui répondais, c'est que ça n'avait pas d'importance pour moi, ce qui primait c'est ce qui se passe dans le présent, le temps d’une vie, et non ce qui resterait post mortem. En revanche, j'ai bien senti que pour elle cela avait du sens et de l’importance. Que son nom reste dans les bibliothèques à travers ce livre est donc aussi une preuve d’amour, s’il en fallait une…
. Enfin, j’accorde une grande importance à l’égalité homme femme, sujet récurrent dans mes écrits, et cela commence d'abord par l'égalité frère sœur, une chose que nous avons, mon frère et moi, particulièrement veillé à rendre réelle dans notre relation avec notre sœur. Ce nom d’auteure est un témoignage indirect sur ce point et cette relation.
Peut on parler d'une réelle égalité frère et sœur au Maghreb ?
Il est important qu'on dépasse les clichés. D’une part, l’Occident n’a pas le monopole de l’égalité homme femme. Nous pouvons faire un liste infinie d’actes de misogynie, de machisme et d’inégalités flagrantes dans des sociétés non maghrébines, en France, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et j’en passe. D’autre part, des femmes libres, des parents qui veillent à élever leurs fils et leurs filles dans les mêmes conditions d’égalité, ce ne sont pas des exceptions au Maghreb.
Mais, restons lucides, oui, dans la majorité des cas, la place réservée aux garçons est bien différente, souvent plus avantageuse que celle réservée aux filles dans les familles maghrébines.
Les inégalités, il y en a partout, de toutes natures. Le sujet n’est donc pas de les quantifier, de les comparer d’une société à une autre, mais de réfléchir à comment dépasser une éducation parentale, un héritage culturel, des mécanismes inconscients pour qu’il y ait un changement dans la façon avec laquelle grandissent les enfants… parents de demain.
Nous ne pouvons pas changer les mentalités anciennes, mais nous pouvons influer sur les valeurs à transmettre. Je pense que cela passe par des actes conscients que des frères et sœurs peuvent entreprendre. L’éducation par l’exemple me paraît une bonne approche. S’affranchir du poids de la société, autant que faire se peut, des archaïsmes et conservatismes culturels nécessite du courage, mais ce courage, au niveau de chaque individu, est essentiel.
Ce combat pour la liberté et l'égalité est aussi le sujet de votre premier livre paru en 2007 « Les maudites » ?
Oui, dans une certaine mesure. " Les Maudites " raconte l'histoire d'Anzar, de Feriel, son amante, et de Na-Baya, sa mère aimante. La soumission des femmes révolte la conscience d’Anzar jusqu’à l’étouffer. En même temps, son amour pour Feriel, une fille qui transgresse les lois de son village, l’emmène à l’aider à fuir pour vivre à Oran. Mais par delà tout, c’est vouloir rendre justice à sa mère, abandonnée par un mari parti jouir des plaisirs de l’Occident qui le mène sur le chemin d’une vengeance inattendue.
Le conservatisme, le patriarcat, l’honneur, les tabous, le « qu'en dira-t-on »… c’est autant d’héritages qui empoisonnent la relation homme-femme, encore d’actualité aujourd’hui, desquels parle " Les maudites ".
Pour moi, le changement ne viendra ni des parents ni des lois de pays trop jeunes en démocratie, il viendra des individus, des frères et des sœurs qui peuvent rendre cette égalité effective au quotidien.
Ces changements peuvent ils venir des couples aux mentalités opposées ?
Cela pourrait aussi, mais pas s'il y a de grandes différences sur les valeurs fondamentales au sein de ce couple, ce serait perdu d'avance.
Vous avez ensuite publié en 2014 « Malaises français, défis algériens », où vous mettez en exergue le traitement de l'identité et de l'appartenance
Ce livre, écrit sur une période à cheval entre les 2 quinquennats de Sarkozy et Hollande, est un ensemble de textes de société divisé en deux parties indépendantes.
Dans la première, j'évoque, le rapport de la France aux étrangers vivant sur son sol, son rapport au monde à travers les interventions en Syrie et en Irak par exemple, son rapport à l'égalité (les quartiers populaires et le vote des étrangers par exemple), son rapport à l'identité et, au-delà de tout, l'instrumentalisation de l’autre et des différences culturelles pour en faire un argument politique.
Dans la deuxième partie, je questionne le rapport de l’Algérie à l’école, au féminin, à la religion, à la modernité. Ce n’est pas sans avoir de lien avec l’incroyable révolte du peuple algérien de ces derniers mois qu’on ne peut que soutenir !
Dans les deux cas, il est aussi question d’identité. Je suis Algérien, je suis Berbère, j’ai grandi en Algérie, cela fait vingt ans que je vis en France, je suis athée, qu’est-ce que cela fait de moi ? Aucune importance ; ce livre est justement un appel à ne pas se laisser définir par les autres, à prendre part à la société, à refuser les étiquettes, à se revendiquer et agir comme citoyen, à ne pas laisser mourir sa multiplicité.
En 2015, vous publiez « Algérie Française, lettre ouverte à Robert Ménard et Thierry Rolando »
Ils avaient publié un pamphlet appelé « Vive l'Algérie française ». Ce qui m'a touché, c'est la volonté des auteurs de pousser à la haine entre les peuples, en manipulant l'histoire. Ils usaient de statistiques, d’interprétations et de raisonnements délibérément orientés pour dire au lecteur ô ! combien la colonisation a été positive. Ce débat est de la politique de comptoir qui oppose et divise soixante ans après la fin de la guerre !
J'ai voulu, avec cette réponse, démonter leurs raisonnements et dépassionner l'histoire, arrêter avec la repentance et en finir avec les fantasmes émanant des deux côtés.
L'histoire est très compliquée entre l'Algérie et la France. Ce qu’il faudrait, c’est déclassifier l’ensemble des archives liées à l’histoire commune des deux pays pour que public et historiens y accèdent et qu’on arrête l’amnésie et la manipulation des deux côtés ! Les peuples, les individus ont tout à y gagner.
Il est temps que nous vivions notre histoire commune de façon positive, dans la paix…
Pour « Hend, le Prince de Djerjder » pourquoi avoir choisi d'écrire une pièce de théâtre plutôt qu'un roman ?
Sans doute parce que j’ai déjà écrit un roman et qu’écrire une pièce de théâtre était un défi littéraire pour moi ! Par ailleurs, je ne me suis jamais posé cette question, quand l’idée m’est venue d’écrire sur ce sujet, la pièce de théâtre me semblait être une évidence : il fallait que ce roi, ce prince, sa mère… prennent vie !
Le prince a réellement existé, quelle est la part de fiction dans votre œuvre ?
Le prince a réellement existé, si du moins nous nous fions à quelques fragments d’histoire qui nous restent. Comme c’est écrit dans l’avant-propos de la pièce, nous naviguons entre histoire et légendes (au pluriel). Disons que l’ossature de la pièce est réelle (les principaux personnages et évènements) et que tout le jeu est fiction.
L'action se déroule en partie dans le village de Koukou, une ancienne forteresse puissante de Kabylie, durant près de 2 siècles, qui aurait été délibérément oubliée dans l'histoire algérienne. Quelle est votre vérité sur ce point ?
J’ai fait toute ma scolarité, avant les études supérieures, en Algérie et, en effet, l’histoire officielle enseignée à l’école n’en parle pas ! Pourtant, oui, le royaume de Koukou – quelle que soit sa grandeur – a bien fait partie de l’histoire du pays ! C’est le cas de nombreuses histoires en Algérie, tout particulièrement dans cette région, la Kabylie, et depuis le 7ème siècle, où les pouvoirs centraux ont cherché à occulter des réalités historiques, des spécificités culturelles… ça ne sert pas l’Algérie ! J’ai bon espoir que l’Algérie prendra conscience de la richesse et diversité culturelle dont elle dispose et qu’elle commence à la valoriser plutôt qu’à la laisser mourir…
Pourquoi une partie de l'action se déroule-t-elle à Tunis ?
Parce que la mère du prince a soit des origines tunisiennes soit de la famille établie à Tunis et qu’elle s’est y exilée, lors de l’assassinat du roi alors qu’elle était enceinte du prince. Elle y a vécu et y a élevé le prince.
Dans cette pièce faites de métaphores avec l'époque actuelle, les protagonistes peuvent ils être comparés aux récents dictateurs et aux beys ou deys déchus du Maghreb ?
Ca me semble évident. Pour le cas de l’Algérie, la France a été sortie et les nouveaux héritiers, qui ont participé à la libération du pays ont tenu le trône et le peuple d’une main de fer ! Récemment, un président parti pour gouverner le pays jusqu'à la mort a été défait, et voici qu’un nouveau roi s’installe… Va-t-il être plus démocratique et plus juste que les précédents ? Il y a matière à rester vigilent ! C’est le destin des jeunes pays.
Pourquoi cette histoire plus qu'une autre ?
Parce que c’est une histoire restée dans les mémoires collectives, qu’elle me touche, qu’elle s’est passée, en partie, dans le village où j’ai grandi et que je tiens à contribuer, autant se faire que peut, à la conservation du patrimoine culturel tel que celui dont fait l’objet cette pièce. C’aurait pu être une histoire qui se serait déroulée n’importe où ailleurs, j’y aurai consacré autant de passion ! Les cultures orales se meurent… j’espère qu’elle ne disparaîtront pas. Ecrire est une façon de les sauver…
Nous ne dévoilerons pas la fin du livre qui est surprenante, est-elle romancée ou respecte-t-elle la réalité des faits ?
La partie surprenante à laquelle vous faites référence respecte ce que je sais de la réalité des faits, une partie de la fin est romancée. Mais vous m’accorderez que la réalité est, souvent, moins romantique, moins joyeuse que ce qu’on voudrait croire…
Cette pièce de théâtre est elle destinée à être jouée ?
Je l’espère vivement ! En l’écrivant, j’ai essayé de veiller à ce qu’elle puisse être jouée assez facilement. Les premiers retours des lecteurs vont dans ce sens et j’en suis ravi. Et j’ai le plaisir de vous annoncer que nous discutons de sa mise en scène avec Jean-Luc Garcia. A suivre.
Propos recueillis par Isabelle Enault pour Lepetitjournal.com/tunis
RENCONTRE-DEDICACE IZA LOU
Hend, Le Prince de Djerdjer Pièce en quatre actes et treize tableaux Éditions L'Harmattan, Collection Terrain, Récits & Fictions, 2019.
RENDEZ-VOUS LIBRAIRIE AL KITAB LA MARSA
LE 25 FEVRIER DE 17H30 à 19H30
Si vous souhaitez en savoir plus sur cette pièce de théâtre, vous pouvez lire cette fiche de lecture
S'inscrire à l'event ICI