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RENCONTRE - Olga Malakhova

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Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 15 avril 2019

Nous avons rencontré l’artiste-plasticienne Olga Malakhova, dont l'oeuvre très reconnaissable, aux influences tuniso-russe, connaît un succès grandissant.   

Née à Tallinn (Estonie), Olga est d'origine Russe et docteur en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts (spécialité : arts plastiques et photographie, Université Paris). 

Elle fait ses études universitaires à Leningrad, puis s'installe à Gafsa et obtient son Mastère de recherche de l’Institut des Beaux-Arts de Gabès.  Elle enchaîne avec une thèse de doctorat  à l'université PARIS VIII :
«Du tableau à l’installation. La construction du paysage en Tunisie, de l’époque coloniale à nos jours», publiée en France.  

Après avoir vécu plus de 20  ans à Gafsa, elle s'installe à Carthage, où elle est maître-assistante à l’Institut supérieur des cadres de l’enfance.

Lepetitjournal.com édition Tunisie : Comment avez vous choisi de devenir artiste peintre ?

C'est mon père, l'artiste Stanislav MALAKHOV, qui m'a initiée depuis mon plus jeune âge. Les sorties étaient souvent réservés à peindre des paysages et c'est lui qui m'a donné ce goût des formes de la femme grâce à ses caricatures où les femmes étaient grosses, par admiration et non pas par moquerie. De formation, ma mère est souffleuse de verre, c'était donc naturel que je devienne artiste.

Pourquoi avoir choisi la Tunisie ?

J'ai visité la Tunisie pour la première fois en 1987, puis j'y suis retournée régulièrement et j'ai fini par m'y installer. Je voyage peu, j'aime retourner à Tallinn et Leningrad, j'aime aussi Paris mais je reste amoureuse de la Tunisie. 
J'y ai entraîné ma famille, et j'ai partagé avec eux cette passion.

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Vos œuvres fourmillent de symboles et de couleurs. Quelles sont vos influences ?

La Tunisie et la Russie, bien sûr ! Je dois beaucoup à Hmida Waheda qui a développé l'artisanat de Gafsa. La symbolique amazigh, l'art berbère, les artisanes, les paysages tunisiens m'inspirent beaucoup, et pour mes origines russes, elles sont présentes par les couleurs vives et les matriochkas.

Les matriochkas sont présentes dans de nombreuses œuvres, cela a toujours été le cas ?

Auparavant j'étais paysagiste. Comme mon père, j'ai sillonné la Tunisie, et j'ai suivi ses traces. Rapidement, j'ai voulu appuyer mon propre style et ce sont les femmes artisanes qui m'ont influencée.

Ma première exposition s'appelait « sur les traces de Gafsa» : c'est là que j'ai débuté avec mon propre style, et cela a été un tremplin pour la suite de ma carrière.

Il fallait passer par les paysages, puis par les femmes artisanes, qui m'ont expliqué leur inspiration : elles représentent leurs rêves par des formes géométriques amazigh et elles les représentent avec leur propre imaginaire.

Je peux dire que j'ai mis 25 ans à affirmer mon style, qu'on dit très reconnaissable maintenant et j'en suis très touchée et très fière.

'Depuis trois ans mes tableaux portent signature ''Malak''. Je voudrais de cette manière souligner une évolution, presque une rupture. En effet, mes nouvelles collections tentent d'investir des univers différents et présentent des recherches artistiques innovantes.
 

Quels sont les artistes qui vous inspirent ?

Paul Klee, Kandinsky, Klimt,  Ali Ben Salem, Jalel Ben Abdallah, Abdelaziz Gorgi … J'intègre souvent quelques touches « hommage » dans mes tableaux.

Vos autres sources d'inspiration ?

Au début j'étais passionnée aussi par les tissus, les motifs, mais c'est le passé, le peintre doit évoluer. J'ai élargi mes sources d'inspiration, les détails, les symboles, les couleurs. Parfois dans mon quotidien, un détail m'accroche et déclenche mon imaginaire.

Je visite beaucoup, surtout les musées du Bardo, de Sousse. Il faut aussi analyser les petits détails, qui ont fait naître des collections.

J'ai raconté mes propres histoires grâce à ces détails, j'ai une imagination débordante, et je rêve beaucoup la nuit. Dès que je me lève je note ce qui me reste en tête.
Ce sont aussi les rencontres qui alimentent mes personnages comme l'histoire du poisson qui m'a été racontée par un monsieur de Sfax.

Vous remettez vous en question ?

Bien sûr, c'est indispensable pour réussir et évoluer. L'artiste doit se remettre en question en permanence, et ne doit jamais être totalement satisfait. 
J'apprends tous les jours, bien que je sois enseignante, mes étudiants aussi m'apprennent, le quotidien m'apprend et me nourrit.

Quels sont vos principaux traits de caractère ?

Je suis foncièrement optimiste, je n'aime pas le « dark » dans l'art. J'essaye de ne pas être une éponge pour les actualités souvent déprimantes … pour avoir l'esprit libre et me consacrer entièrement à mon art, dès que j'ai des instants libres. 

Chaque œuvre est un challenge, et m'obsède jusqu'à sa réalisation. Certaines « accouchent dans la douleur » c'est seulement quand je signe que je suis satisfaite et je n'y touche plus sauf dans de très rares cas.
C'est toujours un défi, car je ne suis pas narcissique et c'est l'intérêt du public qui me prouve que j'ai réussi.

Quand je travaille, je perds la notion du temps, je suis possédée, parfois je reste debout une journée sans manger et je dois planifier de grands moments de liberté sans stress ; Je ne peux rien commencer si je n'ai que 2 heures devant moi. Je pratique la méditation avant de commencer une œuvre, pour trouver le sujet, et également après pour ajouter les détails, l'harmonie. Il m'arrive de retirer des détails pour atteindre l'harmonie parfaite. C'est un combat pour la construction, pour sentir chaque élément. J'insère aussi des objets fétiches, minuscules, qui sont à peine visibles.

Comment expliquez vous à votre public l'histoire de chaque tableau ?

Je ne les explique pas !  Je laisse libre cours à chacun d'y imaginer sa propre histoire, de vivre son propre ressenti.

Quelles techniques utilisez vous ?

Les techniques mixtes : la peinture à l'huile, l'acrylique, et aussi l'encre de seiche, le café ...

Je commence toujours par les fonds, je suis très rapide, avec une grande gestuelle pour les réaliser. La fusion entre les couleurs relèvent souvent du hasard.

Ensuite je travaille avec l'acrylique pour les personnages et les symboles, et j'utilise aussi la feuille d'or.

Comment décidez-vous d'un sujet ?

Le plus souvent, je dispose les fonds devant moi, pendant le petit déjeuner, et je laisse vagabonder mon esprit.

je commence alors à « voir » l'oeuvre, petit à petit. Parfois je perçois un visage ou un le corps d'une femme dans les ombres d'un fond.

Pour LADY ELYSSA, qui a été acquise par l'état, j'ai commencé par un pont puis j'ai vu sa tête inclinée dans la forme du pont, puis j'ai pensé au cirque de Gafsa que j'ai pu admirer au musée du Bardo, avec ses spectateurs auxquels j'ai rajouté des femmes.

C'est l'un des deux grands formats, avec LADY KHOL, que j'ai présentés à l'exposition annuelle de l'UTAP.

LADY
LADY KHOL
​​​​​​

Comment construisez vous vos tableaux ?

Comme une maison : d'abord la charpente, ensuite le décor et l'idée finale.

Je laisse toujours reposer mes idées, pour qu'elles puissent évoluer.

Pourquoi la femme est-elle au centre de vos œuvres ?

CHAT

Elle est universelle bien que ce soit toujours un hommage à la femme tunisienne. Bizarrement, des femmes de différentes nationalités se retrouvent dans mes portraits.
Elles ont toutes des formes comme les femmes de ma famille, et aussi parce que c'est intéressant d'un point de vue plastique.

J'ai commencé à insérer des chats dans les portraits de femmes, ils épousent souvent une partie de leur corps et c'est devenu ma signature.

Puis j'ai ajouté de plus en plus de symboles : je n'aime pas le vide comme dans l'art arabo musulman.

Quels seront les sujets centraux de votre prochaine collection ?

C'est la mosaïque qui m'inspire, je vais donc régulièrement au Musée du Bardo et j'y trouve une foule de détails qui attisent mon imagination.
J'y travaille, et j'y insère mes personnages et bien sûr toutes les symboliques autour du patrimoine tunisien.

Le sujet principal sera la mosaïque de Virgile et ses muses : je dois faire un travail mental pour savoir quelles techniques je dois utiliser pour cela, avec un style malakhovien.

Quand je l'aurais terminé, il fera partie, avec « jeux d'échecs », de ce que je considère comme mes œuvres majeures.

Quelle sont vos autres passions ?

Le ski et les échecs transmis par mon père et qui m'ont permis d'être acceptée par les hommes dans les cafés de Gafsa ! 

Voir quelques une de ses oeuvres 

En savoir plus sur le Groupe Olga Malak and friends

 

Propos recueillis le 15 avril 2019 par Isabelle Enault pour lepetitjournal.com édition Tunis

 

Publications

. Fusion de l’Europe et de l’Orient dans l’œuvre de Paul Klee, in L’intégration : les défis, les stratégies et les références, Sous la dir. DEKHIL Ezzedinne, éd. Sotepa Graphique, 2011, p. 26-31.
. L’imaginaire maitrisé au service de la mémoire,  in Courrier de Tunisie, N°28, Du 19 au 25 avril 2012, p.50.
. Hommage à la Tunisie, in Courier de la Tunisie, N°50, Du 13 au 19 octobre 2012, pp.42-43.
. De la persistance de la mémoire au passage humaniste, in Le Temps, 20 décembre 2012. 
. Deux regards pour une écriture du paysage à quatre mains, in Maison de Tunisie, N°24, Avril – Mai – Juin 2014, pp.34-37.
. Construction de l’espace paysagé tunisien : tunisianité et identité, pp. 53-73, In Publication universitaire sous la direction de Olga Malakhova, Patrimoine et contemporanéité : une équation identitaire dans la production culturelle, Imprimerie Officielle de la République Tunisienne, 350 pages, mars 2015.
. Ali Zenaïdi et imaginaire maîtrisé au service de la mémoire, In Mémoire réinventée, éditions MIM, avril 2015, pp.21-27. 
. « Construction de l’espace paysagé tunisien », In Founoun, 1er trimestre 2016,  N°12, pp.5-11. 
De nombreuses publications sont en cours ( Colloque à Gabès de novembre 2014, Colloques en hommage à Paul Klee …).

 

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