Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, vendeur ambulant, s'immole par le feu à Sidi Bouzid. Cet événement est considéré comme le déclencheur de la révolution tunisienne et du "Printemps Arabe".
Une rumeur disait que son suicide avait fait suite à une gifle qu'il aurait reçue d'une policière municipale, Fayda Hamdi.
Lamine al-Bouazizi, responsable syndical de Sidi Bouzid et anthropologue, révèlera plus tard que son groupe de militants a profité de l'événement pour déclencher la révolte. Ils ont inventé un diplôme pour appuyer sur la situation désespérée des "diplômés-chômeurs", et la gifle donnée par la policière pour sensibiliser la population rurale.
En réalité Bouazizi s'est immolé parce qu'on ne voulait pas le recevoir, ni à la mairie ni au gouvernorat. Vendeur clandestin, il n'arrivait pas obtenir la fameuse patente qui aurait pu lui éviter les humiliations de la police, qui lui confisquait régulièrement sa marchandise, ou encaissait des amendes. Jusqu'au jour où il ne l'a plus supporté, et lorsque Fayda Hamdi lui a demandé de quitter les lieux, une dispute sévère a éclaté entre eux, et contrairement à la rumeur, c'est plutôt lui qui aurait été très agressif. Mais Fayda Hamdi représentait l'image de la police d'alors et de ses nombreux débordements, elle deviendra un bouc émissaire.
Le 17 décembre 2010, près une dernière tentative infructueuse pour obtenir sa patente, Il s'asperge d'essence, craque une allumette, s'immole devant l'administration. Il meurt de ses blessures deux semaines plus tard, le 4 janvier 2011, dans un hôpital près de Tunis.
La " goutte d'eau "
L'immolation de Mohamed Bouazizi n'est pas la première en Tunisie, mais celle de trop. La population et particulièrement les jeunes des zones rurales déjà à cran, démarrent une contestation qui commence par des protestations devant le siège du gouvernorat, puis se propage à travers le pays, jusqu'à atteindre la capitale, le 27 décembre 2010.
Ben Ali ordonnera l'emprisonnement de Fayda Hamdi pour tenter de calmer l'opinion. Ell y passera quatre mois dont un en grève de la faim pour obtenir un procès, qui s’est achevé par un non-lieu le 19 avril.
D'autres suicides suivront, ainsi que des manifestations dans le centre et le sud-ouest du pays, qui seront réprimées dans le sang, dont celles du 24 décembre à Menzel Bouzayane (gouvernorat de Sidi Bouzid). Les forces de police tirent sur les manifestants faisant un tué et neuf blessés.
Le 28 décembre, le président Ben Ali, se rend au chevet de Mohamed Bouazizi, et déclare à la télévision nationale : " J'ai suivi, avec inquiétude et préoccupation, les événements survenus ces derniers jours à Sidi Bouzid ... le point de départ de ces événements est un cas social dont nous comprenons les circonstances et les facteurs psychologiques et dont les conséquences sont regrettables ". Il dénoncera aussi " l'ampleur exagérée qu'ont pris ces événements à cause de leur instrumentalisation politique par certaines parties qui ne veulent pas le bien de leur patrie et recourent à certaines chaînes de télévision étrangères qui diffusent des allégations mensongères sans vérification et se fondent sur la dramatisation (...) et la diffamation médiatique hostile à la Tunisie "
30 décembre: Limogeage des gouverneurs de Sidi Bouzid, Jendouba et Zaghouan.
Le 5 janvier 2011, des milliers de gens suivent le cercueil de Mohamed Bouazizi. Ensuite, tout va très vite. De protestations en manifestations, la révolte est quasi permanente.
8 et 9 janvier : Mouvements de protestations à Tala, Kasserine et Regueb faisant de nouvelles victimes.
10 janvier : Ben Ali prononce un second discours dans lequel il menace de traduire en justice les protestataires et annonce la création de trois commissions nationales chargées de la réforme politique, de l'investigation sur la corruption et sur les dépassements enregistrés lors des mouvements de protestation.
11 janvier : Suspension des cours dans les établissements scolaires et universitaires, grève générale de trois jours organisée par l'UGTT, nouveau suicide d'un jeune à Sidi Bouzid. Les protestations prennent une ampleur sans précédent dans la capitale Tunis.
12 janvier : Limogeage du ministre de l'Intérieur et du Développement local Rafik Belhaj Kacem, libération des personnes interpellées lors des manifestations. Couvre-feu dans le Grand Tunis de 20H00 à 05H00.
13 janvier : Les protestations s'étendent à d'autres régions faisant de nouveaux martyrs. Ben Ali prononce un troisième discours et décide la dissolution du gouvernement et l'organisation d'élections législatives dans six mois.
Le 14 janvier, moins d'un mois après le suicide du jeune vendeur ambulant, le président Zine el-Abidine Ben Ali fuit le pays. C'est le début du printemps arabe qui gagne ensuite l'Egypte, la Libye, puis la Syrie.
Dans le monde arabe, des dizaines de jeunes suivront son "exemple" et s'immoleront après lui.
Hommages
Le 17 février 2011, l'avenue du 7-Novembre (date symbole de la prise du pouvoir par Ben Ali) est renommée Mohamed Bouazizi.
Le 25 mars 2011, la Poste tunisienne émet un timbre postal à son effigie.
Le 30 juin 2011, le maire de Paris a inauguré une place Mohamed-Bouazizi dans le 14e arrondissement de la capitale, en hommage à la révolution tunisienne, et en présence de Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme.
Le Centre de traumatologie et des grands brûlés de Ben Arous où il est mort a été renommé Hôpital Mohamed Bouazizi.
Le Parlement européen lui décerne le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit en 2011, un prix partagé la même année par quatre autres personnalités en relation avec le printemps arabe.
Le romancier marocain Tahar Ben Jelloun publie en 2011 chez Gallimard : " Par le Feu ", court récit de fiction qui reconstitue les dernières semaines de Bouazizi et qui se termine sur un hommage à " un homme simple, comme il y en a des millions, qui, à force d'être écrasé, humilié, nié dans sa vie, a fini par devenir l'étincelle qui embrase le monde ".
Le 14 décembre 2011, " TIME Magazine " désigne " the protester " personnalité de l'année 2011 et explique
" Personne n’aurait pu deviner quand un vendeur de primeurs tunisien s’est immolé par le feu sur une place publique que cet événement déclencherait des manifestations qui renverseraient des dictateurs et lancerait une vague mondiale de contestation. En 2011, les protestataires n’ont pas seulement fait entendre leurs revendications : ils ont changé le monde. "
Le 17 décembre 2011, un monument commémoratif représentant le chariot de Bouazizi, entouré de chaises vides symbolisant les dictateurs arabes déchus, est inauguré à Sidi Bouzid. Une cérémonie de commémoration rassemble plusieurs milliers de Tunisiens, dont le nouveau président Moncef Marzouki.
Les éditions Cérès publient le 7 avril 2012 une biographie de Mohamed Bouazizi signée par Lydia Chabert-Dalix, journaliste et écrivaine.