Peu de gens le savent en France, mais l’éducation au Lycée Français International de Tokyo est d'environ 1000 euros par mois par enfant. Cela représente 150 000 euros pour une scolarité complète de la petite section à la terminale. Un investissement considérable que nous étions prêts à payer tant que nos enfants recevaient une éducation française de qualité.
Mais depuis le début de la crise du coronavirus, la qualité de cette éducation s’est considérablement dégradée. Si certaines classes ont eu droit à un vrai suivi et des cours par vidéoconférence plusieurs fois par semaine, d’autres classes n’ont eu aucun « zoom », et ce malgré les plaintes répétées des parents. Le Lycée Français vante son excellence, mais dans cette crise il n’a pas su mettre en place des outils pédagogiques modernes et adaptés à l’éducation à distance. Ce n’est pas le Lycée qui a assumé la « continuité pédagogique », ce sont les parents qui ont dû porter la casquette du professeur. Tout en continuant à travailler.
Conscients du caractère inédit de la crise, nous avons été patients. Trop patients. Le 1er juin, nous avons vu les écoles japonaises rouvrir, avec des plans progressifs tenant compte de l’évolution de la crise, mais toujours une véritable volonté de rattrapage scolaire : réduction des vacances d’été, cours supplémentaires en semaine ou prévus pour la rentrée… Le 14 juin, nous avons entendu Emmanuel Macron annoncer la reprise normale des cours sur tout le territoire français, un pays qui compte 30 fois plus de décès qu’au Japon. Pourtant au LFI de Tokyo les lycéens ont dû continuer à étudier à la maison jusqu’aux vacances, les collégiens n’ont eu que 4 jours de cours depuis la « reprise », en maternelle 1,5 jour par semaine, en primaire 2,25 jours par semaine.
Pendant ces quatre mois beaucoup d’enfants ont décroché, tous ont souffert de lacunes pédagogiques, il faut les rattraper - ou au moins tenter de le faire. Ce n’est pas le choix du Lycée Français et nous ne comprenons pas pourquoi. Aucune forme d'enseignement n'a été proposée pendant les vacances d'été. Le lycée refuse catégoriquement des cours supplémentaires à la rentrée, même pas « une heure le mercredi » comme nous le demandions. Argument avancé : cela fatiguerait les enfants.
Nous ne minimisons pas l’ampleur de cette crise. Nous savons bien que la rentrée pourrait être à nouveau compliquée. Mais c’est précisément pour cela qu’il nous faut un vrai plan pour septembre. Aucun scénario ne nous a été communiqué. Tout ce que nous avons reçu c’est une lettre nous souhaitant de bonnes vacances et rendez-vous après le 20 aout. Au royaume du programme, ce manque d’anticipation est très mal vécu.
Le mécontentement grandissant parmi les parents d’élèves a amené à la création d’un collectif visant à regrouper les efforts individuels : « Parents du LFIT ». 300 membres ont rejoint ce groupe Facebook. Tous partagent un sentiment d’injustice.
Après des mois de bataille avec la direction, tout ce que nous avons obtenu c’est un gel de l'augmentation de 1,8% des frais de scolarité pour la rentrée 2020. L’Agence pour l’Enseignement du Français à l’Etranger a aussi décidé une réduction de 30% des frais de scolarité en maternelle. Pourquoi seules les maternelles ? Si cette réduction prouve que le lycée reconnaît ses manquements, tous les parents sont concernés. Et c’est toutes les familles qu’il faut aider.
Ce n’est pas un reproche aux professeurs qui pour la majorité d’entre eux ont été vaillants, souvent créatifs, c’est une constatation : c’est nous qui avons assumé cette éducation. Si l’école était gratuite, nous pourrions comprendre. Mais ici elle est très chère. Nous ne travaillons pas pour de grosses entreprises qui payent les frais d’écoles, nous ne sommes pas de riches expatriés. Nous n’avons aucun soutien financier.
On nous rétorque que c’est une crise mondiale et que tous les lycées français du monde ont été touchés, mais le notre dispose d’une réserve de plus 12 millions d’euros. Pourquoi cet argent n’est-il pas utilisé pour nous aider, mais aussi investir dans des dispositifs numériques, des formations pour les professeurs, des cours supplémentaires ? Non, le lycée s’entête à vouloir acheter un nouveau bâtiment, en contradiction avec les propos du directeur de l’AEFE qui annonce ce 30 juin que tous les projets de développement sont « revus à la baisse ».
On nous rétorque enfin que l’école n’est pas un service. Ce n’est pas un service, c’est un droit, un devoir, une obligation. Et nous l’avons défendu. Si l’école n’est pas un service, elle a un coût. Et ce n’est pas aux parents de porter, seuls, le coût de l’effondrement de la qualité de l’enseignement.
Nous devons payer 1000 euros par mois parce que c’est un lycée privé.
Nous ne pouvons pas employer le mot de « service » parce que le lycée fait partie d’un réseau public.
Nous n’aurons pas de cours de rattrapage parce que c’est ainsi en France.
Lorsque les écoles reprennent en France, on nous dit qu’on est au Japon.
Nous sommes perdus.
Nos appels sont restés sourds. Le Lycée, l’AEFE, l’Ambassade ont balayé toutes nos demandes. Nous avons besoin de l’aide des instances françaises. Nous demandons un vrai geste financier de solidarité : une réduction substantielle des frais de scolarité pour le troisième trimestre, pour tous les parents. Sans cela, certains d’entre nous n’auront d’autre choix que de retirer leur enfant du Lycée Français. Partageons le coût de la crise, afin d’assurer un avenir et une éducation française à tous nos enfants.