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Le tatouage au Japon : l’histoire (partie 1)

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Publié le 14 juillet 2020, mis à jour le 14 juillet 2020

En Occident, rien de plus banal qu’avoir un tatouage. Dans la rue, tout le monde peut se vanter librement de son dessin, sans complexe. Mais au Japon, c’est une toute autre histoire. Bien qu’aujourd’hui le tatouage soit encore mal perçu du fait de son association au crime organisé et aux yakuza, il reste un art ancré dans son histoire. 
 

L’irezumi est un art ancestral au Japon. Il signifie « insertion d’encre » et s’apparente donc au tatouage. Son origine remonte à la Préhistoire et les premières traces de tatouages se trouvent sur les statuettes dogû et haniwa (statuettes funéraires en terre cuite). Parmi les premiers peuples au Japon, certaines femmes se dessinaient de petits signes sur les mains pour s’assurer une vie paisible après la mort. Mais dès le VIIIème siècle et l’apparition des Aïnous, un peuple de pêcheurs, artisans et chasseurs du nord du Japon, les tatouages prennent leur place dans la société. C’est avec eux que l’irezumi a connu ses premiers jours. Les femmes se tatouaient le contour de la bouche pour signifier qu’elles étaient mariées et les hommes, pour représenter la virilité et l’appartenance à un clan. Les écrits relatant l’existence de ces irezumi ont été rapportés par les chinois, assez péjorativement, ce qui entraîna une mauvaise perception des tatouages peu après leur création. Par la suite, la mode des vêtements et du parfum prend le dessus. Les tatouages passent de symbole de beauté à pratique tombée dans l’oubli et ils ne réapparaîtront que plus tard, à l’époque d’Edo (1603-1868) pendant le shogunat Tokugawa

 

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L’âge d’or du tatouage au Japon
 

Jusqu’à la moitié du XIXème, le tatouage connaît une montée en puissance. Plusieurs corps de métiers arborent des tatouages, la plupart pour remplacer les vêtements qu’ils n’ont pas en travaillant. Par exemple, les hikyaku (sorte de coursiers) et les tobi (ouvriers) travaillaient souvent dénudés. C’est pour contrevenir à cette gêne que la solution consistait à se recouvrir le corps de tatouages. Ces corps de métiers étaient très reconnus dans la société, car ils amélioraient la vie du quartier. Donc, pour les remercier, on payait leurs tatouages. A cette époque, le métier de tatoueur se créait officiellement. Les premiers horishi ont mis en place la technique servant encore aujourd’hui à tous les tatoueurs traditionnels japonais. 

 

 

L’interdiction 
 

En 1868, c’est le drame. Le tatouage est interdit en 1972, juste après la restauration de Meiji, une décision prise par les puissants pour donner une image plus « saine » de leur société. La plupart des tatoueurs furent alors contraints de se cacher ou de pratiquer secrètement leur art, à l’abri des regards. Une période où le tatouage devient peu à peu associé au crime organisé et aux yakuza, la mafia japonaise. Les Aïnous, ayant fait du tatouage une coutume ancestrale, doivent abandonner la tradition ou encourir des sanctions sévères par le pouvoir (notamment le retrait des dessins avec de l’acide chlorydrique). Malgré toutes ces punitions, cela n’arrêta pas réellement les horishi. Il fallait donner aux visiteurs du monde entier un souvenir nippon particulier. Tous choisissaient l’irezumi. Les restrictions ne permettaient pas aux tatoueurs de s’épanouir et beaucoup migrèrent dans des pays plus ouverts sur la question.  

 

Le retour discret du tatouage 
 

1948 signe le retour du tatouage, de nouveau autorisé. Le Japon est, à l’époque, sous occupation américaine après-guerre. Les tatoueurs peuvent revivre de leur art et proposent leurs services aux militaires étrangers. Vingt ans plus tard, le métier d’horishi est de plus en plus reconnu, mais les mentalités ne changent pas vraiment. Encore aujourd’hui, les tatouages sont associés aux criminels et aux Yakuza qui arboraient fièrement leurs tatouages, symboles de ralliement à un clan ou tout simplement, trace d’une sanction en prison.   

               
Beaucoup d’onsen ou de salles de sports refusent encore l’accès à des personnes tatouées. D’ailleurs, le tatouage est presque devenu un débat politique. En 2012, l’ex-maire d’Osaka, Toru Hashimoto, voulait interdire le tatouage. Il avait demandé à certains employés s’ils en avaient et sur quelle partie du corps ils se situaient. Si tel était le cas, il leur demandait de les retirer ou alors, de chercher un autre travail. La plus récente affaire à propos des tatouages date de 2017. Un tatoueur, Taiki Masuda, a vu son salon perquisitionné sans réelles explications. Les autorités avançaient un manquement à la loi, précisant que la pratique du tatouage était réservée aux professionnels de santé.
 

Suite à cela, il a mis en place une campagne « sauvez le tatouage » pour redorer l’image de ce métier, encore très mal vu au Japon. Le procès s’est clôturé sur une victoire de Taiki Masuda ; si ce n’avait pas été le cas, les tatoueurs japonais auraient vu une interdiction massive de pratiquer leur art au Pays du Soleil Levant. Mais au cours des prochains Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 et de la Coupe du Monde de rugby en septembre prochain, comment les autorités contrôleront-elles les nombreux tatouages qu’arboreront les sportifs ? La fédération internationale de rugby a demandé aux joueurs de cacher leurs tatouages hors des pelouses. Dans L’Equipe, Alan Gilpin, président de la World Rugby, précise : « Nous allons sensibiliser les Japonais sur le fait que les gens qui portent des tatouages dans le contexte du rugby international ne font pas partie des Yakuza [...]. Nous ne forcerons aucune équipe à le faire mais elles le feront ,car elles veulent respecter la culture. » 

 

 

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