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Société : la recette du bien vieillir à la japonaise

Selon les chiffres publiés en 2023 par l’Organisation Mondiale de la Santé, le Japon affiche l’espérance de vie la plus élevée parmi les pays du G7 : 81,7 ans pour les hommes et 87,2 ans pour les femmes. Ce phénomène ne doit rien au hasard, mais résulte d’un mode de vie profondément enraciné dans la culture japonaise.

bien vieillir à la japonaisebien vieillir à la japonaise
Écrit par Bruno Chapiron
Publié le 10 avril 2025, mis à jour le 16 avril 2025

 

Une alimentation saine et équilibrée

Au cœur du modèle japonais, l’alimentation est un facteur essentiel pour une longévité remarquable. Denis, chef cuisinier installé au Japon depuis trente ans, partage son approche : « Je fais attention à mon alimentation autant que possible et reste particulièrement vigilant par rapport à la qualité des aliments – le miel importé, en particulier, m’inquiète ». Il complète son régime par des suppléments quotidiens et pratique diverses formes de jeûne intermittent, tout en privilégiant des lipides de qualité et en limitant sa consommation de sucre. Cette discipline consciente et adaptable permet de maintenir une alimentation saine malgré les fluctuations du quotidien et de préserver la santé sur le long terme.
 

 

natto bienfaits japon
Photo B.Chapiron – Le natto fait partie de l’alimentation quotidienne des Japonais.

 

De même, Scott, chef cuisinier installé au Japon depuis dix ans, adopte une approche pragmatique : « J’essaie d’inclure des légumes frais, des protéines maigres et de bonnes fibres dans au moins deux repas par jour ». Ce mode d’alimentation à base de produits simples et peu transformés, rejoint les recommandations de l’Observatoire de la prévention de l’Institut de cardiologie de Montréal, qui souligne les bienfaits d’un régime modéré en sel et en calories, et riche en végétaux, poisson et soja. Autant de facteurs qui limitent les risques cardiovasculaires et contribuent à expliquer la faible prévalence de l’obésité au Japon (4,8 % chez les hommes, 3,7 % chez les femmes).

Par ailleurs, la rigueur nutritionnelle s’instaure dès l’enfance. The Washington Post rapporte qu’en majorité, les écoles japonaises emploient un nutritionniste professionnel. Les repas, préparés sur place à partir de produits frais et servis en plusieurs plats, favorisent une alimentation consciente. Ce rituel s’inscrit dans le principe du hara hachi bun me : « la règle du ventre à 80 % », qui incite à s’arrêter de manger avant la satiété complète. Originaire d’Okinawa, île réputée pour sa forte concentration de centenaires, cette pratique alimentaire pourrait bien expliquer, en partie, cette remarquable longévité.

 

pratique sportive régulière
Photo B.Chapiron – La pratique régulière d'une activité physique a des effets bénéfiques à tout âge.

 

Bouger, apprendre et échanger au quotidien

Ensuite, l’activité physique et la stimulation intellectuelle illustrent l’art de bien vieillir. Pour Muneshiro, qui a célébré ses quatre-vingt trois printemps, rester actif est une évidence. Il fait de la randonnée régulièrement avec ses amis, « Chaque week-end, nous parcourons entre 15 et 20 kilomètres sur des sentiers de montagne», glisse-t-il avec un sourire malicieux. Cette régularité dans l’effort, alliée à son engagement dans la vie communautaire, stimule son énergie. Le matin, il consomme du natto, soja fermenté aux vertus reconnues, et nourrit son esprit en composant des haïkus en japonais et en français, tout en s’initiant aux langues étrangères comme le breton. Pour lui, être actif c’est « faire un pied de nez au temps qui passe ».

De son côté, Yasuo, 89 ans, incarne avec sérénité une autre facette de l’art de bien vieillir. Il continue à jouer au tennis, au golf, pratique la randonnée et marche environ 7.000 pas chaque jour. « Le mouvement fait partie de mon équilibre », explique-t-il sobrement. Par ailleurs, sa participation active dans le milieu associatif, ainsi que sa pratique de la guitare et de la composition de poèmes haïkus, témoignent d’un engagement qui va bien au-delà de l’exercice physique. Côté alimentation, il mise sur la modération et la fidélité aux saveurs simples de la cuisine japonaise. Sa vision du vieillissement se résume dans ce haïku : « Vieillir, c’est être laissé derrière, tel une brise de pétales de fleurs. » Cette image poétique traduit la fragilité et la beauté éphémère du temps qui s’effeuille.

 

 

les personnes âgées travaillent au Japon
Photo B.Chapiron – il est fréquent que les personnes âgées continuent de travailler.

 

L’accès aux soins et l’importance de l’Ikigai

En complément de ces fondements, l’accès aux soins de santé joue un rôle déterminant. Le système japonais, réputé pour être l’un des meilleurs au monde, se distingue par la présence de nombreuses cliniques et de spécialistes. La couverture santé est accessible à tous et l’assurance sociale prend en charge 80 % des soins pour les salariés et les personnes à charge. Cette qualité et la facilité d’accès aux soins contribuent certainement à rester en bonne santé.

D’autre part, l’ikigai, ou raison d’être, représente une source d’inspiration puissante. Pour les Japonais, c’est « l’équilibre parfait entre ce que l’on aime faire, ce pour quoi l’on est doué, ce pour quoi l’on est payé et ce dont la communauté a besoin ». Ainsi, il est fréquent que les personnes âgées continuent de travailler, non pas pour des raisons financières, mais pour rester socialement intégrées. Selon cette philosophie, il est essentiel d’avoir une raison de se lever le matin et de se sentir utile pour mener une vie longue et heureuse.


 

moines au Japon
Photo B.Chapiron – Moines dans un temple bouddhiste.

 

L'influence du Zen et la vie en communauté

De la même manière, le Zen, socle de la spiritualité japonaise, joue un rôle prépondérant dans la quête d'une vie longue et épanouie. Des études ont montré que la méditation zen aide à mieux gérer l'anxiété et le stress, entraînant une baisse de la tension artérielle et une amélioration de la concentration. Par ailleurs, une étude menée par l'université de Göteborg a établi un lien surprenant entre la patience, qualité intrinsèque au Zen, et l'espérance de vie : les personnes patientes auraient jusqu'à 21 % de chances supplémentaires de vivre au-delà de 65 ans. Ainsi, la pratique du Zen, qui apaise les tourments de l’esprit par l’enseignement de la patience et de la sérénité, apparaît comme un précieux allié dans la prévention des effets du vieillissement.

Enfin, la vie en communauté est au cœur de l’art de vivre japonais. Très tôt, la culture nipponne inculque l’esprit de groupe et la valeur du « savoir-vivre ensemble » où l’intérêt commun passe toujours avant l’intérêt personnel. Il n’est pas rare de voir trois générations partager le même toit, renforçant ainsi les liens familiaux et la transmission des savoirs, tout en créant un réseau de soutien indispensable, « vivre avec les autres est le secret pour vivre heureux et plus longtemps. »

 

Une philosophie du quotidien

En définitive, le modèle japonais prouve que la longévité ne dépend pas uniquement de l’absence de pathologies, mais d’un art de vivre global. Entre une alimentation équilibrée, une activité physique régulière, des liens sociaux forts, un excellent accès aux soins, la recherche de l’ikigai et la sérénité offerte par le Zen, tout concourt à ralentir les effets du vieillissement. Sans chercher à transposer mécaniquement ce modèle, le Japon nous offre une véritable leçon : intégrer, même partiellement, ces habitudes dans notre quotidien pourraient enrichir notre qualité de vie et favoriser une existence en pleine santé.
 

Photo de couverture par B.Chapiron – Spiritualité et vitalité, les secrets de la longévité.

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