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SOCIETE : Money, Money, Money... Le cash en Suède, une disparition programmée


C'est quand une amie française en visite à Stockholm est ressortie de la boulangerie en me disant « C'est dingue, ils n'acceptent pas le cash ! » et que j'ai fouillé dans mon porte-monnaie pour lui tendre un billet que j'ai réalisé à quel point nous, Français, étions totalement formatés à payer en monnaie sonnante et trébuchante, alors que pour les Suédois, le cash n'est plus vraiment... monnaie courante !



Faites chauffer la CB
Depuis que je vis en Suède, j'ai développé une relation quasi-symbiotique avec ma carte bancaire. Je pense que les seules personnes qui paient en espèce sont celles qui ne peuvent ou ne veulent pas avoir de compte bancaire. Pourquoi utilisais-je les espèces en France ? La boulangerie, les toilettes publiques, le bus, le parcmètre, tous les paiements entre 1 et 10? (c'était avant la carte ?sans contact?), je les effectuais avec des « vrais » sous. En Suède, impossible d'acheter avec des pièces son ticket dans le bus, on paie par carte aux toilettes de la bibliothèque et les commerçants ont le droit de refuser votre monnaie. En gros, j'utilise plus le code de ma carte que celui de la porte d'entrée de mon immeuble ! Cette tendance se vérifie dans les statistiques données par la Banque de Suède (Riksbank en suédois): à l'heure actuelle, 68 % des paiements se font par carte bancaire.
Tout aurait commencé dans les années 60, quand les banques ont incité les employeurs et les salariés à utiliser les virements au lieu des chèques pour des questions de réduction de coûts. Puis en 1990, le traitement des chèques devenu payant a accru l'utilisation des cartes bancaires. On avance dans ce sens en France, on n'en est plus très loin?

Le paiement par téléphone « Swish »


Mais la Suède va encore plus loin. Lorsque dans une brocante à Stockholm, le vendeur a secoué la tête en voyant que je lui tendais un billet que j'ai compris que, quand même, la Suède avait vraiment une longueur d'avance... Il aurait fallu que je paie « via Swish », m'a t-on expliqué.
Swish est une application créée par six des plus grandes banques suédoises. Une fois téléchargée sur son téléphone, elle permet de virer de l'argent gratuitement et immédiatement d'un compte à un autre en utilisant les numéros de téléphone des détenteurs concernés. Pour pouvoir se servir de l'application, il faut posséder un Bank-ID, identification numérique donnée par la banque (donc là encore, les personnes qui n'ont pas de compte suédois se trouvent exclues). L'application est utilisée par 52% des Suédois et représente 5 millions d'utilisateurs. ?Swisha? est d'ailleurs devenu un verbe « swishe moi ta part, fais moi un swish ». On se swishe volontiers entre collègues ou entre amis, pour un pot de départ ou pour partager la note au restaurant. On peut également swisher dans les boutiques et depuis 2016 pour régler ses achats sur internet.

iZettle et le paiement nomade
Aujourd'hui on voit fleurir les systèmes de paiement utilisant le TPE (Terminal de Paiement Electronique). iZettle par exemple: une start-up stockholmoise qui commercialise depuis août 2011 un terminal de paiement par carte bancaire se connectant à un smartphone ou à une tablette. Cette solution est utilisée en priorité par les petits commerçants ou les indépendants, les professions libérales et les services à domicile. Sa formule sans engagement et sans coûts fixes favorise une méthode de paiement nomade et connectée à moindre frais pour le vendeur, et constitue également une aide précieuse pour la facturation et la tenue de la comptabilité.
La majorité de la population suédoise fait confiance aux paiements en ligne ou à la carte bleue. Elle y voit en effet un moyen de diminuer le risque des faux billets et les vols dans les magasins ou les attaques de fourgons blindés, de réduire les allergies au nickel mais également la transmission de bactéries causée par la manipulation de la monnaie. Il y a aussi les raisons écologiques et financières : le transport de l'argent physique coûte cher et pollue. Et en Suède, on ne craint pas les fraudes sur Internet.

Les inconvénients de l'argent dématérialisé 


L'amour de la Suède pour la technologie a largement contribué à cette évolution, qui semble convenir au plus grand nombre. Pourtant, un groupe minoritaire s'insurge contre le déclin de l'utilisation des espèces, c'est à dire trois Suédois sur 10, selon une étude de la Riksbank sur un échantillon de 2.000 personne de 16 à 85 ans. Même en Suède, ce n'est pas si évident que ça pour les plus de 75 ans. Et puis j'imagine qu'il y a des zones, comme en France, où le réseau ne passe pas, ce qui rend ces transactions en ligne impossibles.
Pour les touristes, ce n'est pas évident non plus, surtout lorsqu'on n'est pas une dans grande ville car le nombre de distributeurs automatiques de billets diminue au fil des années et de nombreuses banques continuent à prendre des frais sur les transactions effectuées à l'étranger. Donc avant de venir en Suède, si vous n'avez personne sur place, prenez vos précautions et renseignez vous auprès de votre banque pour connaître les meilleures options qui sont à votre disposition.

Alors pourquoi des billets tout neufs ?
La Suède utilise de moins en moins d'espèces, 80% des paiements sont ?digitaux?, et pourtant depuis 2008, la Riksbank a décidé de remplacer les couronnes suédoises tout en réfléchissant en même temps à la mise en place d'une monnaie nationale virtuelle. Elle s'en explique : en juin dernier, elle a remplacé une série de trois billets par des billets aux méthodes de protection renforcées pour éviter leur falsification. En juin 2017, ce sera le tour des pièces d'être changées, les nouvelles étant plus légères et fabriquées dans un alliage moins allergène, ainsi que des billets de 100 et 500 couronnes. De plus, ce qu'on soupçonne moins, c'est que la production de la nouvelle monnaie coûtera moins cher à l'Etat. La Riksbank estime que même si l'usage du cash va régresser davantage dans la société, il va malgré tout continuer à tenir un rôle primordial dans les années à venir.
Mon porte-monnaie plein de ferraille non virtuelle a encore une longue vie devant lui.

 

Madamn Paton (www.lepetitjournal.com/Stockholm) 28 mars 2017

Sources : Données statistiques de la Sveriges Riksbank, 2016.

Photo billets : Sveriges Riksbank
Photo Izettle : Melker Dahlstrand