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Minh VUHONG, un polytechnicien à la recherche de ses racines

un couple au bord d'une piscineun couple au bord d'une piscine
Écrit par Jean-Michel Bardin
Publié le 5 octobre 2021, mis à jour le 8 octobre 2021

 

Arrivé à Singapour il y a 3 ans, Minh VUHONG, qui avait alors 33 ans, s’y est rapidement acclimaté. Après avoir travaillé dans un fonds d’investissements sur des sujets en relation avec son expertise d’ingénieur, il s’apprête aujourd’hui à rejoindre une startup et espère pouvoir rester dans la région sur le moyen terme.

 

Minh, qu’est-ce qui vous a amené à Singapour ?

Mes parents sont originaires du Vietnam qu’ils ont quitté pour la France dans les années 60. J’ai une éducation française, mais je ne me suis jamais senti totalement Français, ni totalement Vietnamien bien sûr, même si j’ai une connaissance basique de la langue. Dans les deux pays, je suis vu comme alien. Or il se trouve que ma compagne, avec qui je vis depuis six ans, est aussi d’origine vietnamienne, sans que cela ait joué un rôle dans notre rencontre via internet. Il y a quelques années, nous avons eu l’idée de nous rapprocher de nos racines. Aller directement au Vietnam nous paraissait difficile, notamment avec l’obstacle de la langue. Singapour se présentait comme une étape intermédiaire plus abordable, non seulement parce que l’anglais y est la langue véhiculaire, mais aussi du fait du mode de vie occidental et des nombreuses opportunités professionnelles.

 

Quel a été votre parcours avant Singapour ?

J’ai grandi dans la banlieue parisienne en Essonne, pour finir mes études secondaires et faire mes classes préparatoires à Paris. Je suis rentré à Polytechnique en 2005, puis j’ai poursuivi mes études d’ingénieur à l’université de Berkeley en Californie. Je suis ensuite rentré en France pour commencer ma carrière professionnelle dans des métiers d’ingénierie de la construction.

Puis, j’ai progressivement basculé vers des métiers moins techniques (stratégie et développement). En 2015, ayant déjà l’idée de travailler en Asie, je suis rentré chez Kearney, grand cabinet de conseil international en stratégie, dans l’espoir de pouvoir être muté en Asie. Mais les aléas du business en ont voulu autrement. En 2018, la société d’investissement en technologie Qualgro (« Venture Capital » ou VC) levait un deuxième fonds à Singapour. J’ai alors postulé et été embauché comme premier employé sur ce nouveau fonds. La French Tech de Singapour a été très accueillante et m’a bien aidé à constituer mon réseau en arrivant, ce qui est primordial en tant qu’investisseur en technologie.

Comme j’ai d’abord pris un congé sabbatique de six mois, que j’ai renouvelé, pour tâter le terrain, ce n’est que fin 2019 que ma compagne et moi avons décidé de sauter le pas pour venir nous installer ici complètement. Ma compagne, qui travaille dans le domaine des jeux vidéo, a alors démissionné de son poste en France. Elle a commencé à effectuer ses recherches depuis la France et a trouvé un nouveau travail ici dans une startup, avant même de me rejoindre. Elle a démarré début 2020 sans avoir l’opportunité de prendre les quelques jours de repos qu’elle espérait !

 

En quoi consiste le métier d’investisseur Venture Capital ?

J’analyse les dossiers préalablement aux investissements. Une fois l’investissement fait, j’aide les sociétés dans leurs réflexions stratégiques, techniques et commerciales et les guide dans leur développement. Je suis spécialisé dans les domaines B2B, Logiciel, Données et Intelligence Artificielle, qui ne manquent pas de startups en recherche d’investissement.

Passer d’un métier d’ingénieur à celui d’investisseur peut surprendre, mais je m’aperçois que ma formation d’ingénieur en général, et de polytechnicien en particulier, me donne deux avantages par rapport à mes collègues issus de filières commerciales. D’une part, mes connaissances scientifiques et techniques m’aident à mieux comprendre les technologies des projets et de leur mise en œuvre. D’autre part, les méthodes de résolution de problèmes complexes, qui sont au cœur du métier d’ingénieur, sont tout aussi bien applicables aux domaines non techniques (stratégie, commercial, financier, …).

Indépendamment de mes activités de VC, je mène des activités similaires d’investisseur individuel (« angel investor ») et de conseil aux startups, mais à titre personnel.

D’ailleurs je vais bientôt rejoindre à temps plein une startup pour les aider à se développer en Asie !

 

Comment occupez-vous vos loisirs à Singapour ?

Nous avons fait l’acquisition d’un petit teckel nommé Roxy au début de l’année et cela nous a occupé beaucoup plus que prévu. Mais, curieusement, promener notre chien donne l’occasion de rencontrer pas mal de gens de notre quartier. A part cela, je joue au tennis deux à trois fois par semaine avec des amis français et un ami singapourien. Les Singapouriens ne sont pas toujours faciles à apprivoiser, à moins qu’ils aient vécu à l’étranger. En revanche, je n’ai pas repris mes activités de DJ que j’ai pratiqué au Styx (club interne à Polytechnique) et dans mes premières années de travail à Paris.

Par ailleurs, j’ai participé à la fondation de « Makan For Hope », anciennement dénommé « Mentor For Hope », qui a été mis en place pendant le circuit breaker en 2020 pour aider les fondateurs de start-ups, tout en collectant des fonds pour deux associations caritatives à Singapour : « Beyond Social Services » et « Willing Hearts Soup Kitchen ».

 

Comment vous sentez-vous à Singapour, notamment en temps de COVID ?

Je trouve que la qualité de vie y est supérieure à la France ou aux Etats-Unis, notamment en termes de fiabilité des infrastructures ou qualité des services. J’apprécie aussi beaucoup le climat : il ne fait jamais froid ici, ce qui est très pratique pour le sport et les balades ! Enfin, j’aime l’atmosphère cosmopolite de cette société ouverte, même si l’harmonie entre les communautés reste un sujet délicat en devenir.

Nous nous sommes installés durablement à Singapour début 2020. Nous avons donc très peu connu le Singapour d’avant COVID. Mais nous avons eu de la chance, car, quelques mois plus tard, venir en tant qu’étrangers aurait été très difficile.

Sur le plan professionnel, ne pas pouvoir rencontrer physiquement les gens à qui on va confier des millions de dollars constitue un handicap. On doit se contenter de séances zoom en plus de l’étude des dossiers papier. Mais, d’un autre côté, cela permet peut-être une étude plus objective des dossiers et des décisions plus pertinentes (cf. le livre « Noise »).

 

un homme travaille depuis son balcon
« Work from home »

Sur le plan personnel, le plus gênant est de ne pas pouvoir voyager, en particulier pour pouvoir visiter sa famille en France, mais aussi pour profiter des nombreux pays d’Asie facilement accessibles depuis Singapour.

La COVID nous a d’ailleurs amenés à déménager, car nous habitions dans un studio et nous travaillons tous les deux depuis la maison. Donc, si nous avions deux conférences téléphoniques en même temps, l’un d’entre nous devait aller sur le balcon, quelle que soit la météo.

Cela étant, je trouve que le gouvernement singapourien gère plutôt bien cette crise. Avec la distance on a tendance à oublier que les mesures prises en France ont conduit à plusieurs lockdowns, et un nombre élevé de décès par rapport à la population. Mais comme tout le monde, nous espérons bien sûr pouvoir revoyager librement le plus vite possible !

 

Comment voyez-vous l’avenir ? A Singapour ou ailleurs ?

Nous souhaitons rester en Asie du Sud-Est dans le long terme et à Singapour dans le court/moyen terme. Aujourd’hui, j’ai un « personalised employment pass », c’est à dire un « employment pass » non renouvelable, non lié à une société, et délivré pour une durée de 3 ans. Ma compagne est en EP. Le statut de PR serait idéal, mais l’obtenir est difficile aujourd’hui. On avisera le moment venu en fonction de l’évolution de la réglementation.

 

logo X Paris
Singapour représente moins de 0,2 % de la population de l’Asie. Ce pays n’en regroupe cependant pas moins de 25% de la population polytechnicienne résidant sur ce continent, soit plus d’une centaine d’entre eux. Beaucoup sont de jeunes entrepreneur(se)s attiré(e)s par le dynamisme et la qualité de vie de la cité-Etat.

 

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