Femme de conviction, Chiara Corazza est dans l’action. Son parcours a pour fil rouge l’audace et la fierté d’accomplir des grands projets tels que Metropolis, l’association mondiale des grandes métropoles ou encore le lancement de la politique internationale de la Région Île-de-France auprès des grandes métropoles du monde. Depuis 2017, elle porte haut et fort la voix des femmes en dirigeant le Women’s Forum for the Economy and Society.
Pourquoi avez-vous choisi de diriger le Women’s Forum ?
Chiara Corazza : Je suis issue d’une famille de trois sœurs, et toutes les trois nous avons toujours eu envie de changer le monde. Faire quelque chose d’utile et avoir un impact positif. Pendant ma carrière, je me suis finalement aperçue qu’il était temps que le changement positif vienne des femmes.
En décidant de rejoindre le Women’s Forum, c’était ma façon de « rendre à la communauté » en mettant à disposition mes réseaux, mes compétences, mes connaissances, mon expertise, et mon habitude de travailler à l’international. Ainsi, je peux valoriser au maximum les femmes qui le méritent, et les promouvoir partout dans le monde.
Quelles sont vos ambitions pour le Women’s Forum ?
Faire en sorte que les femmes participent pleinement à la transformation du monde grâce aux nouvelles technologies et l’innovation.
Je souhaite apporter une vision féminine du monde, plus juste en politique, dans l’économie et la société. Les femmes doivent apporter leur valeur ajoutée, et leur différence dans tous les sujets tels que l’intelligence artificielle, les sciences, la politique ou encore le changement climatique. Il faut encourager leur présence dans les lieux d’influence, et notamment dans les conseils d’administration.
Il est important que le Women’s Forum soit une plateforme d’influence qui contribue à faire avancer les choses.
Par exemple, je me suis occupée pendant près de 35 ans de la gestion urbaine et des métropoles, et je suis aujourd’hui très sensibilisée au fait que les plus grandes métropoles du monde soient pensées, dessinées et créées par des architectes, des urbanistes et des ingénieurs hommes. Il est indispensable d’associer les femmes, et leurs fonctionnements propres, à la conception des villes du futur. C’est un exemple parlant.
Le Women’s Forum travaille également en collaboration avec des grandes sociétés comme Procter & Gamble ou encore Google car le changement doit venir de l’intérieur, et ces sociétés donnent l’exemple.
J’œuvre pour faire un monde meilleur. Les femmes doivent être là parce qu’elles le méritent, et parce qu’elle apportent quelque chose de meilleur.
Quelles ont été les temps forts de l’édition 2019 du Women’s Forum à Singapour ?
Nous avons eu la volonté de construire un programme qui ne soit uniquement dédié qu’aux femmes mais qui sensibilise « hommes et femmes » ensemble.
Tout d’abord le Youth & Leaders Forum organisé chez Facebook était extrêmement réussi, avec une extraordinaire énergie autour de la construction du monde de demain.
Le deuxième moment fort pour moi était le CEO Champions initiative. Dans cette région du monde, il n’y a pas encore assez de volonté pour rendre les femmes visibles dans les Conseils d’Administration et les Comex.
Par exemple, à Singapour, qui est une ville extrêmement avancée, il n’y a que 9% des femmes dans les Conseils d’Administration. On a donc travaillé avec une cinquantaine de grands patrons du monde entier pour voir comment on pouvait les sensibiliser au fait qu’avoir plus de femmes dans la gouvernance, c’est une question de justice mais aussi d’image pour l’entreprise.
Les millennials sont très attentifs à la gouvernance de l’entreprise, sa responsabilité sociale et éthique, si elle respecte la diversité et la parité. Cette génération est même capable de boycotter les entreprises qui ne respectent pas ces critères !
Mais ce n’est pas non plus la vraie raison, c’est aussi une « question business ». Toutes les entreprises qui ont plus de diversité dans leur gouvernance ont des résultats économiques de loin supérieurs aux autres. On parle de 20 % en moyenne.
Selon notre partenaire mondial McKinsey, s’il y avait une parfaite égalité des genres en 2025, cela représenterait 240 millions d’emplois créés.
Pour moi le Women’s Forum 2019 de Singapour est un vrai succès, car nous avons pu faire intervenir des personnalités, pas uniquement d’Asie mais du monde entier. Il ne faut pas oublier que le Women’s Forum est français, et véhicule les valeurs de la France à l’international.
J’ai choisi d’ouvrir le Forum avec Jean-Pascal Tricoire, Chairman & CEO de Schneider Electric car il a fait le choix de lui-même d’implémenter une politique extrêmement volontariste au sein d’un groupe industriel pour faire monter les femmes à des postes à responsabilités. Et c’est un vrai succès, comme il en a témoigné.
La banque BNP Paribas est une championne sur le sujet du climat. Nous avons travaillé ensemble pour voir comment les femmes pouvaient avoir un impact positif sur le climat. C’est vraiment dans leur ADN de promouvoir, via la voix des femmes, le changement climatique et une transition harmonieuse.
Un autre des temps fort a été le panel sur les femmes et l’intelligence artificielle.
Pourquoi avoir choisi Singapour pour l’organisation du Women’s Forum ?
Le choix a été fait en 2018, et Singapour présidait à ce moment-là l’ASEAN. Il est apparu que sa situation géographique était idéale pour faire que le Women’s Forum rayonne au niveau régional.
Par ailleurs, Singapour est en tête de tous les classements comme pour les smart city, l’innovation, attirer les talents… Ils sont une vitrine en Asie sur de nombreux sujets.
Mais en travaillant avec eux, nous nous sommes aussi aperçu qu’ils étaient très en retard en matière de leadership féminin.
Le Women’s Forum permet à Singapour d’être pionnier sur le sujet, et d’affirmer leur volonté d’innovation en matière de leadership au féminin. Il y a à Singapour une vraie volonté d’avancer sur le sujet. Nous avons un Advisory Board avec lequel nous avons un lien permanent.
Quels sont les futurs enjeux du Women’s Forum ? Votre dernière actualité ?
Notre enjeu est dorénavant d’avoir tous les travaux en continu du Women’s Forum à travers le monde avec les événements Women’s Forum, le G7 et le G20.
Le Women’s Forum a reçu une mission de la part du gouvernement français pour aider à construire une loi, la plus innovante et performante possible pour l’émancipation économique féminine dans les métiers du futur.
Je suis fière car cela démontre bien que nous avons été entendus au sommet du G7. Nous avons rendez-vous début octobre avec Marlène Schiappa, Secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, pour avancer. Nous avons des ambitions très fortes pour ce projet de loi, et cela devrait se traduire par des mesures extrêmement efficaces. Cela ne sera pas des quotas mais cela y ressemblera.
Pourquoi est-ce que le gouvernement français a demandé au Women’s Forum de contribuer à cette loi ?
La raison est simple. Cette loi doit venir du milieu économique pour la mettre en œuvre, et surtout ne pas l’imposer.
Cela sera le fruit d’une concertation du public et du privé pour que la France soit exemplaire sur le sujet. Il est extrêmement important d’avoir un environnement juridique qui favorise l’émancipation économique des femmes.
Le Women’s Forum
Le Women’s Forum for the Economy and Society est une organisation internationale fondée en 2005, dont le but est de regrouper des femmes leaders d’opinion afin de réfléchir ensemble aux moyens de renforcer la contribution féminine à l’économie et la société mondiale.
Ces forums « ont vocation à mettre en exergue des projets qui favorisent l’entrepreneuriat des femmes, par l’éducation, par la parité dans l’entreprise et par une présence plus forte des femmes dans les médias. C’est aussi une occasion pour les participantes, et participants, de faire entendre leur voix et leurs visions de l’avenir, et de susciter des engagements. »