La Chine, autrefois perçue comme un simple imitateur, est devenue un acteur clé de l’innovation mondiale. Grâce à des investissements massifs et à une politique industrielle ambitieuse, elle défie désormais l’Occident dans la course aux brevets.
40% des dépots de brevets mondiaux
En quelques années, la Chine est passée d’un statut de simple "copieur" à celui de "grand innovateur". Plus question d’imiter l’Occident : aujourd’hui, l’Empire du Milieu s’offre une place en haut du podium, devenant l’un des pays avec le plus grand nombre de demandes de brevets. En effet, sur une période de dix ans, plus de 54 000 demandes de brevets internationaux ont été effectuées, selon l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle), permettant à Pékin de creuser son écart avec les États-Unis. En 2022, le pays représentait presque 40 % des demandes mondiales.
C’est grâce à ses champions nationaux comme Tencent, Baidu, Huawei ou encore Alibaba que le pays profite aujourd’hui d’une telle avancée. En effet, ces compagnies figurent parmi les plus grands pionniers en matière d’innovation, particulièrement dans les secteurs de l’intelligence artificielle générative et de la biotechnologie. Elles bénéficient aussi de larges subventions, financées par le gouvernement dans le cadre d’une politique de soutien aux start-ups technologiques. Cette collaboration entre le secteur public et le secteur privé montre bien que toute innovation, même si elle émane d’une entreprise, reste dirigée par l’État chinois.
Une ascension tournée vers le vert...
Depuis quelques années, Pékin a apporté de larges contributions sur le marché du développement durable mondial en encourageant ses industries de pointe à augmenter leurs initiatives. Dans le domaine de l’énergie, en particulier celui des technologies vertes et bas-carbone, la Chine ressort dominante en produisant plus de 60 % des brevets mondiaux (selon l’AIE). Parmi ces demandes, une grande majorité cible le secteur des technologies photovoltaïques. En effet, le pays contrôle à ce jour 80 % des étapes de la chaîne d’approvisionnement des panneaux solaires photovoltaïques et détient plus de 33 970 brevets valides (selon Chen Wei, directeur général du Centre national d’exploitation de la propriété intellectuelle chinoise).
Cette hausse de demandes dans le secteur des énergies vertes dessine une Chine qui, petit à petit, réorganise certaines de ses priorités nationales pour mieux s’armer face à la situation environnementale de son territoire et renforcer son positionnement international.
Mais aussi vers la médecine...
Avec la politique du “Healthy China 2030”, Xi Jinping s’est donné comme objectif d’améliorer l’accès et l’efficacité des soins médicaux en Chine d’ici 2030. C’est une des raisons pour lesquelles le système de santé en Chine a connu de récentes évolutions, surtout en matière d’innovation.
En effet, le pays a pris de l’avance dans le domaine médical et pharmaceutique, où les demandes de brevets augmentent de plus de 15 % chaque année. Aujourd'hui, ce sont des grandes entreprises pharmaceutiques (Hengshui, Fosun) ou encore des établissements médicaux (Weigao ou AK) qui sont moteurs de l’innovation sur le marché de la santé en Chine. Tous profitent d’un financement élevé de l’État pour mettre au point de nouveaux dispositifs médicaux et permettre, à l’aide de technologies de pointe, de faire avancer la médecine chinoise tout en générant de la croissance.
Un exemple marquant en termes d’innovation est celui du robot chirurgical endoscopique chinois. Doté d’une vision 3D haute définition et d’un bras mécanique flexible, cet appareil a démontré son efficacité, atteignant un taux de réussite parfait de 100 % lors de plus de 60 opérations réalisées à distance.
Les entreprises européennes mises sous pression
Grâce à leurs dépôts massifs dans le secteur des nouvelles technologies et de l’industrie verte, les multinationales chinoises saturent le marché de la propriété intellectuelle, limitant ainsi la marge de manœuvre de nombreuses compagnies européennes. De plus, cette saturation complique la commercialisation de certaines de leurs innovations en Asie. En effet, toute entreprise doit s'assurer que ses innovations ne violent pas certains brevets chinois, au risque de rencontrer des obstacles juridiques. Par exemple, dans le secteur de la 5G, l’entreprise Ericsson (géant suédois des télécommunications) est souvent contrainte de négocier des licences coûteuses pour opérer sur certains marchés asiatiques.
Sous ce climat de pression, les entreprises européennes sont forcées de repenser leur stratégie de propriété intellectuelle afin d’éviter une trop grande dépendance envers leurs partenaires chinois. Ainsi, pendant que certains industriels envisagent de se retirer de la région, d’autres choisissent d’intensifier leur dépôt de brevets en Chine pour protéger leurs innovations dans un marché devenu aujourd’hui indispensable.
Les dés sont jetés
Maintenant que la course est lancée, Pékin compte bien maintenir son rythme de dépôt de brevets dans le but de remplir les objectifs du Parti d’ici 2049 (date symbolique pour le centenaire de la République populaire). Le secteur spatial, celui des énergies renouvelables, de l’IA ou encore des biotechnologies devraient donc recevoir de nouveaux investissements massifs dans les années à venir.