Un jour de 2007 au bord de la rivière Danshui (Hubei), Zhang Xingliang, paléontologue, découvrit une formation schisteuse qu’il devina intéressante. Piochant, il tomba sur un gisement de fossiles : il venait de découvrir le biote de Qingjiang, décrit depuis lors dans tous les milieux scientifiques comme une des découvertes majeures des 100 dernières années.
Aujourd’hui, douze ans plus tard, le journal Science publie un premier rapport. Le site date de l’ère Cambrienne, il y a 518 millions d’années, au moment où la vie monocellulaire cédait place à des êtres complexes, mammifères, poissons, oiseaux, plantes. Mais de cette faune primitive, mais on ne sait presque rien, car ces êtres à chair molle se désintégraient en fin de vie, faute de squelette. Or le site fossilifère de Qingjiang vient combler cette lacune : les dizaines de scientifiques chinois et étrangers sur place, ont pu dégager 30.000 fossiles d’anémones, éponges, méduses, crevettes (cf photo) et algues. Leur état de conservation est exemplaire, permettant de révéler tous les détails, distinguer leurs organes, jusqu’au dernier repas pris. 53%des 101 espèces identifiées sont inconnues.
La raison de ce parfait état de conservation proviendrait, croit Zhang Xingliang, d’une catastrophe. Au centre de la Chine actuelle, Qinjiang était alors immergé à faible profondeur, tempéré, oxygéné, nourrissant une riche faune et flore. Le cataclysme aurait fait basculer en peu de temps tout ce biotope vers des profondeurs froides en anaérobie – une prison de vase qui en des millions d’années, sous la pression tectonique, aurait muté en schiste, pétrifiant la faune au passage.
Sur les 30.000 fossiles retirés (et le gisement est loin d‘être épuisé), seuls 4351 ont été analysés, et des équipes ratissent la province, en quête d’autres sites du même type.
Énigme biologique : Qingjiang ne présente que 15% de la faune et de la flore du site Burgess(Canada), 10 millions d’années plus récent, et que 8% de celui de Chenjiang (Yunnan) à 1000km. Ce qui fait dire aux paléontologues que la Terre, abritait des écosystèmes déjà différenciés, adaptés aux conditions locales d’humidité, de terrain et de température. Quoiqu’il en soit, ces fossiles à la fois les plus « neufs » et les « vieux » témoins de la vie sur Terre, vont révéler le mystère de notre biodiversité —et c’est de Chine qu’ils arrivent !