C’est de tradition : chaque 15 mars, journée des droits des consommateurs, la CCTVdistribue les blâmes aux pires industriels. Invariablement, les marques étrangères prennent les coups : soucieuses de ne pas paraître mauvaises perdantes, prêtes à battre leur coulpe, elles sont une cible idéale. Les épingler permet de rétablir l’équilibre avec leurs concurrents chinois.
Lors du « 315 » l’an dernier, Nike, Apple et Volkswagen avaient subi les foudres, pour refus d’écoute de plaintes ou produits défectueux. Or en 2019, miracle : pas la moindre compagnie étrangère attrapée ! Peu spontanée, la mansuétude de la CCTV — comme hier, sa rigueur — a été notoirement « inspirée » : voyant aujourd’hui les autorités européennes et américaines qui renforcent leurs défenses contre sa pénétration commerciale, le gouvernement chinois cherche à se refaire une image positive hors frontières.
Dans l’édition 2019, tous les chardons et baisers de l’ours, vont donc aux firmes locales. Les limiers de la CCTV ont visé des vapoteurs fumeux, et Samoyed, jeune plante de la fintech chinoise surprise à récolter sans consentement les données privées des clients. Ils ont même trouvé un problème de santé publique : au Henan, par caméra cachée, de faux acheteurs ont dévoilé une fabrique qui convertissait des déchets d’hôpitaux, poches de sang, seringues, cathéters…en jouets ! Ce qui forcément a suscité un concert de jeunes parents réclamant châtiment des coupables. A vrai dire, l’émission est populaire, mais d’un impact limité : soucieux de se prémunir des retours de flamme, elle évite les scandales impliquant les consortia d’Etat.
Dévoilé ces derniers jours dans la presse, un cas qu’elle aurait pu traiter, eût été celui des sièges de toilette « intelligent » à la japonaise, très populaires en Chine. Hélas, sur 28 modèles disséqués par la mairie de Shanghai, près de la moitié se sont avérés « foireux », dont 11 hors normes, produits par des copieurs peu scrupuleux, en mal de profit rapide face à une longue file d’attente.
Enfin, dans tout cela, peut-on voir l’émergence d’une conscience du consommateur ? Pas sûr ! Ce mois-ci, sur 12.000 Chinois conjointement interrogés par Tencent et Rong360, 97% estimaient leurs droits de consommateurs lésés, et seuls 37% croyaient utile de se plaindre – les autres, fatalistes, préférant ne pas perdre leur temps. Autant dire que si le client prend conscience de ses droits, il reste du chemin à faire avant qu’il ne les voie respectés.
Un article de Liu Zhifan