Le projet de loi sur la réglementation des pesticides au Brésil, appelé "loi sur une alimentation plus sûre" par les parlementaires favorables, a été critiqué par les députés de la gauche brésilienne et les organismes de protection de l’environnement, qui l'ont surnommée la "loi poison".
Le projet de loi qui crée de nouvelles règles pour l’homologation des pesticides au Brésil a été approuvé par le parlement ce 9 février. La proposition, dont l'approbation a été célébrée par l'agro-industrie brésilienne, sera maintenant débattue au Sénat.
Processus d’homologation des pesticides au Brésil
Le principal point du projet de loi concerne l'accélération des processus d’homologation des pesticides par les autorités publiques.
Actuellement, l'homologation des pesticides est subordonnée à l'approbation de trois organismes gouvernementaux : le ministère de l'Agriculture, qui évalue l'efficacité des pesticides dans la lutte contre les parasites ; l'agence nationale de surveillance sanitaire (Anvisa), qui évalue les éventuels dommages liés à la santé humaine ; et l'institut brésilien de l'environnement et des ressources naturelles (Ibama), chargé d'évaluer les incidences des produits chimiques sur l'environnement.
Pour le rapporteur de la loi, Luiz Nishimori,
Il s'agit d'améliorer et de moderniser ce que nous avons, et de faire du Brésil l'égal des plus grandes puissances agricoles du monde, avec plus de rigueur scientifique et moins de bureaucratie dans les procédures
Avec le nouveau texte, seul le ministère de l’Agriculture sera habilité à homologuer les produits à usage agricole, centralisant les demandes d'inspection et d'analyse de ces produits. Le texte modifie également le terme « agrotoxique » par « pesticide » ; nomination courante utilisée pour désigner les produits phytosanitaires.
Néanmoins, selon une étude de la Fiocruz en 2018, la proposition constitue une regression et souligne que " son approbation, dans les conditions actuelles, outre qu'elle favorise le démantèlement complet de la réglementation des pesticides dans le pays, privilégie clairement les intérêts économiques et met en danger l'ensemble de la société, avec des répercussions à court, moyen et long terme pour les générations actuelles et futures ".
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Panorama de l’utilisation des pesticides dans le monde et au Brésil
D’abord, notez que les conditions de la production alimentaire est différente selon les hémisphères. En effet, contrairement aux pays de l'hémisphère nord qui n'ont qu'une seule culture annuelle, les pays de l’hémisphère sud peuvent en réaliser de deux à trois par an.
Aussi, selon les données de l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (ONUAA), les 7 plus grands consommateurs de pesticides dans le monde sont, par ordres respectifs : la Chine, les États-Unis, le Brésil, l’Argentine, le Canada, la France et la Russie.
Toutefois, au regard de la consommation de produits phytosanitaires par hectare de terre cultivée, le Brésil n’est pas le pays le plus agressif envers l’environnement, se positionnant à la 25e place ; quant à la France, elle se situe à la 36e place de ce palmarès. La palme d'or revient à Trinité-et-Tobago, une île située dans les Caraïbes.
En 2016, c'est le Costa Rica qui utilisait le plus de produits phytosanitaires à l’hectare de terre cultivée. Cependant, pour 2019, le pays n’a pas de donnée suffisante et, par conséquent, n’apparaît pas dans l’infographie.
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Augmentation de l’homologation et des fraudes de pesticides au Brésil
Depuis l’élection de Jair Bolsonaro à la présidence de la République en 2016, l’homologation de produits phytosanitaires a connu un bond sans précédent. Selon une enquête du site d’information g1, le Brésil a terminé l'année 2021 avec 562 pesticides homologués, soit le nombre le plus élevé depuis 2000. Ce volume a été supérieur de 14 % à celui de 2020, année où 493 pesticides ont été autorisés.
Pour terminer de peindre ce tableau, d’après le site Publíca, les autorités américaines ont décidé de former des professionnels brésiliens pour contrôler les pesticides clandestins qui causent des préjudices financiers aux multinationales. Selon l'ambassade des États-Unis, la fraude coûte 600 millions de dollars par an, sans compter les conséquences de l'utilisation de ces produits illégaux sur l'homme et la nature. Au premier trimestre 2019, près de 2800 kg de pesticides de contrebandes ont été saisis dans le Mato Grosso du Sud, ce qui correspond à 115% d'augmentation par rapport à la même période de l'année précédente.
Des pesticides interdits en Europe mais utilisés au Brésil
Une analyse de Repórter Brasil révèle que le Brésil est le deuxième plus grand acheteur de pesticides fabriqués en Europe, mais dont l'utilisation est interdite dans l'Union européenne et en Angleterre. 10 000 tonnes de pesticides ont été importés en 2018 et 12 000 en 2019. Plus de la moitié (77%) provient de l’entreprise Syngenta en Angleterre.
Cette pratique a été qualifiée de "contradiction législative" par Baskut Tuncak, qui a été rapporteur spécial de l'ONU sur les substances toxiques de 2014 à juillet 2020.
L'Union européenne ne tolère pas ces pesticides sur son territoire, mais en dehors, elle dit que ce n'est pas son problème, déclare M. Tuncak.
Il existe 41 types différents de pesticides interdits au sein du bloc européen, mais dont les exportations sont autorisées, tels que les néonicotinoïdes, les "tueurs d'abeilles". Les raisons qui ont conduit l'Union européenne à les interdire tiennent à leur relation avec l'infertilité, les malformations des bébés, le cancer et la toxicité sur les insectes.
En outre, au cours des trois premiers mois de 2019, 500 millions d'abeilles ont été trouvées mortes par des apiculteurs dans plusieurs États brésiliens ; Rio Grande do Sul, São Paulo, Santa Catarina et le Mato Grosso do Sul, selon les estimations des associations d'apiculteurs et des secrétariats à l'agriculture. L'étude toxicologique a ainsi montré un empoissonnement aux néonicotinoïdes et au Fipronil.
Repère: sur l’affiche est écrit « le parti du cancer » - Le groupe parlementaire favorable aux pesticides - avec Arthur Lira, Président de la Chambre des députés, Tereza Cristina, Ministre de l'Agriculture, Luiz Nishimori, Député fédéral, rapporteur du projet de loi sur l’homologation des pesticides et propriétaire de deux entreprises vendant des produits phytosanitaires (Mariagro Agricultura et Nishimori Agricultura), Evair de Mello, Domingos Savio, Sérgio Souza e Aline sleutjes sont députés fédéraux du Brésil.