Fidèle parmi les fidèles guelfes, les Farnèse sont l’une des plus anciennes familles ducales italiennes. Ils furent généraux, cardinaux et même pape. De petits seigneurs à hommes de main du Vatican, leur lignée s’est éteinte dans le silence, tandis que derrière eux n’ont subsisté que des bâtisses portant l’empreinte de leur nom, la plus célèbre étant pour les Français, le palais Farnèse, siège notre ambassade depuis 1874.
L’histoire des Farnèse prend racine autour du lac Bolsena, dans la province de Viterbe, aux alentours du Castrum Farneti. Leur présence est attestée dès les Xème et XIème siècle, et ce notamment au travers de l’histoire de Pierre Farnèse, consul d’Orvieto. Connus sous le nom « domicelli Tuscanienses » au XIIème siècle, en raison des quelques territoires féodaux qu’ils possédaient sur le diocèse de Tuscania, ils sont surnommés « signori de Farneto ».
Le Quattrocento de Ranuce l’Ancien
Au cours de la Renaissance, le destin des Farnèse prend un tournant majeur, en raison de l’agrandissement de leur air d’influence, qui comprend alors toute la partie occidentale du lac Bolsena, les îles de Martana et de Bisentina, ainsi qu’une partie du territoire se trouvant entre Colli Vulsini et Tirreno, jusqu’au fief de Montalto. Ce travail d’expansion est le fait de Ranuce l’Ancien (1390-1450), fils de Pierre et frère de Bartolomé, qui donna naissance à la branche Latera des Farnèse.
En 1416, Ranuce l’Ancien est nominé capitaine général de l’armée siennoise afin de contrer les attaques des Orsini de Pitigliano (Toscane). Sa victoire sur les « ours » lui permis d’accéder à la très prestigieuse position de sénateur de Rome. Ranuce développe également une amitié avec les Colonna, et tout particulièrement avec le pape Martin V qui lui permis d’acquérir le château de Piansano (Latium). L’homme se constitue ensuite une fabuleuse fortune par l’intermédiaire des favoris du Pape Eugène IV, épouse Agnese Monaldesci et gravit une à une les marches de la très élitiste noblesse romaine. Il meurt le 10 aout 1450.
Giulia Farnèse à la cour des Borgia
On l’appelait Giulia la Bella. Dotée d’une extraordinaire beauté, son regard fit chavirer le cœur de plus d’un homme ; jeunes et vieux, laïcs et religieux, devant elle on s’inclinait avec respect, on contemplait. Née en 1474 à Canino, Giulia est issue de l’union de Pierre Louis Farnèse et de Giovannella Caetani. Elle a deux frères, Alexandre et Angelo, ainsi qu’une sœur cadette, Gerolama.
La jeune femme fait sa grande introduction dans l’aristocratie romaine en 1489, soit deux ans après la disparition de son père. Elle épouse un Orsini : Orso, comte de Nola, fils de Lodovico et d’Adriana de Mila, qui se trouve être la cousine du cardinal Rodrigue Borgia. Surnommé Monuculus Orsinus, c’est-à-dire Orso le Borgne, il semble qu’Orso ne soit pas parvenu à éveiller l’amour de sa belle compagne – sans doute repoussée par sa disgracieuse apparence – puisqu’elle devint la maîtresse du puissant cardinal espagnol, futur pape Alexandre VI.
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On ne compte plus les femmes qui ont visité la couche d’Alexandre VI. Pourtant, face à Vannozza Cattanei et les autres, Giulia Farnèse eut le « privilège » de devenir la favorite du « Saint-Père ». Habile stratège, elle sue transformer sa position en tremplin social et économique pour sa famille, au point que son frère aîné, Alexandre, devint le successeur de son amant sous le nom de Paul III.
Le « Cardinal Fregnese », l’homme qui devint pape grâce à sa sœur
Alexandre Farnèse devient pape le 13 octobre 1534, à l’âge 67 ans. Méprisé par les romains qui l’affublèrent du sobriquet « Cardinale Fregnese » – afin de lui rappeler que son « étrange » accession au trône papal ne trompait personne, son règne fut marqué par le népotisme et les intrigues les plus sombre pour maintenir sa famille au pouvoir. Ainsi, il n’hésite pas à élire son petit-fils de 14 ans, Ranuccio, cardinal.
En 1537, il fait nommer son fils Pierre Louis, duc de Castro, faisant, de facto, de lui l’homme le plus puissant du nord du Latium ; aidé par son père, ce dernier s’empara aussi du duché de Parme et de Plaisance en 1545.
La vie de Paul III fut un véritable camaïeu de gris plus ou moins sombre. Pape mécène et curieux, il modernisa Rome et favorisa la création de l’ordre Jésuite qui devint par la suite un pont des savoirs entre Europe et Extrême-Orient.
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A partir 1537, il condamna, au nom de l’Eglise catholique, l’esclavage des peuples indigènes d’Amérique et « de tout autre peuple qui viendrait à être découvert ». Il ajouta même que ceux qui persistaient à dépeindre les peuples amérindiens comme des bêtes n’étaient rien d’autre que des « suppôts de Satan » ne comprenant rien à la Parole de Dieu, et t’entant d’empêcher que cette dernière ne « soit annoncée pour le salut de ces nations ». Au travers de la lettre apostolique Veritas Ipsa et de la bulle pontificale Sublimis Deus, il condamna avec fermeté la pratique de l’esclavage, et insista sur le fait que les amérindiens étaient de « véritables êtres humains », « capable de comprendre la foi catholique ». Il leur reconnu également le droit de vivre libre et de posséder des biens, y compris lorsqu’ils refusaient de se convertir. Toutefois, ces lettres tombèrent dans les ténèbres du silence, puis que l’on sait ce qu’il advint par la suite de ces peuples.
Déclin et disparition d’une famille qui avait presque tout
Le décès de Paul III signa la fin des Farnèse. Ennemi du Saint-Empire romain germanique, assujettis à la couronne espagnole, l’influence de la famille faiblit, tandis que leurs possessions leur échappèrent.
Au XVIIe siècle, les Farnèse dont on percevait déjà les premiers signes de dégénérescence physique, durent s’incliner devant les Bourbon qui dominaient alors l’Europe. La disparition, sans héritier, d’Antonio Farnèse, en 1731, fit passer les biens, les terres et le duché de la famille, aux Bourbon d’Espagne, c’est-à-dire à don Carlos, progéniture de Philippe V et de son épouse Elisabeth Farnèse.