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Innovation, provocation, et humour par l’artiste singapourien Teo Eng Seng

Du 6 septembre 2024 au 2 février 2025, la National Gallery présente « We’re Happy. Are You Happy ? », une exposition montrant les multiples facettes de l’artiste Teo Eng Seng, à la fois facétieux et profond. Cette exposition est la seconde d’une série de quatre, présentant des artistes singapouriens visionnaires postérieurs à l’indépendance, dans la perspective du dixième anniversaire de la National Gallery, qui sera fêté l’année prochaine.

La National Gallery expose une retrospective de Teo Eng Seng : We Are Happy. Are You Happy?.La National Gallery expose une retrospective de Teo Eng Seng : We Are Happy. Are You Happy?.
L’artiste devant l’œuvre qui a donné son nom à l’exposition (@ National Gallery)
Écrit par Jean-Michel Bardin
Publié le 30 août 2024, mis à jour le 6 septembre 2024

 

Teo Eng Seng, une figure majeure de la scène artistique singapourienne de ces 50 dernières années

Né en 1938, sa vocation a été très précoce, puisqu’il a présenté sa première exposition dans le cadre de son lycée à 19 ans. Il partit ensuite poursuivre ses études d’art en Grande Bretagne, qu’il rejoignit en faisant du stop depuis Singapour et où il travailla pour financer ses études. Il resta dans ce pays jusqu’en 1971 comme enseignant.

Il revint ensuite à Singapour, où il enseigna à l’United World College of Southeast Asia (UWC SEA) pendant 25 ans. Il y organisa des expositions d’art contemporain, une nouveauté à Singapour à cette époque. Pour lui, l’enseignant doit favoriser l’expression plutôt que transmettre un savoir.

Il commença à produire lui-même des œuvres et devint artiste à plein temps quand il quitta l’UWC SEA en 1996. Las d’être comparé à d’autres artistes, notamment occidentaux, il inventa un nouveau medium : le papier mâché teint et modelé (paperdyesculp). Il est cependant à l’aise avec tous types de technique, comme par exemple les déchets plastiques qui reflètent son souci pour l’environnement.

Son style est très intuitif, en réaction avec ses expériences quotidiennes et ses réflexions sur la société. Il ne cherche pas à représenter une idée, mais plutôt une émotion. Il pousse les autres à se faire leur propre interprétation plutôt que d’imposer la sienne. D’ailleurs, il n’intitule pas a priori ses œuvres, qu’ils considèrent comme jamais achevées. Ses sujets sont très divers, parfois provocateurs. Mais il les traite avec humour, ce qui les rend plus acceptables et pousse à la réflexion.

Teo Eng Seng est aussi un leader culturel. Il a guidé plusieurs artistes. Outre les expositions qu’il a organisées, il a transformé sa maison en galerie d’exposition, où il présente non seulement ses œuvres, mais aussi celles de jeunes artistes. Il a aussi fait partie de nombreux comités en tant que conseiller artistique.

 

The Net de Teo Eng Seng utilise le paperdyescul.
« The Net (Most Definitively Singapore River) » paperdyescul (@ Nationale Gallery)

 

Une exposition embrassant toute la diversité de l’œuvre de Teo Eng Seng

Tout d’abord, cette exposition donne un large panorama des diverses techniques pratiquées par l’artiste, depuis sa spécialité, le paperdyesculp, jusqu’à la peinture à l’huile classique, en passant par la peinture sur tissu, le recyclage de plastique usagé, la fibre de verre, des équipements électriques, le béton, …

Mais surtout, elle montre la multiplicité des sujets qui ont inspiré l’artiste.

L’œuvre qui a donné son nom à l’exposition, « We Are Happy. Are You Happy » (photo en tête d’article) est particulièrement intéressante à ce titre. Elle figure une cage dorée, partiellement recouverte d’un morceau de tissu et décorée de colonnes classiques, dans laquelle deux oiseaux batifolent. Peut-on être heureux dans une prison dorée ? L’argent fait-il le bonheur ?

L’artiste n’oublie pas sa culture chinoise qui transparait dans plusieurs de ses œuvres, comme « Five Nails », construction en fibre de verre, qui fait référence au roman classique de « Journey to the West », dans lequel un singe croyant pouvoir fuir le Bouddha se retrouve en fait dans sa paume.

 

Five Nails de Teo Eng Seng représente la paume de Bouddha.
« Five Nails » (@ National Gallery)

 

Dans un registre plus sombre, il y a une peinture reprenant et intensifiant une photographie de Ronald Haeberle du massacre de My Lai, perpétré par des soldats américains pendant la guerre du Vietnam.

 

Le massare de My Lai de Teo Eng Seng est inspiré d'une photographie de Ronald Haeberle
« Massacre at My Lai » (@ National Gallery)

 

Dans la partie publique du musée, au sous-sol, il y a une immense toile peinte de 44 m de long, « Wabi Sabi », sur laquelle l’artiste a travaillé pendant 24 ans. En dessous, 202 figurines en béton renforcé par du verre représentent des motocyclistes allant dans la même direction : « Ah Wah and Ah Kiat : Crossing Borders ». Cela fait immanquablement penser au Causeway à l’heure de pointe, quand les travailleurs malaisiens rejoignent leurs postes à Singapour. Deux d’entre eux (des leaders ?) se distinguent par leur couleur dorée.

 

Wabi Sabi et Crossing the borders de Teo Eng Seng sont exposés dans la partie publique de la National Gallery.
« Wabi Sabi » et « Ah Wah and Ah Kiat : Crossing Borders » (@ National Gallery)

 

Au total, près de 70 œuvres de l’artiste sont présentées. L’exposition sera ouverte du 6 septembre 2024 au 2 février 2025 tous les jours de 10h à 19h. Des visites guidées en anglais peuvent être suivies les jeudis et dimanches après-midi pour mieux apprécier l’exposition.

 

Jean-Michel Bardin félicitant Teo Eng Seng.
L’auteur de l’article félicitant l’artiste

 

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