Édition internationale

POLITIQUE - Le paysage politique suédois à 18 mois des élections

 

La Suède, actuellement dirigée par une coalition menée par les sociaux-démocrates omniprésents dans le paysage politique depuis plus de 70 ans, ira aux urnes en septembre 2018. D'ici là, les jeux sont ouverts et on pourrait voir émerger un nouveau centre démocrate en Suède, qui bouleverserait le paysage politique droite-gauche traditionnel.

 

 

Des temps difficiles mais qui ont mis en valeur le parti social-démocrate

L'attentat au camion bélier du 7 avril 2017 à Stockholm a sans doute rejoint dans l'imaginaire collectif des Suédois la place accordée à d'autres drames nationaux tels l'assassinat du Premier ministre Olof Palme en 1986 et d'Anna Lindh, chef de la diplomatie en 2003 ou le naufrage de l'Estonia en 1994.
Les Suédois s'étaient préparés à un acte terroriste, mais l'épisode fut douloureux. Là où l'ancien premier ministre Göran Persson fut critiqué en 2004 pour sa mauvaise gestion du tsunami en Indonésie, son successeur Stefan Lövfen n'a reçu que des louanges. L'exécutif a fait preuve d'humanité et d'efficacité.

L'extrême-droite, nouvel opposant principal du parti social-démocrate

S'inspirant des exemples de l'Alliance conservatrice au pouvoir entre 2006 et 2014, Löfven adopte depuis quelques mois une stratégie électorale ambitieuse, qui veut couper l'herbe sous le pied de l'extrême-droite des Sverigedemokraterna. Le Congrès du parti social-démocrate de début avril a posé un gouvernement qui promeut une politique restrictive de l'immigration et de prise en main de la lutte contre la criminalité. Mais pas seulement.

Les sociaux-démocrates partent du constat qu'il leur faut gagner le combat sur deux fronts. Le premier, on l'a dit, est de neutraliser les conflits sur les questions de l'immigration et de la sécurité. Le second est d'accroître les mesures de redistribution des richesses.
Le principal parti d'opposition, les conservateurs, s'effondre dans les sondages, passant de 28% d'opinions favorables à 18%, du fait notamment de son nouveau positionnement politique - sa proposition de partenariat partiel avec l'extrême-droite - permettant à l'extrême-droite de se présenter comme la ?véritable? opposition. Et le nombre de leurs sympathisants ne cesse de grimper. Selon un sondage récent, 37 % des adhérents au syndicat LO (l'équivalent de la CGT) sont sympathisants de l'extrême-droite Sverigedemokraterna.
Par ailleurs, le gouvernement revient à une dichotomie droite/gauche plus traditionnelle, et se pose en garant de la défense des plus faibles.


Une batterie de mesures sociales à venir

Avec aujourd'hui un endettement de l'Etat inférieur à 30% du PIB, la Suède peut se permettre une politique de relance budgétaire vigoureuse pour soutenir l'économie du pays, d'autant plus que la politique de l'offre et de la stimulation monétaire par l'action de levier des taux directeurs de la banque centrale suédoise (la Riksbank) peut montrer des limites, avec un taux d'endettement des ménages trop élevé dans le pays (170.000 ménages ont un taux d'endettement de plus de 600 %).
Dans l'espoir qu'une nouvelle bulle financière n'éclate pas, Löfven prévoit l'embauche de 10.000 policiers. Sa ministre de l'Economie, Magdalena Andersson, prévoyait début avril : « plus d'enseignants, d'infirmières et de personnels dans les maisons de retraite. Plus de logements, plus de bibliothèques. Plus de routes et des chemins de fer ».

Il est vrai que par quelques aspects, la situation de la Suède, traditionnellement égalitariste, est inquiétante. Le taux de pauvreté augmente peu à peu (il est passé de 13% à 15% de la population en deux ans) et les écarts de revenus depuis les années 1980 se sont résolument creusés, avec des hausses de 80% des revenus pour la tranche la plus aisée.
Le gouvernement prend aussi cette situation en compte et veut rectifier le tir, en revenant par exemple sur la privatisation de certains établissements de soins et en imposant des limites de profits, concept encore à définir toutefois et qui peine à trouver un soutient au Parlement actuellement, contrairement à la politique de relance.

Quid de l'ancienne Alliance conservatrice ?


Les derniers sondages montrent une stabilité des partis du bloc rouge-vert, après une hausse au mois d'avril, avec un parti Social-démocrate qui domine à 28 % des intentions de vote dans les sondages, un parti de Gauche à 6,6 %. Seul s'affaiblit encore et encore le parti des Verts, à 4,6 % d'intentions de vote, en souffrance de ses scandales le liant à des réseaux d'islamistes radicaux. Bref, le bloc traditionnel rouge-vert n'a pas la majorité des suffrages et il doit obtenir un accord avec d'autres partis.

Au vu des sondages, c'est le Centerpartiet qui a le plus gagné de la tentative d'alignement du parti des conservateurs Moderaterna sur l'extrême-droite, le plaçant désormais à 12% des intentions de vote. Comme les Libéraux (Liberalerna), crédités de 5,5 % des intentions de vote, il a refusé toute compromission avec l'extrême droite mais est le seul à en profiter ; sans doute une question de leadership.

Finalement, risquons-nous de nous retrouver en Suède comme en France avec un paysage politique bouleversé avec une marginalisation des anciens partis de gouvernement, au profit d'extrêmes et d'un centre démocrate ? En Suède, le parti Social-démocrate paraît tenir bon et continue à regrouper tout autant une partie de la frange la plus à gauche de l'électorat mais surtout une grande partie de de l'électorat de centre / centre-gauche. Mais ce ne serait pas une idée des plus saugrenues que le Centerpartiet et les Liberalerna s'allient ponctuellement et plus fréquemment avec les sociaux-démocrates, si d'aventure les Moderaterna maintenaient leurs rapprochements avec l'extrême-droite, et si cette dernière se renforçait plus encore.


Yann LONG (lepetitjournal.com/stockholm) 14 juin 2017

Photo: Janwikifoto 

 

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.