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Réouverture des frontières américaines : les Français des États-Unis revivent !

Avion de la compagnie aérienne French bee qui vient d’atterrir à New YorkAvion de la compagnie aérienne French bee qui vient d’atterrir à New York
(c) French bee
Écrit par Rachel Brunet
Publié le 22 septembre 2021, mis à jour le 23 septembre 2021

Après dix-huit mois de fermeture des frontières américaines à cause du Covid-19, les États-Unis ont annoncé ce lundi 20 septembre une réouverture « début novembre » pour les voyageurs vaccinés en provenance de l’Union européenne et de Grande-Bretagne. Si les touristes sont ravis, les expatriés sous visa le sont sans doute encore plus. Professionnellement, personnellement et parfois psychologiquement, la levée du travel ban tant attendue par les Français des États-Unis cristallise le retour à une vie presque normale bien que le Covid reste une réalité.

 

 

Réouverture des frontières

Tweet de Roland Lescure à l’annonce de la levée du travel ban

 

Réouverture des frontières américaines et reprise du business

Les États-Unis vont autoriser, à partir de début novembre, l’entrée sur leur territoire à tous les voyageurs en provenance de l’étranger à condition qu’ils soient entièrement vaccinés contre le Covid-19, a annoncé le 20 septembre 2021 la Maison Blanche.

Le pays va par ailleurs exiger des tests dans les trois jours avant leur trajet vers les États-Unis, le port du masque, tandis qu’un système de suivi des contacts sera mis en place par les compagnies aériennes, qui devront collecter les informations permettant de les contacter, a indiqué le coordinateur de la lutte contre la pandémie à la Maison Blanche, Jeff Zients.

« La fin du travel ban, c’est avant tout la promesse d’un retour à la vie d’avant, tout du moins le retour à une certaine normalité. Depuis des mois, nous recueillons le désespoir de centaines de Français, loin de leur famille. Certains se trouvent dans des situations critiques à la fois psychologiquement, mais aussi financièrement. C’est aussi le retour des opportunités économiques pour nos entrepreneurs. La fin du travel ban est pour chacun de nous la fin d’une période d’incertitudes qui a trop longtemps duré » nous confiait Roland Lescure, député des Français d’Amérique du Nord.

« C’est aussi une nouvelle bien accueillie par les fondateurs de startups et patrons de filiales américaines de sociétés françaises, qui vont pouvoir reprendre leur stratégie de prospection de clients américains et rencontrer ou poursuivre leurs négociations auprès d’éventuels investisseurs américains à même de financer le développement de leurs activités outre-Atlantique » confirme Stéphane Grynwajc, avocat qui accompagne les startups et PME françaises dans leur développement aux États-Unis. Et de rajouter « nous ne savons pas encore si cette annonce va rouvrir le chantier de la délivrance des visas, mais même si le waiver programme ne permet pas de travailler durant le séjour aux États-Unis, faire acte de présence auprès des équipes, des investisseurs, des clients potentiels peut être très important dans la période actuelle. »

Laurène Hamilton, guide touristique et fondatrice de Your New York Story LLC fait partie des expatriés qui ont directement et particulièrement été impactés professionnellement par la fermeture des frontières. Si elle a mis à profit ces derniers dix-huit mois pour développer de nouvelles visites, elle a aussi su rebondir et réinventer son métier en créant, pour ses clients privés de voyages aux États-Unis, des visites virtuelles de New York. Elle avoue « l’annonce de la réouverture des frontières m’a prise de court, » même si « la levée du travel ban est une très bonne nouvelle. J’étais frustrée ces derniers mois parce que je ne comprenais pas les critères de réouverture. » Et de rajouter « il y a eu un manque de communication du Gouvernement qui nous empêchait d’avancer sans perspective de temps, aussi, j’ai accueilli cette nouvelle avec étonnement ».

 

En effet, il y a encore une semaine, le coordinateur de la réponse au coronavirus de la Maison Blanche, Jeff Zients, déclarait au Conseil consultatif américain du voyage et du tourisme que l'administration ne prévoyait pas d'assouplir immédiatement les restrictions de voyage, et donc de ne pas lever le travel ban, citant les nombreux cas de variant Delta aux États-Unis et dans le monde. Pour Béatrice Leydier, conseillère des Français de l’étranger pour la circonscription de Washington, « il y a et aura beaucoup de spéculation sur ce qui a fait changer la donne, et c'est sûrement bien sûr une conjonction de facteurs. Comme tout le monde qui suivait le sujet de près, je n'avais vu aucun signe de volonté de l'administration américaine d'aller vite sur ce sujet avant la fin de l'année, et je pense que la nécessité de faire un geste vers l'Europe suite à l'épisode des sous-marins a probablement pesé. De ce point de vue, je salue le leadership du Président Macron qui a eu une réaction ferme à la hauteur de l'attitude américaine, ce qui a sûrement encouragé les Américains à faire un geste réparateur. » Et de rajouter « depuis le mois de mai, quand l'Europe a réouvert ses frontières aux Américains et que j'ai publié la pétition, il y avait chaque semaine une nouvelle tribune exprimant toute l'absurdité, la douleur, la colère que cette situation engendrait, et chaque semaine la seule chose qui semblait avancer était l'amertume collective. J'ai reçu beaucoup de témoignages de familles, couples, parents, amis séparés et une véritable pesanteur régnait dans la communauté des Français bloqués aux États-Unis, accompagnée d'un sentiment d'injustice et d'absurdité profond tellement cette situation semblait non-nécessaire et par toutes les mesures possibles, incohérente. » La jeune femme, alors fraîchement élue en mai dernier, avait lancé une pétition afin de faire bouger les lignes et faire entendre la voix des expatriés français, et au sens plus large, européens, auprès de l’administration Biden face au travel ban. Aussi, cette annonce de réouverture des frontières a été un véritable soulagement tant pour l’élue que pour l’expatriée qu’elle est : « une certaine surprise, une véritable joie et un soulagement profond et mérité ! Il y avait un sentiment que c'était inévitable, les frontières allaient réouvrir à un moment, mais aussi un sentiment que ça pouvait être éternel, tellement de rumeurs ont circulé à chaque sommet transatlantique et à chaque échéance du calendrier que cette fois-ci serait la bonne, que nombre d'entre nous détenteurs de visa aux États-Unis étions résignés à ce que le Travel Ban se prolonge jusqu'en 2022. »

 

Ce travel ban a impacté de nombreux professionnels dont ceux de la restauration. C’est le cas d’Armel Joly, co-propriétaire du restaurant français OCabanon situé dans le quartier de Chelsea, à Manhattan. « Notre restaurant est bien connu de la communauté française de New York, mais nous sommes aussi connus en France et la fermeture des frontières nous a fait beaucoup de mal » explique l’entrepreneur. Malgré sa résilience, il reconnaît « nous faisons 30 % de notre chiffre d’affaires avec les touristes européens » aussi, la réouverture des frontières est un soulagement pour lui. « On survivait, là, nous allons revenir à la vie. Le problème va être de trouver du personnel ». Une complication de plus à New York, après dix-huit moins de Covid : recruter du personnel de restauration.

 

Un impact psychologique

La tension dure depuis dix-huit mois. Après trois mois de confinement à New York, les expatriés sous visa ont vécu une sorte de confinement à l’intérieur même du pays causant chez nombre d’entre eux des dégâts psychologiques. « La fermeture des frontières a été traumatisante pour les Français expatriés aux États-Unis. Jamais personne n’avait connu une telle situation, à part nos parents ou grands-parents pendant la Seconde Guerre mondiale. La plupart des expatriés détenteurs de visas ou en renouvellement de celui-ci n’ont pas voulu prendre le risque de sortir des États-Unis sans avoir la certitude de pouvoir y revenir » explique Bérénice Boursier-Baudouin, psychologue installée à Miami.

La psychologue a accompagné de nombreux expatriés français afin de les aider à surmonter cette épreuve. Elle cite l’exemple d’un couple « ce jeune couple de Français de Brooklyn a eu une petite Emma en mai 2020, qui ne connaît toujours pas ses grands-parents. De la joie d’avoir un premier enfant, et de le présenter à leurs familles, cette situation est devenue dramatique et traumatisante, car ils n’ont pas pu partager ce magnifique événement avec leur famille, leurs amis. Ils sont tous les deux très tristes de cette situation qui les a déprimés. Leur prochain enfant, ils le feront en France ont-ils décidé » détaille Bérénice Boursier-Baudouin.

Autre exemple, celui d’une jeune femme qui vit un traumatisme lié à la solitude. Prise de poids, renfermement, phobie, la jeune femme est arrivée seule à New York en début d’année pour motif professionnel qui s’est résumé à du télé-travail et n’est pas retournée cet été visiter sa famille. « Elle en souffre énormément » relate Bérénice Boursier-Baudouin et de rajouter « la fermeture des frontières a été anxiogène et traumatisante pour les Français d’Amérique, et aujourd’hui, ils en ressentent les symptômes. L’être humain n’est pas fait pour vivre seul et isolé, quoique l’on puisse en dire. »

 

Le retour à la vie pour les Français des Etats-Unis

« La fin du travel ban est une très bonne nouvelle pour nos concitoyens. Attention ! Cela ne veut pas dire que tous les problèmes soient résolus et que les visas soient accordés immédiatement mais cela permet la réunion des familles à la veille des fêtes de Thanksgiving et de Noël. Et pour la région de New York, le retour des touristes. Une très bonne nouvelle » réagit Pascale Richard, conseillère des Français de l’étranger pour la circonscription de New York.

Même son de cloche pour les expatriés sous visa, à l’instar de Cathy, une Française installée à New York depuis 9 ans qui explique « après  tous ces mois d’attente marqués par la patience au début puis l’incompréhension, la frustration, la lassitude et au final un certain lâcher prise, l’annonce de la bonne nouvelle, ce fut une explosion de joie ! Je projette de rentrer en France pour les fêtes de fin d’année retrouver mes proches — famille et amis — et faire le plein de ce pays qui me manque, afin d’en repartir librement et ressourcée. Ma mission du soir : trouver des billets d’avion ! »

Catherine Louis, directrice de la communication de la compagnie aérienne French bee constate de son côté que « les ventes de billets d’avion ont été multipliées par trois depuis lundi » jour de l’annonce de la réouverture des frontières américaines.

Et il est vrai que dans l’autre sens, celui du tourisme, l’impatience du voyage est la même. Une certaine frénésie s’empare des deux cotés de l’Atlantique. Au lendemain de l’annonce de la réouverture des frontières américaines aux voyageurs sous esta, Laurène Hamilton précise avoir déjà reçu des réservations de visites de la part de touristes français. La vie reprend, bel et bien !

En Bourgogne, Elisabeth, son mari, leurs trois enfants ainsi que leurs conjoints prévoyaient de passer Noël à New York. Le projet avait été mis de côté pas plus tard que la semaine dernière, voyant que le travel ban restait toujours en place. À l’annonce de la réouverture des frontières, la Française est d’abord restée incrédule, se demandant si elle pouvait réellement acheter les billets d’avion et réserver le Airbnb qu’elle avait repéré début septembre. Et de préciser, malicieuse, « peut-être que nous allons vraiment pouvoir venir manger notre dinde de Noël à New York ».