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Et si New York redevenait désirable ?

Vue de New YorkVue de New York
La fumée des incendies de Californie du Nord pollue le ciel de New York, Septembre 2020 (c) JC Agid
Écrit par JC Agid
Publié le 17 juin 2021, mis à jour le 18 juin 2021

Pendant une parenthèse trop longue, nous avons vécu dans des appartements étroits et inadaptés aux besoins du confinement, les enfants sont allés à l’école dans leurs chambres, nous nous sommes adaptés au télétravail (combien de fois avec des colocataires dans la pièce voisine ?) et nous avons fait du sport dans nos salons en poussant si nécessaire canapés et meubles. Si nous avions accès à internet, nous pouvions faire nos courses en ligne. De l’autre côté des fenêtres, le ciel des villes s’éclaircissait chaque jour davantage. Les voitures se sont faites rares et un silence insolite a pris possession des rues de New York.

 

New York

Upper West Side, Manhattan (c) Marion Naufal

 

La pandémie de la Covid-19 a ainsi mis au jour tous les défauts du modèle urbain, estime le Président de Saint-Gobain Pierre-André de Chalendar dans son livre Le Défi Urbain (Odile Jacob), disponible en anglais à partir du 25 Juin sous le titre The Urban Challenge.

A New York, les articles et les analyses se sont succédés sur l’avenir de la ville. « Is New York City Over » titrait ainsi le New York Times l’été dernier avec en écho l’éditorial de l’humoriste Jerry Seinfeld, « So You Think New York Is ‘Dead’ ».

 

Comme à Paris, une partie de la population locale a fui New York. Quelques-uns parmi les New-Yorkais les plus aisés sont partis vivre à West Palm Beach, dans les Hamptons ou à la campagne ; d’autres, parmi les plus précaires et tout à coup sans emploi, n’ont pas pu faire face au coût croissant de la vie urbaine.

Une désertion de la ville conjoncturelle ? Pierre-André de Chalendar en est convaincu. La ville, où qu’elle soit est plus que jamais nécessaire. Selon les Nations Unies, explique le Président de Saint-Gobain, la population urbaine mondiale passera de 4 milliards aujourd’hui à 6.5 milliards en 2050. Dans moins de 30 ans, les deux tiers de l’humanité vivront dans une ville.

« Le défi », explique Pierre-André de Chalendar, « consiste à créer des villes désirables, agréables et protectrices de nos ressources naturelles ».

 

Le défi

 

 

Couverture de The Urban Challenge par Pierre-André de Chalendar

 

Le Défi Urbain débute sur la légendaire ville d’Uruk, le berceau de l’écriture et sans doute la première cité de l’histoire. Uruk se développe 5000 ans avant notre ère au cœur de la Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate. Un des plus anciens textes connus raconte d’ailleurs les aventures d’Enkidu, un homme qui vit « en harmonie avec la nature, en compagnie des animaux sauvages ». Mais lorsqu’Enkidu croise une habitante d’Uruk, Shamat, celle-ci lui décrit « les mille et une merveilles de la cité, où les habitants sont richement vêtus, dansent, partagent de somptueux repas, boivent de la bière. Shamat incarne la sophistication et la séduction de la culture urbaine, qui seule permet à l’homme de se dépasser, d’exprimer ses talents et ses pouvoirs », écrit Pierre-André de Chalendar.

 

A New York ou ailleurs, le défi est celui de la ville désirée. Une ville qui place la qualité de vie au cœur de son développement, « un modèle où la nature et la ville ne s’opposent plus, où les mobilités sont fluides et dé-carbonées ; et où les bâtiments, durables et performants, apportent confort et santé, et répondent aux aspirations, renforcées par la crise sanitaire, à vivre mieux, ensemble ».

 

Le Président de Saint-Gobain propose ainsi dans Le Défi Urbain de créer un modèle qui « favorise l’inclusion sociale et inscrit tout projet dans une logique participative », l’élément fondateur d’une ville modulable et durable.

 

A quoi ressemblera notre habitat demain ? Allons-nous créer des espaces de vie—immeubles ou individuels—avec des pièces dédiées au télétravail, au sport, à l’éducation et aux soins à distance ? Allons-nous rénover et/ou construire des bâtiments connectés qui ne soient plus des passoires énergétiques grâce à des matériaux et solutions innovants et produits sans épuiser les ressources naturelles ? Le sur-chauffage l’hiver et l’air conditionné l’été contribuent encore à créer à New York un fond sonore et des différences de température stressantes et polluantes.

 

Lors d’une conférence organisée au mois de février par la French American Foundation, « Building a Brighter New York City », la Présidente de Partnership for New York City, Kathryn Wylde projette New York en 2031 : « une ville plus pédestre, plus aérée avec une économie puissante et en croissance ». La transformation de la ville a déjà commencé, ajoute-t-elle et prend comme exemple celle de Paris. « Plus de rues piétonnes, moins de voitures, plus de terrasses de café et de marchés extérieurs (…) plus de vélos ».

 

New York

Park Avenue pendant la pandémie - Mai 2020 (c) JC Agid

 

Kathryn Wylde imagine une ville qui ressemble beaucoup à la ville du quart d’heure proposée par le scientifique franco-colombien Carlos Moreno et décrite par Pierre-André de Chalendar, un espace urbain où tous les services nécessaires, y compris pour aller à l’école, se divertir ou se soigner, sont disponibles dans un rayon de 15 minutes à pied. « Nous n’aurons plus nécessairement besoin d’un système de transports grâce auquel tout le monde vient à Manhattan pour y travailler », explique Kathryn Wylde.

 

En France, rappelle Pierre-André de Chalendar, la quasi-totalité des émissions de gaz à effet de serre liées au transport proviennent de la consommation de carburant, et il y a à Paris entre 250 et 425 kilomètres de bouchons lors d’une journée ‘normale’. Un des obstacles à la baisse de l’utilisation de la voiture est à Paris comme à New York la distance entre le lieu de travail et le domicile.

 

Le livre de Pierre-André de Chalendar « nous aide à imaginer comment (les villes) peuvent changer et se développer, et devenir des lieux plus verts, plus sains et plus prospères pour tous », écrit l’ancien maire de New York, Michael Bloomberg. Un défi pour New York, la ville ‘carrefour’ du monde, celle qui a traversé toutes les crises, la faillite des années 1970 et, il y aura 20 ans en septembre, les attentats de 9/11. Si relever ce défi urbain est possible à New York, il sera, comme le dit la chanson, possible partout.

 

En 2001, personne ne vivait autour des deux tours du World Trade Center dans le Financial District nous rappelle Kathryn Wylde. Dès Wall Street et les banques fermés, le quartier devenait fantôme, les métros et les gares se remplissaient de banlieusards tandis que les voitures privées, les taxis et les limousines ramenaient vers l’Upper East Side les plus riches traders. Le bas de Manhattan est aujourd’hui un quartier vivant où se juxtaposent bureaux, commerces et immeubles résidentiels.

 

Au moment où New York ouvre à nouveau entièrement ses restaurants, ses commerces, ses cinémas, ses salles de sport et de concert, et ses clubs de Jazz—Smalls dans le Village où un jeune pianiste du Bronx démasqué fait courir ses notes accompagnées de la musique d’une trompette, d’un saxo, d’une contrebasse et du rythme d’une batterie—fort d’une campagne de vaccination réussie contre la Covid-19, le défi urbain, celui de rendre à nouveau la ville désirable, est accessible, politiquement et techniquement. C’est une opportunité même, une chance d’inventer la ville du bien-être, des échanges et du respect de l’environnement, à condition d’aborder ce défi « ensemble », écrit Pierre-André de Chalendar.

 

Le Défi Urbain, Retrouver le Désir de Vivre en Ville

Par Pierre-André de Chalendar – Éditions Odile Jacob