Dans une biofiction, Stéphanie Batailler, une Française expatriée aux USA, a décidé de créer elle-même l’entretien d’embauche de l’emploi de ses rêves.
Lepetitjournal.com New York / Quelle est la genèse d'Entretien d’embauche à OhlalaLand ?
Stéphanie Batailler : Ce livre est né d’un ras-le-bol et d’une frustration. Mes dix ans passés à travailler à New York en tant qu’indépendante dans le monde du cinéma avaient déjà été très durs, surtout depuis la crise financière de 2008. A tel point même que j’avais dû prendre un emploi à plein temps pendant un an et demi dans un domaine qui m’était alors jusque-là totalement inconnu : l’hôtellerie de luxe. J’ai travaillé au Mandarin Oriental de New York à Columbus Circle, au coin de Central Park. J’étais hôtesse dans leur restaurant mais après un an et demi, j’en ai eu assez. Je me suis dit que je n’avais plus rien à perdre et que je devais tenter ma chance à Hollywood alors que j'avais toujours été réticente venir m’installer sur la côte Ouest. J’adorais la mentalité new-yorkaise et l’effervescence culturelle de la ville, mais j’avais de nombreux a priori négatifs sur Los Angeles tels que de n’y voir que des gens superficiels.
Comment s'est déroulée votre arrivée à Los Angeles ?
Je suis arrivée à Los Angeles au mois de novembre 2011 en position de force, car motivée, déterminée, et pleine d’espoir. Je n’avais, en effet, qu’un seul objectif : trouver un emploi dans le service du développement à la création d’un grand studio de cinéma. Je m’y voyais déjà : faire part de mes idées et de mes propositions pour des personnages, des scènes, courir d’un bureau de producteur à un autre… Seulement voilà, j’avais un énorme problème : le réseau que je n'avais pas. Par conséquent, une seule option s’offrait à moi : répondre aux annonces sur le net. Pendant plus d’un an, j'ai envoyé une douzaine de C.V. par jour et remplis d’interminables questionnaires sur des sites de recherche d’emploi sans jamais recevoir de réponse. Et, comme l’on peut s’y attendre, j’ai commencé à déprimer. J’ai donc décidé d’arrêter de répondre aux annonces d’emploi pour écrire l’histoire imaginaire de mon entretien d’embauche, en faire un livre, et l’envoyer aux ressources humaines des studios afin attirer leur attention.Je me suis aussi dit qu’une couverture en couleur serait sûrement moins facile à ignorer qu’un CV ou un script.
Peut-on dire que ce livre est autobiographique ?
Oui, la première partie, qui précède l’entretien d’embauche, est totalement autobiographique. Elle est basée sur mon enfance : la tétralogie de livres que j’ai reçue pour mon anniversaire, les commentaires de mes professeurs à l’école concernant mon comportement singulier ; mes parents qui s’inquiétaient d’avoir une fille un peu trop dans les nuages ; ma grande sœur, avide lectrice, qui essayait de me faire lire autre chose que des contes de fées ou des histoires de Disney ; la perte de confiance en moi à cause du scepticisme quasi-systématique des gens, autres que les membres de ma famille sur le bien-fondé de mes histoires, etc. La seconde partie du livre, est, elle, totalement fictive. Je me suis inspirée toutefois de tous les entretiens d’embauche que j’ai passés.
Est-il plus dur de travailler dans le monde du cinéma à New York ou à Los Angeles ?
Les emplois à New York que je trouvais étaient sur des tournages : il y avait un rapport direct avec la création, mais les emplois que je peux trouver à Los Angeles sont surtout des emplois de bureau et très techniques. Par exemple, en ce moment je travaille pour une société qui s’occupe de la transmission des éléments audiovisuels produits par les studios et maisons de productions vers les sociétés de services de distribution de videos en demande. Il y a beaucoup à dire sur les changements radicaux dans l’industrie cinématographique et médiatique. J’en parlerai plus dans mes prochains livres.
Big Apple est-elle alors un lieu de tournage idéal ?
New York, c’est surtout la ville du cinéma indépendant, des séries télé et du théâtre musical. Si vous démarrez dans le cinéma et vous cherchez à vous faire de l’expérience, c’est une ville idéale. On tourne dans tous les coins de rue car la commission du film, du théâtre et de la diffusion de la mairie de New York aide beaucoup les cinéastes. Peu importe votre projet et votre budget, le bureau vous donnera facilement un permis de tourner. Vous trouverez aussi aisément des projets sur lesquels travailler. Il vous suffit parfois d’approcher directement dans la rue les personnes qui travaillent sur le tournage. Il y a également beaucoup d’annonces sur internet de productions de toutes sortes qui recherchent des techniciens ou acteurs. Mais attention, ce sont généralement des petites productions et elles ne sont pas syndiquées. Vous serez donc sous payés, voir pas payés du tout car on vous fera miroiter l’importance d’avoir votre nom dans le générique du film. Mais, après avoir passé plusieurs années à vous construire un solide CV, vous serez sûrement excédés, comme je l’ai été. Faire du cinéma n’est plus seulement une passion pour vous, c’est devenu un métier. C’est là où réside toute la difficulté. Les plus grosses productions sont syndiquées et le cercle est très fermé. Il vous faut absolument avoir des relations.
Et la Cité des Anges ?
À Los Angeles, c’est vraiment l’école des grands, mais je ne trouve pas que Los Angeles soit à proprement dite la ville du cinéma. On n’y voit pas comme à New York des tournages à tous les coins de rue et ce n’est pas aussi facile d’obtenir des permis. Paradoxalement aussi, c'est la ville j’ai vu le moins de nouveaux films : les cinémas proposent chaque semaine, et pendant plusieurs semaines d’affilées, les mêmes 6 ou 8 films, les mêmes blockbusters hollywoodiens. Car, tout est contrôlé, encore plus qu’ailleurs, par les studios. Alors qu'à New York, on peut avoir accès à un nombre considérable de films étrangers et indépendants. En revanche, Los Angeles est véritablement la ville de l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel, dans le sens corporate du terme. Il y a une énorme différence. C’est ici que se concluent les gros deals. Bien sûr, on tourne toujours dans les studios légendaires d’Hollywood comme Paramount, Warner Bros Pictures, Universal Pictures ou Disney mais c’est surtout des séries télé, des émissions de télé-réalité ou de variété. Les films, eux, sont plûtot tournés ailleurs, dans d’autres Etats américains, ou même d’autres pays, où la règlementation est plus flexible et les équipes de tournage moins chères. Les studios sont devenus davantage des distributeurs que des producteurs de films. Ils font aussi maintenant partie de gigantesques conglomérats médiatiques.
Après ce livre, quels sont projets ?
Tout d’abord, écrire la suite d’Entretien d’embauche à OhlalaLand. J’ai d’ailleurs commencé le volume 2, c’est un prequel. J’ai aussi en tête le volume 3. Ces livres feront partie de la collection « OhlalaLand classique ». Je veux aussi créer une collection « OhlalaLand BD », cela fait deux ans que j’y pense. J’aimerais bien, à ce propos, trouver un dessinateur français avec qui collaborer. Je pourrais non seulement faire des backstories de personnages secondaires mais je pourrais également développer de nouveaux personnages. OhlalaLand c’est beaucoup d’histoires fantastiques mais je suis également passionnée d’histoire. J’espère pouvoir un jour adapter chacune de mes histoires à l’écran et créer pour cela les studios d’OhlalaLand. Depuis le début d’ailleurs, ma tante Martine Schmidhalter, une des premières fans d’Ohlalaland, m’aide avec le marketing et la promotion de la marque. Aujourd'hui, il va falloir que notre équipe grandisse car mon objectif ultime est qu’OhlalaLand puisse devenir une plateforme internationale où les auteurs, dessinateurs et réalisateurs, sans réseau comme moi à la base, pourront s’exprimer en produisant leurs propres histoires via des livres et des films.