Sandrine France est une créatrice de bijoux installée à New York depuis les années 1980. Entre deux anecdotes passionnantes sur le New York d’antan, elle nous raconte son parcours, de ses débuts de danseuse classique à la création de son studio pendant la pandémie de Covid… Un parcours comme seul New York sait en produire !
«Pendant les années 1980, à New York, tout était possible»
Sandrine France débarque à New York à tout juste dix-sept ans, pour la danse. « Je suis arrivée en plein hiver 1982, il y avait trois mètres de neige. Je ne parlais pas anglais, je ne connaissais personne, raconte-t-elle. Je suis arrivée sur une autre planète ». La danseuse loge à l’Armée du Salut, sur la 13ème rue , dans une résidence de personnes âgées et de jeunes femmes. Après avoir fait partie de plusieurs compagnies, elle décide de quitter le milieu de la danse et prend des petits boulots dans des restaurants : « J’ai fait serveuse pendant quatre ans, confie-t-elle, puis j’ai travaillé dans un coat check. Je devais rester dans le placard avec les manteaux ».
Un soir, une dame venue récupérer son manteau la découvre en train de tricoter et lui donne sa carte. Quelques jours plus tard, Sandrine lui rend visite dans son atelier de Midtown. « Elle m’a demandé si je savais faire de la couture. Mon père m’a toujours dit : "Tu dis oui, et après tu te débrouilles" ». La Française repart donc avec un rouleau de tissu sur l’épaule, un patron dessiné sur un carton, et une mission : confectionner 300 chapeaux en deux semaines, rémunérés un dollar la pièce. « Pendant les années 1980, à New York, tout était possible. C’était incroyable », se souvient-elle.
Sandrine France et ses bijoux 100 % faits main
De fil en aiguille, la Française monte les échelons, commence à réaliser des bijoux. De sample maker, en bas de l’échelle, elle devient assistant designer. Pendant vingt-cinq ans, elle évolue ainsi au sein de plusieurs boîtes, jusqu’en mars 2020, lorsque la pandémie de Covid frappe New York et le reste du monde de plein fouet. L’entreprise pour laquelle elle travaille ferme ses portes. Déterminée à transformer ce coup dur en opportunité, Sandrine lance son site web et crée une petite collection de bijoux avec les perles qu’elle a amassées au fil des ans. « Le Covid, ça a été une catastrophe, mais ça a complètement changé ma vie. Je savais que je ne pourrais pas retourner dans un bureau », raconte-t-elle. Elle transforme son lieu de vie – un appartement deux chambres dans le quartier de Chelsea, qu’elle partage avec sa fille – en atelier. En véritable autodidacte, Sandrine réalise tous ses bijoux de A à Z : design, production, photographie… Même la soudure, qu’elle a apprise en regardant des tutoriels sur Internet, se fait sur la table du salon ! Chacune de ses pièces est unique, puisque confectionnée à la main. Et lorsqu’elle rentre à Paris, la créatrice ramène des estampes des années 1800 pour ses pendentifs.
Une histoire de persévérance et de discipline
« J’ai toujours eu envie de me lancer, mais je n’ai jamais eu assez de temps et d’opportunités. Je suis mère célibataire, précise Sandrine. J’ai élevé ma fille toute seule ». Finalement, tout se met en place naturellement. La chaîne de magasins Anthropologie passe une commande sur son site web, ce qui lui permet d’accéder à la plateforme Faire, pour les créateurs et les artisans. Mais le succès n’est pas immédiat pour autant. « Au début, j’avais une commande par-ci, une commande par-là », explique-t-elle. Pour vivre confortablement à New York, c’est loin d’être suffisant. « J’ai repris la même vie que quand je suis arrivée à 20 ans, je faisais plein de petits boulots. C’est ce que j’ai dû faire pour survivre. Mais la persévérance marche ! ». Car en février 2023, par quelque mystère de l’algorithme, les commandes sur Faire explosent. « Je suis fière de moi. Je n’ai pas laissé tomber, et aujourd’hui, j’en suis à 369 boutiques ».
Même si ça marche fort, la créatrice tient toujours à réaliser toutes ses pièces elle-même, quitte à continuer à produire en quantité limitée. « Je ne sais pas si je veux plus de commandes, expose-t-elle calmement. Je ne veux pas perdre la qualité de mon produit, je suis super maniaque ». Face au succès de sa petite entreprise, cette acharnée de travail espère simplement un meilleur équilibre : « L’année dernière, j’ai travaillé 7 jours sur 7. Si je peux conserver ce que j’ai en ayant un jour off, je serais super heureuse ».