En 2025, la Nuit de la Solidarité recensait 3.507 personnes sans solution d’hébergement à Paris, dont 380 dans le 19e arrondissement. C’est dans ce quartier qu’Ashley Arnold, qui n’est pas française et ne parle presque pas la langue, va à la rencontre de ceux qu’on oublie et à qui l’on dit souvent « non » : les sans-abris, les sans-papiers, les sans-voix. Par conviction, par empathie, et parce qu’elle ne supporte pas de détourner les yeux.


Pas de micro, pas de flash. Entre le béton froid et les regards fuyants, Ashley Arnold distribue repas et sourires aux sans-abris du 19e arrondissement de Paris. Américaine d’origine, Parisienne de cœur, elle arpente les pavés de la Villette, au milieu des tentes serrées et des ombres que la ville évite.
Aux États-Unis, elle avait déjà le cœur sur la main
Ashley Arnold n’a pas attendu Paris pour tendre la main. Déjà, aux États-Unis, elle distribuait de la nourriture aux sans-abris dans les rues américaines. « Je viens de Dalton, une ville en Géorgie. Là-bas, tout le monde prend soin les uns des autres », explique Ashley Arnold. « J’ai toujours été empathique, dit-elle simplement. Aux États-Unis, je venais en aide à un homme qui avait perdu sa femme et ses enfants. Il vivait dans la rue et buvait beaucoup. Je lui déposais des burritos », raconte-t-elle.
Installée à Paris depuis trois ans avec son fiancé, elle découvre dans le 19e arrondissement, une réalité qu’elle ne peut ignorer : des tentes collées les unes aux autres près du canal et sous les ponts, des matelas trempés et des visages marqués par le froid. Pour elle, impossible de détourner les yeux. « Je ne pouvais pas me contenter de passer à côté. Je devais faire quelque chose », dit-elle.

Son engagement est aussi nourri par des blessures personnelles et une colère profonde : « Mes enfants, restés aux États-Unis, me manquaient énormément. Je souffrais d’une dépression chronique. Et puis il y avait Gaza. Les crimes de guerre, les images de famine. Ça me rendait malade. Je ne pouvais pas y aller, mais je me suis dit : ‘ici, je peux faire quelque chose’ ».
Quelques chiffres...
Si le nombre de personnes sans-abri a diminué au cours de la crise sanitaire, il augmente de nouveau depuis 2023, d’après la Ville de Paris. Un total de 3.507 personnes sans-abri à Paris ont été décomptées lors de la Nuit de la Solidarité, du 23 au 24 janvier 2025. Sur ces 3.507 personnes, 14% sont des femmes et 86% des hommes.
Ashley Arnold : du beurre de cacahuète et du cœur
Dans son chariot de courses, il y a toujours une bouteille d’eau, un sandwich au Nutella et un autre au beurre de cacahuète et à la confiture. Un clin d’œil à son enfance américaine : « C’est ce que je mangeais quand j’étais petite. », raconte-elle, « Ma famille ne roulait pas sur l’or, alors mon papa nous faisait des sandwiches au beurre de cacahuète et à la confiture ».
Ashley Arnold ne parle presque pas français. Pour se faire comprendre, elle garde dans sa poche un petit papier soigneusement plié. Dessus, quelques phrases en français : Tu as faim ?, As-tu mangé aujourd’hui ?, Tu veux un sandwich au Nutella ?. Et juste en dessous, la prononciation, écrite à la main. Une sorte de lexique de secours, bricolé avec tendresse. C’est peu, mais ça suffit à établir un lien.
Sur Tiktok, Ashley Arnold partage quelques vidéos. Pas pour attirer les vues, mais pour témoigner. Elle filme un jour de distribution sous la grêle, mais ce sont les jours de pluie qu’elle préfère « parce qu’ils [les sans-abris] sont généralement dans les tentes et je suis certaine de ne pas les manquer », raconte-t-elle.
Son projet est personnel, mais porteur d’un message plus large : « Les réseaux sociaux nous rendent de plus en plus froids, ignorants et obsédés par nos identités en ligne plutôt que par la réalité ». Elle s’inquiète du monde actuel, saturé d’images choquantes qui finissent par nous anesthésier : « On passe d’une vidéo de tenue du jour à une autre montrant une famille affamée sous les bombes. À force de voir défiler ces horreurs, le monde devient insensible. Moi, je refuse de perdre mon humanité dans un monde trop à l’aise avec la souffrance des autres ».
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