NERUDA - La fugue du poète

Pour cette rentrée, Grégory Rateau vous propose une plongée décalée et fantasmagorique sur les traces du plus grand poète chilien, Pablo Neruda. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, «Neruda» est construit comme un film policier: un fugitif, Pablo Neruda, est traqué par un policier borné qui ne renoncera à l’enfermer qu’une fois la poète mort et enterré. Pablo Larrain prend cette intrigue comme prétexte pour nous faire goûter à plusieurs facettes de la personnalité du grand héros national chilien, joué par un acteur débordant de vie, Luis Gnecco. Fiction ou réalité? Le mystère reste entier.

On pourrait croire à un biopic mais on serait alors très loin de l’aventure rocambolesque qui nous attend ici. Après «Jackie» réalisé aux États-Unis, avec Nathalie Portman dans le rôle titre, Pablo Larrain revient chez lui, au Chili, pour réaliser un film avec une plus grande liberté de ton et de style. La figure du poète y est malmenée, montré comme un jouisseur qui se prélasse dans des banquets orgiaques pendant que son peuple crève de faim et de désespoir. On comprend rapidement que ce portrait brossé à l’encre noire n’est en réalité que les projections fantasmées du policier qui traque le poète, un personnage terne joué par Gael García Bernal et qui ne rêve que d’une chose, passer au premier plan de l’intrigue, avoir son nom en lettres de feu sur l’affiche. Il est le narrateur, celui qui nous révèle des éléments de la vie du poète, qui doit vivre dans la clandestinité en Argentine durant la fin des années 40 suite à l’arrestation de tous les communistes et syndicalistes chiliens ordonnée par le gouvernement de droite dirigé par Gabriel Gonzales Videla. Petit à petit, nous commençons à douter de son existence, ce policier qui ne lâche rien, n’est peut-être dans le fond, qu'un archétype, destiné à nourrir les propres fantasmes de Neruda et donner ainsi un sens à sa fuite. On pense au chef-d’œuvre de Welles, Citizen Kane, dans lequel la vie d’un homme est souvent morcelée, tiraillée entre les différentes subjectivités, les mensonges, et les fantasmes de ceux qui l’on connu de près ou de loin. Pour se rapprocher de ce qu'a pu être l'homme qui se cache derrière l'artiste, ou du moins le comprendre, il faut peut-être simplement s’en référer à son œuvre.



Cinema Elvire Popesco, București

Dimanche, 03 Septembre 2017 / 14:30

Lundi, 04 Septembre 2017 / 20:45


2017 (1h 48min)
De Pablo Larraín
Avec Luis Gnecco, Gael García Bernal, Mercedes Morán
Genres Drame, Biopic, Policier
Nationalités chilien, argentin, français, espagnol, américain


Critiques:

Transfuge: «Dans des décors grandioses, au rythme d'une cavalcade de panoramiques, Larrain réinsuffle leur force révolutionnaire aux mots du poète. (...) Immense.»

Cahiers du Cinéma: «"Neruda" dote le biopic d’une réjouissante approche carnavalesque du genre, où la question de la véracité des faits devient soudainement bien secondaire, devant le plaisir presque enfantin manifesté par la mise en scène.»

La Croix: «Le portrait de Neruda par Pablo Larrain est fascinant parce qu’il se permet de démonter le mythe, le montrant narcissique, égoïste, tyrannique, roué, arrogant, avant de finir impérial en son exil parisien quand l’écrivain proscrit goûte aux fruits de la légende que cette traque a consolidée.»

Synopsis:

1948, la Guerre Froide s’est propagée jusqu’au Chili. Au Congrès, le sénateur Pablo Neruda critique ouvertement le gouvernement. Le président Videla demande alors sa destitution et confie au redoutable inspecteur Óscar Peluchonneau le soin de procéder à l’arrestation du poète. Neruda et son épouse, la peintre Delia del Carril, échouent à quitter le pays et sont alors dans l’obligation de se cacher. Il joue avec l’inspecteur, laisse volontairement des indices pour rendre cette traque encore plus dangereuse et plus intime. Dans ce jeu du chat et de la souris, Neruda voit l’occasion de se réinventer et de devenir à la fois un symbole pour la liberté et une légende littéraire