Être torero nécessite une concentration absolue, physique et mentale. Le risque de la blessure, du coup fatal, est omniprésent. Si on nait torero, de l'avis de Marie Aguila de Domecq, psychopatricienne, le torero n'est pas sans peurs. C'est là que cette ?aficionada? de la tauromachie rentre dans l'arène. Spécialisée dans la préparation des toreros, à cheval entre la France et l'Espagne, Marie Aguila de Domecq à fondé sa petite entreprise, Emocional Mente consulting.
(Photo lepetitjournal.com)
Derrière le torero, le costume et les paillettes, il existe un métier de l'ombre, celui du préparateur mental. Partie cachée de l'iceberg, il est pourtant indispensable pour le torero bloqué par l'échec, dans le doute, ou tout simplement se préparant à une date importante. Indispensable aussi face au risque de vie et de mort. Accompagner psychologiquement les toreros, leur apprendre comment gérer stress et émotions, être présente, les conseiller dans leur quotidien, c'est le rôle de Marie Aguila de Domecq. Son objectif : ?optimiser l'état psychologique du torero pour améliorer sa performance?.
Si elle utilise des outils du coaching, elle insiste, elle n'est pas coach : ?le coach ne soigne pas?. Elle si. Pour ce faire, la veuve du grand éleveur de taureaux Juan Pedro Domecq, prépare les toreros jusqu'à dans leurs habitudes alimentaires et leur sommeil. Un métier comme on n'en trouve pas à chaque coin de rue. Plus qu'un investissement professionnel, une passion de toujours. Si elle ne vient pourtant pas d'un milieu taurin, cette Française, née en Algérie et d'origine andalouse, s'est amourachée de la tauromachie ?depuis toute petite?. Après avoir photographié cet univers qu'elle connait par c?ur au point même d'avoir déjà elle-même toréé, elle est donc aujourd'hui officiellement préparateur de toreros. Et dans ce métier à risque, ce sont des hommes ?à la fois artistes et athlètes de haut niveau? qu'elle côtoie. Pour eux, pour son amour de la tauromachie, partie intégrante d'elle-même, elle a ?voulu aider ceux qui se risquent à vivre, à vivre leur passion?.
Préparation mentale : un combat contre la peur
A première vue, pas facile de comprendre ce qui se cache derrière la casquette de préparateur de toreros. Au travers des mots de Marie Aguila de Domecq tout devient plus clair. La préparation mentale passe par deux phases, ?suivre le torero pour lui permettre d'avoir une attitude intérieure favorable d'une part, et la préparation mentale pure, le contrôle émotionnel d'autre part?. En bref, permettre de ?ne pas être parasité par ses émotions?. Car oui, si l'on en doutait, ?tous les toreros ont peur?. Et ce, même s'ils sont dans un monde où ?on n'a pas le droit de dire qu'on a peur?. ?Et puis, ils jouent leur vie tous les jours à 17h", ajouté la spécialiste, "toréer c'est physiquement très dur et moralement très éprouvant? tient-elle à préciser. Plus qu'une peur généralisée, Marie Aguila de Domecq affirme que les toreros sont animés par des peurs plurielles : ?la pression, le stress, la responsabilité, le poids de bien faire, de réussir leur carrière?.
Le combat de la préparatrice, indissociable de celui des toreros, est donc de lutter contre ce poids psychologique du stress qui impacte leur confiance en soi et leur motivation. Pour cela elle travaille sur la recherche du pourquoi, de ce qui bloque. Discussions ou activités pratiques, elle se rend jusqu'au campo pour suivre et aider ses patients. Etre trop affecté par ses émotions peut entraîner la perte de ?ses moyens, sa technique, sa concentration?, jusqu'à créer des crises de panique, explique la psychopraticienne. C'est sans équivoque, pour cette dernière ?le stress est un toxique? et la peur joue dangereusement sur l'état de santé. La gérer passe aussi par la gestion de sa respiration, explique-t-elle, ?c'est même fondamental : la respiration va leur permettre d'être plus relaxé et d'être plus concentré".
Le "maintenant" et "ici", à la recherche de l'instant présent
Pour les toreros, la recherche de l'instant présent est essentielle. Trop souvent en train de penser à leur précédent affrontement ou au futur à ne pas rater, il leur serait très difficile de se concentrer sur le ?maintenant et ici?. C'est pourtant c'est à cet instant, celui où ils se trouvent face à face avec le taureau, avec le risque aussi, qu'ils doivent être le plus présent. ?Je les aide à se concentrer sur l'instant présent à mobiliser leurs énergies et à développer l'auto-controle. C'est en étant dans une bonne gestion de soi même que le torero va pouvoir traiter les informations au moment venu et contrôler son anxiété et son stress, mais surtout sa prise de risque? affirme Marie Aguila de Domecq. Et si les toreros vont la voir, ce n'est justement pas parce qu'ils réussissent, mais bien parce qu'ils ont essuyé des échecs. Son objectif est alors de leur apprendre à gérer ces échecs pour aller de l'avant et leur permettre de retourner, sereins, dans l'arène. Plus qu'une préparation émotionnelle, le préparateur mental vient en appui au préparateur physique, dans le but de ?déprogrammer des mauvaises habitudes?. Parmi lesquelles le défaut d'?être toujours dans le futur, dans le ?et si'?.
S'ils s'appliquent parfaitement aux toreros, les conseils de Marie Aguila de Domecq s'appliquent aussi au citoyen ordinaire. De l'art de bien toréer, Marie Aguila de Domecq à fait un art de bien vivre, voire une philosophie de vie. Spécialisée en nutrition orthomoléculaire, elle s'intéresse beaucoup à l'alimentation dite naturelle et aux compléments nutritionnels de même genre. Elle prône donc la nécessité de bien manger, mais aussi de bien dormir. Des choses simples et pourtant thérapeutiques selon elle. ?Un torero a tendance à avoir des idées obsessives et du coup il dort mal?. Il s'agit donc de donner les ?outils? pour éviter la blessure. Dans la vie de monsieur tout le monde, la gestion du stress est tout aussi fondamentale : à terme trop de stress peut se traduire par un burn-out affirme l'intéressée. Pour éviter le déséquilibre émotionnel la préparatrice n'a donc qu'un seul conseil, ?faire de sa vie un essentiel quotidien?. C'est d'ailleurs pour aider ses patients, toreros ou pas, ?à retrouver le chemin de [leur] désir? qu'elle fait ce métier.
Laura LAVENNE (www.lepetitjournal.com ? Espagne) jeudi 20 mars 2014
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