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Laurence Ligier : “il n’y a pas et n’y aura jamais d’impunité pour les pédocriminels”

Aux Philippines, une tragédie silencieuse frappe près de sept millions d’enfants chaque année : les violences sexuelles. Pour lutter contre un tel fléau, l’association CAMELEON offre un refuge et une seconde chance à des enfants brisés. À l’occasion de la Journée mondiale pour la prévention et la guérison de l’exploitation, des atteintes et des violences sexuelles visant les enfants le 18 novembre, lepetitjournal.com a échangé avec Laurence Ligier, fondatrice de l’association. Elle a détaillé les combats de CAMELEON pour lutter contre le pédocriminalité, expliquant “qu'il n’y a pas et n’y aura jamais d’impunité pour les pédocriminels”.

Photo d'une jeune fille de dos l'air tristePhoto d'une jeune fille de dos l'air triste
Écrit par Jean Bodéré
Publié le 25 novembre 2024

 

 

Si les Philippines sont souvent associées aux plages paradisiaques de sable blanc, la réalité du territoire est bien moins idyllique. Chaque année, un enfant sur cinq, soit près de sept millions d’entre eux, est victime de violences sexuelles dans le pays. Parmi eux, plus de 70% ont entre 10 et 18 ans et 80% subissent des cas d’inceste. Des chiffres alarmants qui cachent une réalité d’autant plus insidieuse que les abus sont souvent perpétrés dans le cadre familial, amplifiés par des tabous culturels et un silence alimenté par la honte et la peur de la stigmatisation.

 

Pour lutter contre un tel fléau, Laurence Ligier fonde en 1997 l’association CAMELEON qui œuvre chaque jour pour redonner une voix, une dignité et un avenir à de jeunes filles victimes de violences sexuelles. Cinq ans plus tôt, Laurence Ligier est âgée de 19 ans et quitte la France pour une mission humanitaire aux Philippines. Un voyage qu’elle pensait temporaire mais qui a changé sa vie et celle de centaines d’enfants après avoir constaté l’atrocité des violences sexuelles infantiles.

 

 

Photo de Laurence Ligier fondatrice de CAMELEON
Laurence Ligier - crédit : CAMELEON


 

 

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CAMELEON donne une seconde chance aux “survivants”

Elle fonde donc son association CAMELEON, un nom qui, selon elle, « incarne notre mission ». « Comme le caméléon qui s’adapte à son environnement, nous aidons les enfants à se transformer physiquement et moralement, en passant de l’exclusion à un avenir meilleur », explique Laurence. Elle reste 11 ans sur le terrain pour poser les fondations de son association, avant de revenir en France en 2004 pour étendre la mission en Europe. Sa conviction est simple : aux Philippines ou en France, les violences sexuelles infantiles constituent une urgence universelle « dans un monde où elles sont banalisées, taboues, rarement punies, nourries par la culture du silence liée à l’ignorance, la peur, la honte ou le déni ».  

« Aux Philippines comme en France, notre approche est globale, centrée sur les enfants » selon Laurence Ligier qui explique que « le changement se fait par eux, pour eux et autour d’eux ». Pour cela, CAMELEON collabore « avec leurs familles et les acteurs locaux, pour que ce changement soit durable ». L’association offre un refuge aux « survivants » au sein de maisons d’accueil. Les jeunes enfants, parfois « dès l’âge de 5 ans », retrouvent un espace sécurisé pour se reconstruire et entamer une nouvelle vie. L’approche intègre « des soins médicaux, un soutien psychologique, une assistance juridique, une éducation, des formations professionnelles et des activités thérapeutiques originales comme le cirque social ou la médiation par l’animal » poursuit la fondatrice.

 

 

 

 

 

 

Antonnette : de survivante à défenseuse des droits de l’enfant

Le parcours d’Antonnette illustre justement le travail fondamental de CAMELEON aux Philippines. Victime et « survivante de violences sexuelles » dans son enfance, la petite fille est prise en charge par l’association dès l’âge de 9 ans. « Depuis plus de 16 ans, CAMELEON est ma famille et mon guide » explique la jeune femme aujourd’hui âgée de 25 ans. « CAMELEON m'a donné une seconde chance dans la vie, en me permettant de guérir, de grandir et de trouver ma voix » poursuit-elle. Antonnette est toujours membre de l’association mais « en tant que chargée de prévention et plaidoyer ». Son but est dorénavant de « rendre la pareille pour donner des moyens d'action à d'autres survivants de violences sexuelles ». Celle qui est « passée d'une jeune fille pleine de silence à une défenseuse des droits de l'Enfant » se bat aujourd’hui « pour que les choses changent dans mon pays et que les droits des enfants soient protégés ».

 

 

 

Une photo d'Antonette de l'association CAMELEON
Antonette - Crédit : CAMELEON

 

 

 

 

Rico : ambassadeur de la résilience pour CAMELEON

Rico, 21 ans, est lui aussi membre de CAMELEON depuis près de quatre ans. D’abord en tant que jeune parrainé avant de devenir « Jeune Ambassadeur de la santé ». Sa transformation est tout aussi frappante puisqu’avant « parler en public me terrifiait » explique-t-il. « Aujourd’hui, grâce à la formation et au soutien de CAMELEON, je défends les droits de l’enfant dans les communautés rurales ». « Chaque intervention de prévention est une opportunité de grandir et de contribuer au changement » confie le jeune philippin. Il définit son parcours comme « une vie en dents de scie, où je monte quand j'apprends quelque chose et où je descends quand j'ai besoin d'en apprendre davantage » mais où il a « apprécié chaque instant ».

 

 

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Rico fait passer un message à toutes les victimes d’abus : « À tous ceux qui sont confrontés à des défis, rappelez-vous que la vie n'est pas toujours facile, mais que la résilience et l'ouverture d'esprit vous aideront à trouver le bon chemin. CAMELEON est plus qu'une organisation, c'est un lieu où les jeunes peuvent grandir, apprendre et avoir un impact positif, en travaillant pour un avenir sans violence ».

 

 

 

Photo de deux enfants heureux qui jouent

 

 

 

L’affaire du graphiste d’animation français condamné à 25 ans de prison Laurence Ligier insiste aussi sur le scandale du graphiste d’animation français, jugé en novembre 2024 pour avoir commandé des shows sexuels d’enfants philippins en live-streaming. Alors qu’elle est membre du Conseil d’Administration de La Voix de l’Enfant, qui s’est portée partie civile dans le procès, l’affaire marque « un tournant juridique et sociétal majeur » selon elle. « Pour la première fois en France, un tel dossier, mêlant violences en ligne et hors ligne, a été porté devant une Cour d’Assise ». Elle estime que « la condamnation à 25 ans permet désormais de pointer du doigt la responsabilité des commanditaires de viols qui encourent, pour complicité de viol, autant que les auteurs des viols eux-mêmes ». Elle estime que la condamnation va agir comme « un message fort à l’attention des pédocriminels » et « qu’il n’y a pas et n’y aura jamais d’impunité ».  

 

 

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CAMELEON, un acteur majeur auprès des institutions

Depuis sa création, CAMELEON a aidé des centaines de jeunes enfants à retrouver espoir et dignité. Mais l’impact de l’association dépasse les individus : elle sensibilise les communautés, collabore avec les autorités locales et plaide pour des réformes. Ainsi, l’association a contribué au relèvement de l’âge de la majorité sexuelle, récemment passé de 12 à 16 ans aux Philippines. Une action qui témoigne de l’influence de l'organisme sur le territoire mais qui agit aussi en France en multipliant les actions de préventions, de sensibilisation et de plaidoyer à travers l’Hexagone. « CAMELEON innove sans cesse notamment en documentant nos méthodologies pour les partager avec d’autres », souligne Laurence Ligier qui souhaite saisir « l’opportunité pour l’association d’être la voix des victimes ».

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