Chef autodidacte et confirmé, à 28 ans Julien Sebbag est déjà à la tête de deux restaurants à Paris et prévoit deux nouvelles ouvertures à la rentrée. Talentueux, sensible et passionné, le jeune chef épate autant qu'il intrigue. Personnalité montante d’une jeune génération de chefs engagés, Julien Sebbag pense sa cuisine et ses restaurants avec une forte sensibilité à l’éco-responsabilité - des circuits courts aux produits saisonniers, locaux - jusqu’à l’antigaspi et aux bien-être de ses équipes. Questions-réponses avec un chef engagé qui compte bien sensibiliser ses publics aux valeurs qui lui tiennent à cœur.
Quelles sont tes actions quotidiennes pour une cuisine responsable ?
Comme beaucoup de jeunes chefs de ma génération, nous essayons de prendre le maximum de mesures anti-gaspillage : en utilisant l'intégralité du produit sélectionné par exemple, ou en ré-utilisant au maximum les chutes pour les repas d'équipe. Au quotidien, je privilégie toujours les circuits courts, le saisonnier et le local. En fait, ce sont des actions qui deviennent de plus en plus logiques et répandues. C'est tellement encourageant ! Certains chefs se sentent très concernés par la condition dramatique des petits producteurs, et c’est évidemment consternant. Mais personnellement, ce qui me rend malade, c'est le manque de respect des industriels face au consommateur. Ils se cachent derrière des labels et du marketing bien ficelé, nous vendent des produits transformés, bourrés de conservateurs, de pesticides et d'autres produits beaucoup trop mauvais pour notre corps.
Quelles ont été tes prises de conscience sur le sujet ?
Comme tout le monde je crois, je prends conscience des choses petit à petit. Cela fait 5 ans que je me questionne vraiment sur ce que j'ingurgite. J'ai d'ailleurs écrit mon mémoire de fin d'étude là-dessus « Les stratégies face aux défis causés par les mutations alimentaires », disponible sur mon site jecuisinecheztoi.com. La consommation de produits de saison, c'est venu plus tard. Depuis deux ans environ. Et je le fais comme un jeu, c'est ludique. J'adore ça, je ne me lasse jamais des fruits et légumes et je suis toujours content de les retrouver.
Qu'est-ce qui différencie ta génération de chefs et les anciennes générations ?
Le bien-être au travail, et donc en cuisine. C'est une priorité pour moi. Je récupère beaucoup de cuisiniers qui ont perdu l'amour de la cuisine, ou leur confiance en eux. Je dénonce la dictature des chefs et le fait qu'ils ferment les yeux sur une compétitivité mal placée et intensive de leurs équipes.
En plus de chez OIM et créatures, tu ouvres deux nouveaux restaurants à la rentrée. Quelle est ta démarche dans le processus de création d'un restaurant ?
Quand on me propose un projet, tout est une question de timing. Chez Oim, j’ai voulu surprendre. Ce projet est un ovni, un restaurant ouvert une fois par semaine et caché à l’étage d’un club de rock où tout le monde finit par danser sur les tables. J'étais jeune, je voulais faire la fête je pense.
Créatures, j'étais à fond sur les légumes et le bazar. Je voulais de la couleur partout, une playlist du monde, des objets bizarres, des légumes vivants.
Tortuga - mon prochain restaurant - je suis dans une démarche plus mature et plus à mon image. J'ai envie de raffinement, de me poser et de prendre le temps, sur un fond de jazz. Travailler et respecter le poisson, le comprendre, apprendre ses saisons de reproduction et sa conservation. Le lieu s'y prête aussi, avec une attention toute particulière donnée au design et à la direction artistique, sur l'un des plus beaux toits de Paris. Je pense que chaque restaurant est une étape de vie, un peu comme une relation amoureuse. Mais elle se vit à fond et elle reflète qui tu es à un instant-T. Ce qui est certain, c'est que rien n'est jamais laissé au hasard !