Les Espagnols se détournent du tabac et des soirées arrosées, mais fument toujours plus de cannabis ! C’est ce qui ressort de la récente enquête EDADES 2024, menée par le ministère de la santé. Décryptage.
Des soirées plus sages et des cendriers moins remplis ? L’Espagne semble emprunter le chemin de la modération, à quelques exceptions près. L’enquête EDADES 2024, dévoilée par le ministère de la santé, documente les substances les plus consommées cette année dans le pays. Elle dresse un tableau contrasté : des progrès notables dans la réduction du tabac et des hypnosédatifs, mais aussi des préoccupations tenaces, comme l’accès facile aux drogues et une tolérance persistante envers l’alcool. Entre avancées et obstacles, la lutte contre les addictions n’a rien d’un sprint, mais tout d’un marathon sur terrain accidenté.
Tabac et alcool : les Espagnols disent adieu aux excès
Les chiffres ne mentent pas : en Espagne, le tabac et les soirées trop arrosées commencent à perdre de leur attrait. La consommation occasionnelle de cigarettes a chuté de 2,2 points depuis 2022, et celle des hypnosédatifs, ces petites pilules convoitées pour “calmer les esprits”, a reculé de 1,1 point. Même les excès d’alcool sont en baisse : seulement 14,7% des sondés avouent s’être enivrés en 2024, contre 16,7% il y a deux ans.
La consommation d'alcool chez les jeunes en hausse depuis 2021 en Espagne
Du côté des fumeurs quotidiens, l’heure est aussi à la remise en question : 67,7% disent envisager sérieusement de tirer leur dernière bouffée. Les campagnes de sensibilisation et les politiques publiques semblent éveiller une prise de conscience collective.
Parmi les substances les plus consommées ces 12 derniers mois, l’alcool arrive en tête (76,5%), suivi du tabac (36,8%), du cannabis (12,6%) et des hypnosédatifs, avec ou sans ordonnance (12,0%). La consommation de cocaïne en poudre ou en base est beaucoup plus faible (2,5%), et encore moindre pour d’autres substances.
Le cannabis reste roi en Espagne
En revanche, le cannabis, lui, continue de tracer sa route dans les habitudes des Espagnols. L’enquête EDADES 2024 montre une hausse de sa consommation occasionnelle. Preuve que cette plante verte, interdite dans les lieux publics mais autorisée dans la sphère privée sous certaines conditions, conserve une place de choix dans les esprits, et parfois dans les poches, avec un âge moyen de première bouffée à 18,4 ans.
Et malgré les efforts pour restreindre leur circulation, les substances sont presque aussi faciles à obtenir qu’une pizza livrée à domicile : 59 % des sondés pensent pouvoir s’en procurer en moins de 24 heures, contre 40,6 % pour la cocaïne.
Les habitudes de consommation diffèrent selon l’âge et le sexe. Les 15-34 ans dominent dans l’usage du tabac, de l’alcool et du cannabis, tandis que les hypnosédatifs et les analgésiques opioïdes sont plus courants après 35 ans. Les hommes consomment globalement davantage, sauf pour les médicaments “addictifs”, où les femmes sont majoritaires.
Campagnes de prévention : mieux comprendre les perceptions pour agir
Quand il s'agit de flairer le danger, les femmes semblent aussi avoir meilleur instinct que les hommes sur le terrain des substances. L’enquête EDADES 2024 montre que ces dernières perçoivent mieux les risques liés au tabac, aux drogues et même aux médicaments addictifs. Mais dès qu’on parle d’alcool, tout le monde relâche sa vigilance : “socialement acceptable”, il reste curieusement épargné par les signaux d’alerte. Une normalisation qui rend les efforts de prévention plus complexes.
Si les chiffres de l’enquête EDADES 2024 témoignent de progrès encourageants, ils rappellent aussi que la lutte contre les addictions est un défi de longue haleine. Pour transformer ces tendances en victoire durable, l’Espagne devra intensifier ses efforts de sensibilisation, mieux cibler les comportements à risque et remettre en question certaines normes culturelles, comme celle de l’alcool. Le marathon continue.