Pour la première fois de son histoire, l’Espagne a dépassé les 25 millions de personnes actives. Un record porté par la création d’emplois et l’apport décisif de l’immigration. Derrière cette performance, le pays continue toutefois d’afficher l’une des plus faibles taux d’activité de l’Union européenne, révélant des fragilités structurelles persistantes.


L’Espagne vient de franchir un cap sur son marché du travail. D’après le dernier rapport El mercado de trabajo en 50 titulares, publié par Randstad Research à partir des données de l’INE et des ministères concernés, la population active a dépassé pour la première fois les 25 millions de personnes au troisième trimestre 2025.
Dans le même temps, l’emploi a atteint un niveau inédit, avec 22,4 millions de personnes en activité, soit 564.000 de plus en un an. Salariés comme travailleurs indépendants ont contribué à cette progression, qui témoigne d’une conjoncture économique globalement favorable.
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L’emploi en Espagne, une croissance largement importée
Cette progression doit beaucoup à l’apport de la population étrangère. En Espagne, 16 % des personnes en emploi sont aujourd’hui de nationalité étrangère, tandis que 6 % disposent d’une double nationalité. Au total, 3,52 millions de travailleurs étrangers participent désormais au marché du travail, un chiffre en augmentation continue.
« Cette croissance de l’emploi serait impossible sans la contribution des travailleurs venus de l’étranger », souligne Valentín Bote, directeur de Randstad Research. Un constat qui confirme le rôle structurel de l’immigration dans le dynamisme économique du pays et dans la couverture des besoins de main-d’œuvre de nombreux secteurs.
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Moins de chômage, des perspectives positives pour 2026
La création d’emplois s’est traduite par un net reflux du chômage. Fin septembre 2025, le taux de chômage s’établissait à 10,45 %, contre 11,2 % un an plus tôt, tandis que l’affiliation à la Sécurité sociale progressait de 2,35 % sur un an.
Les perspectives pour 2026 restent favorables : Randstad Research anticipe une population occupée moyenne de 22,67 millions de personnes (+2,1 %) et un taux de chômage ramené à 10,2 %. Autre indicateur encourageant, la taux de temporalité est tombée à 15,6 %, un plus bas historique, malgré un écart toujours marqué entre secteur public et privé.
Le tableau est plus nuancé côté salaires, avec un ralentissement des hausses négociées, limitées à 3,3 % en septembre, en recul par rapport à l’an dernier.
Inégalités sociales, un défi majeur aux multiples visages
Seniors et femmes, grands absents du marché du travail
Derrière ces bons résultats, une fragilité persiste. L’Espagne continue de se distinguer en Europe par une taux d’activité particulièrement bas, limité à 59,3 % en septembre 2025, l’un des niveaux les plus faibles de l’Union européenne.
Cette faiblesse tient en grande partie à la faible présence des plus de 55 ans sur le marché du travail, souvent poussés vers la préretraite ou une sortie anticipée de l’emploi, ainsi qu’à une participation féminine encore insuffisante, surtout après 50 ans. L’écart entre hommes et femmes demeure significatif, avec 9,4 points de différence en faveur des premiers.
Le tableau s’améliore toutefois lorsqu’on se limite à la tranche d’âge des 15-64 ans : la taux d’activité grimpe alors à 75 %, un niveau proche de la moyenne européenne. L’Espagne fait mieux que l’Italie et se situe dans des ordres de grandeur comparables à ceux de la France, mais reste nettement en retrait par rapport à l’Allemagne.
La formation, levier clé de participation : le rapport met enfin en évidence le rôle déterminant de la formation. La taux d’activité grimpe à 77,9 % chez les diplômés universitaires et à 72,5 % chez les titulaires de formation professionnelle, bien au-dessus de la moyenne nationale. Un indicateur qui souligne l’importance des politiques de formation et de qualification pour renforcer durablement la participation au marché du travail.
En somme, l’Espagne aligne les records d’emploi et s’appuie largement sur l’apport de l’immigration pour soutenir sa croissance. Mais sous ces bons chiffres affleurent des fragilités plus anciennes : faible participation des seniors, inégalités persistantes entre femmes et hommes, qualité inégale de l’emploi. Autant de lignes de fracture qui diront, au-delà de la conjoncture, si le marché du travail espagnol est capable de transformer l’embellie actuelle en trajectoire durable.
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