Croissance soutenue, emploi record, tourisme florissant : l’économie espagnole fait figure d’exception en Europe. Mais le FMI tempère l’optimisme et appelle à des réformes profondes pour consolider un modèle menacé par la faiblesse de la productivité et la flambée du logement.


« L’économie espagnole a évolué de manière fantastique », s’est récemment enthousiasmé Alfred Kammer, directeur du département européen du FMI, lors d’une conférence à Washington. Depuis la capitale américaine, le responsable a brossé un portrait flatteur d’un pays devenu, presque à contre-courant du reste du continent, un moteur de croissance pour la zone euro.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une hausse du PIB proche de 3 %, un marché du travail en plein essor et des exportations de services en expansion. Car si le tourisme reste un pilier de l’économie espagnole, d’autres secteurs prennent de l’envergure. Les technologies de l’information et de la communication, notamment, s’affirment comme de nouveaux relais de croissance. Le FMI y voit le signe d’une économie en mutation, plus diversifiée, plus résiliente.
Autre pilier du miracle espagnol : l’emploi. La création soutenue de postes et l’apport de l’immigration ont permis de réduire le chômage, longtemps talon d’Achille du pays, tout en alimentant la demande intérieure. Mais derrière ces bons chiffres, le FMI identifie aussi des fragilités.
Croissance, emploi, déficit : l’Espagne confirme son rôle de locomotive en Europe
Derrière la croissance, les fragilités structurelles de l’économie espagnole
Kammer prévient d’un possible ralentissement à moyen terme et appelle à un « effort concerté » pour stimuler la productivité et renforcer la participation au marché du travail. Le FMI met en garde contre le risque d’un essoufflement dans un pays où la population vieillit rapidement.
« Nous devons concentrer les efforts sur les réformes structurelles », martèle Kammer, plaidant pour un budget « robuste » capable de soutenir des politiques publiques ambitieuses et d’assurer la consolidation des comptes. Autrement dit, transformer la réussite actuelle en croissance durable — et éviter que le feu d’artifice économique espagnol ne se transforme en feu de paille.
Crise du logement : l’autre talon d’Achille
Le FMI tire aussi la sonnette d’alarme sur un vieux mal espagnol : le logement. Comme de nombreux pays européens, l’Espagne fait face à une pénurie de logements abordables, particulièrement pour les jeunes. « Le manque de logements empêche les nouvelles générations de s’installer dans les zones à forte productivité, ce qui nuit à la société tout entière », avertit Kammer.
Flambée des loyers en Espagne : +10,3 % en un an, Madrid et Barcelone sous tension
Le constat est partagé par la Banque d’Espagne : il manquerait près de 700.000 logements pour rééquilibrer l’offre et la demande. En parallèle, les prix s’envolent. +12,7 % sur un an au deuxième trimestre, soit la plus forte hausse depuis près de vingt ans. Une flambée qui renforce les inégalités territoriales et éloigne les jeunes actifs des grands centres urbains où se concentrent pourtant les opportunités d’emploi.
Face à ce mur, le FMI appelle Madrid à agir sur l’offre. Relancer la construction, repenser la planification urbaine et remettre le logement social au cœur des politiques publiques. Une tâche ardue, dans un pays où la brique reste un symbole de réussite et un baromètre sensible de la confiance économique.
Le FMI prévient Madrid : croître, oui, mais durablement
L’institution internationale invite aussi Madrid à ne pas perdre de temps sur le terrain budgétaire. Anticiper l’ajustement, explique-t-elle, permettrait de renforcer la confiance des marchés et de créer un cercle vertueux. « Des taux d’intérêt plus bas favoriseraient l’investissement privé, moteur de croissance, qui lui-même générerait davantage de recettes fiscales », résume Alfred Kammer.
Le FMI voit dans l’Espagne un pilier de la zone euro — avec une croissance attendue de 2,9 % cette année, la plus forte du bloc. Mais il met en garde contre toute tentation d’autosatisfaction. Le pays a su capitaliser sur ses atouts : un marché du travail dynamique, un tourisme toujours robuste et une économie de plus en plus diversifiée.
Reste désormais à consolider ces acquis. « Le véritable défi de l’Espagne, conclut Kammer, n’est plus de croître, mais de le faire durablement. » Une phrase qui sonne comme un rappel à l’ordre amical : la réussite économique du pays ne se jouera pas sur la vitesse, mais sur l’endurance.
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