Édition internationale

L’absentéisme, ce mal structurel qui coûte 45 milliards d’euros par an à l’Espagne

Selon le dernier rapport de Randstad Research, la Cantabrie, les Canaries et le Pays basque concentrent les plus forts taux d’absentéisme au travail en Espagne au deuxième trimestre 2025. Un phénomène désormais structurel, qui prive chaque jour près d’1,6 million de salariés de leur poste et pèse lourdement sur l’économie espagnole.

femme employée espagnole en burn out assise sur une chaise en s'appuyant sur un ordinateur portablefemme employée espagnole en burn out assise sur une chaise en s'appuyant sur un ordinateur portable
@Andrea Piacquadio, Pexels.
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 28 octobre 2025, mis à jour le 29 octobre 2025

Oui, vous avez bien lu. Près de 1,6 million de salariés manquent chaque jour à l’appel. Derrière la reprise de l’emploi et la vitalité du marché du travail, l’absentéisme s’impose comme l’un des angles morts de l’économie espagnole.

Selon le Rapport sur l’absentéisme publié par Randstad Research, le taux national reste stable à 7 % au deuxième trimestre 2025. Parmi ces absents, plus de 1,2 million le sont pour cause d’incapacité temporaire liée à une maladie ou à un accident.

La Fondation Civismo parle d’un « phénomène massif, aux répercussions économiques et sociales profondes ». L’addition est lourde : plus de 45 milliards d’euros par an, soit 3 % du PIB — davantage que les budgets publics alloués à l’enseignement supérieur (1,2 %) ou à la recherche et développement (1,4 %). Un chiffre qui, à lui seul, dit tout du poids grandissant du mal-être au travail dans la machine économique espagnole.

 

Un tiers des employés en Espagne ne sont pas satisfaits de leur salaire

 

Cantabrie, Canaries, Pays basque : le triangle de l’absentéisme

Toutes les régions d’Espagne ne sont pas égales face à l’absentéisme. En haut du classement, la Cantabrie (9,2 %), les Canaries (8,8 %) et le Pays basque (8,6 %) concentrent les taux les plus élevés, suivies de près par la Galice (8,4 %) et les Asturies (8,1 %). À l’autre bout du spectre, les Baléares (5,6 %), La Rioja (6,0 %) et Madrid (6,2 %) affichent des chiffres nettement plus contenus.

 

les communautés autonomes avec le plus fort taux d'absentéisme par secteurs.
@Randstad Research / Les communautés autonomes avec le plus fort taux d'absentéisme par secteurs (2ème trimestre 2025).

 

Derrière ces écarts se cache une géographie économique bien connue : là où l’industrie pèse lourd et où les services publics dominent — santé, éducation, administration — les arrêts maladie ont tendance à être plus nombreux. À l’inverse, les territoires tournés vers le tourisme et les services privés, plus exposés à la saisonnalité mais aussi à la flexibilité, présentent des taux inférieurs. 



 

Les muscles fatigués de l’économie espagnole

L’analyse sectorielle montre que l’industrie reste en première ligne : avec 7,4 % d’absentéisme, elle dépasse la moyenne nationale et illustre la vulnérabilité des secteurs les plus physiques. 

La construction, elle, fait figure de bon élève avec 5,5 % d’absences — dont 4,6 % pour raisons médicales —, un niveau bas mais en légère remontée.

Les écarts deviennent vertigineux lorsqu’on entre dans le détail : les activités postales et de courrier atteignent un taux record de 12,1 % d’absentéisme, suivies des services aux bâtiments et du jardinage (11,5 %), puis de l’assistance en établissements résidentiels (10,7 %).

À l’inverse, les métiers du tertiaire — recrutement (3,0 %), programmation et conseil (3,6 %), juridique et comptabilité (3,7 %) — affichent une discipline presque exemplaire. Un contraste qui en dit long sur la fracture entre cols bleus et cols blancs, mais aussi sur les conditions de travail et la santé du tissu productif espagnol.

 

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Un coût qui pèse lourd sur la croissance en Espagne

Pour la Fondation Civismo, l’absentéisme n’est pas un simple indicateur social, mais un frein structurel à la productivité et à la compétitivité du pays. « Si rien n’est fait, l’Espagne continuera de supporter un coût macroéconomique supérieur à celui de la plupart de ses partenaires européens, réduisant sa marge budgétaire et aggravant son déficit de productivité », prévient l’organisation.

Derrière les pourcentages, se dessine un malaise plus profond : hausse des arrêts maladie, fatigue chronique, accidents professionnels et conditions de travail fragilisées alimentent une spirale bien installée. Peu à peu, l’absentéisme s’enracine dans l’économie espagnole, grignotant la croissance et lestant les finances publiques. Devenu endémique, il rappelle que la compétitivité d’un pays ne se mesure pas seulement en chiffres, mais aussi en bien-être au travail.

 

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