Édition internationale

Violences sexuelles en Espagne : femmes, enfants et une hausse qui inquiète

Près de 94 % des victimes de violences sexuelles en Espagne sont des femmes et des mineurs. C’est l’un des constats majeurs du Rapport sur les infractions contre la liberté sexuelle, publié par le ministère de l’Intérieur à partir des données de l’année 2024. Le document met également en lumière une autre réalité persistante : plus de 93 % des personnes mises en cause pour ces crimes sont des hommes.

affiche Metooaffiche Metoo
Photo : Lum3n, pexels.
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 15 décembre 2025

Agressions sexuelles en Espagne : des chiffres en forte augmentation

En 2024, 22.846 infractions contre la liberté sexuelle ont été enregistrées en Espagne. Cela représente une augmentation de 4,68 % par rapport à l’année précédente et un bond de 66 % depuis 2018, date à laquelle ce bilan annuel a commencé à être publié.

La majorité des faits recensés concernent des agressions sexuelles sans pénétration (59,85 %), tandis que les viols représentent près d’un quart des infractions (22,86 %). Une progression qui s’inscrit dans une tendance de fond, même si le ministère rappelle que ces chiffres ne reflètent pas l’ensemble des violences réellement commises, une partie restant non déclarée.

 

 

Féminicides en Espagne : l’avant et l’après Ana Orantes

 

 

Des victimes majoritairement féminines et très jeunes

Au total, 22.778 victimes ont été recensées en 2024. Plus de 85 % sont des femmes, et quatre victimes sur dix sont mineures. Près de 9.400 enfants et adolescents ont ainsi été touchés par des violences sexuelles au cours de l’année.

Les chiffres sont particulièrement préoccupants chez les plus jeunes : plus de 4.000 victimes avaient moins de 13 ans, et près de 7.000 avaient entre 18 et 30 ans, tranche d’âge la plus exposée en valeur absolue. Si les femmes restent largement majoritaires parmi les victimes, les garçons sont davantage concernés dans certains délits, notamment ceux visant spécifiquement les mineurs, comme la corruption de mineurs, le grooming ou la pornographie impliquant des enfants.

 

Une écrasante majorité d’hommes

Côté auteurs, 14.375 personnes ont été interpellées ou mises en cause pour des infractions sexuelles en 2024. 93,13 % sont des hommes, un déséquilibre observé dans toutes les tranches d’âge. Les jeunes adultes de 18 à 30 ans constituent le groupe le plus représenté parmi les agresseurs, suivis des 31-40 ans.

Les mineurs représentent désormais près d’un auteur sur dix. Chez les 14-17 ans, la proportion de jeunes filles mises en cause est plus élevée que dans les autres classes d’âge, même si ces situations restent très minoritaires et concernent surtout des faits d’exhibitionnisme ou de harcèlement.

 

L’inconnu, figure dominante

Contrairement à certaines idées reçues, près de trois quarts des agressions sexuelles sont commises par une personne sans lien identifié avec la victime. Les violences au sein du couple ou de l’ex-couple représentent 5 % des cas, tandis que les violences intrafamiliales atteignent 5,72 %, dont une part significative concerne des enfants.

Les agressions entre amis, dans le cadre professionnel ou scolaire existent, mais restent quantitativement moins nombreuses.

 

Quand et où se produisent les violences sexuelles

Le rapport met en évidence une forte saisonnalité, avec un pic des violences sexuelles en été et au début de l’automne.
Le domicile est le principal lieu de commission des faits (47 %), loin devant la voie publique, les installations diverses ou les établissements commerciaux.

Sur le plan géographique, Barcelone et Madrid concentrent le plus grand nombre d’infractions en valeur absolue, suivies de Valence, Alicante et les Baléares. Rapporté à la population, ce sont toutefois les îles Baléares, la Navarre et certaines provinces du nord et des Canaries qui affichent les taux les plus élevés.

Autre enseignement du rapport : 83,3 % des infractions sexuelles ont été élucidées en 2024, le taux le plus élevé jamais enregistré. Une amélioration que le ministère attribue à un meilleur suivi des plaintes et à des dispositifs d’enquête renforcés.

Les violences en groupe en recul : Enfin, les agressions sexuelles commises en groupe ont reculé pour la deuxième année consécutive. 552 faits ont été recensés en 2024, soit une baisse de plus de 10 % par rapport à l’année précédente. Un signal encourageant, même si le ministère de l’Intérieur reste prudent quant à l’installation durable de cette tendance.

 

 

Une réalité encore largement invisible

Le rapport rappelle toutefois une donnée essentielle : moins de 14 % des victimes de violences physiques ou sexuelles déposent plainte, selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne. Un chiffre qui souligne l’ampleur de la part invisible de ces violences et la difficulté à mesurer précisément leur évolution réelle.

En Espagne, où six filles de moins de 13 ans sont agressées sexuellement chaque jour, ces statistiques dessinent un constat sans appel : la violence sexuelle reste un phénomène massif, genré et profondément enraciné, touchant en premier lieu les femmes et les enfants.

 

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.