Les sites de rencontre en Espagne connaissent un usage massif et diversifié, mais avec des dynamiques et normes qui diffèrent nettement de celles observées en France. En 2025, un phénomène générationnel se dessine chez les jeunes utilisateurs qui, tout en étant très connectés, affichent une certaine lassitude et emploient des codes spécifiques.


Selon un rapport de l’EAE Business School paru en 2025, plus de 4 millions d’Espagnols utilisent régulièrement les sites et applications de rencontre. La majorité des utilisateurs se situe dans la tranche 28-43 ans, mais les plus de 50 ans représentent aussi une part significative, avec 41% d’entre eux déclarant swiper occasionnellement. Fait plus surprenant, 52% des personnes inscrites sont déjà en couple, illustrant un usage élargi au-delà de la simple recherche amoureuse, englobant curiosité, validation sociale et élargissement du cercle relationnel.
Tinder reste l’application reine en Espagne, avec 65% des utilisateurs, suivie de Badoo (31%) et Meetic (21%). Cependant, l’engagement quotidien révèle une place prépondérante d’OkCupid, Badoo et Bumble, soulignant une hausse de la fidélisation sur des plateformes proposant une expérience plus poussée en termes de compatibilité et sécurité.
Pourtant, ce succès numérique ne doit pas occulter la résistance à l’uniformisation culturelle : 71% des Espagnols préfèrent encore les rencontres traditionnelles en contexte social réel, lors de sorties entre amis ou d’événements collectifs, signe d’un attachement fort à la convivialité et à l’authenticité.
Salutation ou drague ? Les Espagnols jouent-ils vraiment de la passion ?
Normes culturelles espagnoles et différences majeures avec la France
L’Espagne se distingue par une approche plus sociale et collective des rencontres, avec une drague souvent décrite comme plus directe et coquette. Les sites ne sont pas uniquement des outils de recherche d’un partenaire exclusif, mais aussi des espaces où se tissent des réseaux sociaux plus larges. En France, au contraire, l’accent est plus mis sur la quête de la relation de couple traditionnelle via un échange plus individuel et ciblé en ligne.
La jeunesse espagnole, notamment, privilégie un usage moins utilitariste, appréciant des interactions souvent plus spontanées et moins dirigées exclusivement vers la mise en couple, marquant ainsi une différence générationnelle et culturelle importante entre les deux pays.
L’un des traits les plus marquants chez les jeunes utilisateurs (génération Z et jeunes millénials) est la fatigue vis-à-vis des applications. Ces utilisateurs dénoncent la superficialité, les profils peu sincères, le ghosting et un sentiment d’industrialisation des rencontres. Dans ce contexte, un phénomène particulier a émergé : certains inscrivent dans leur biographie la mention "No Guiris", refusant explicitement les touristes étrangers (« guiri » est un mot argotique désignant généralement les touristes européens ou nord-américains, perçus parfois comme envahissants dans les grandes villes et zones touristiques).
FOMO : la génération Z espagnole face à la tyrannie de la vie idéale
Ce rejet financier et social s’exprime comme une volonté de préserver l’authenticité culturelle et relationnelle, en excluant les rencontres de passage et privilégiant des interlocuteurs locaux, plus investis dans la vie de la région. Cette attitude témoigne du poids du contexte touristique et des réactions sociales vis-à-vis des transformations socio-économiques qu’il engendre.

Alternatives et innovations : le slow dating pour renouer le lien humain
Pour contrer la lassitude du swipe, certains jeunes espagnols se tournent vers des alternatives comme le « slow dating », une démarche invitant à renouer avec la rencontre concrète, le temps pris à dialoguer et à créer du lien sur plusieurs dimensions. Implanté notamment à Madrid, ce courant rassemble des jeunes souhaitant échapper à l’instantanéité digitale.
La soirée slow dating typique réunit une vingtaine de célibataires autour d’échanges à tête reposée, en groupe, valorisant la parole et la complicité. Ce format rencontre un succès grandissant au sein des 25-35 ans, qui y voient un bol d’oxygène relationnel face à la superficialité du numérique.
Répartition géographique et usages régionaux des sites de rencontre
L’usage des sites de rencontre varie fortement selon les régions d’Espagne, reflet des réalités socio-économiques locales. Le classement Spotahome de 2025 recense près de 15 millions de célibataires et pointe la concentration des utilisateurs dans des zones à forte densité urbaine et population jeune : Andalousie (3,87 M), Catalogne (3,53 M), Madrid (3,21 M), Communauté valencienne (2,19 M) et Galice (1,08 M).
À l’inverse, des régions telles que La Rioja, Ceuta ou Melilla affichent un recours beaucoup plus marginal aux applis. La cohorte des plus actives en matière d’applications se trouve notamment à Murcie, dans les îles Baléares et à Madrid, soulignant une dynamique régionale contrastée.
En Espagne, la rencontre en ligne illustre une hybridation fascinante entre la digitalisation des échanges et un profond ancrage dans des normes sociales traditionnelles. Les jeunes espagnols, tout en étant ultra-connectés, manifestent un rejet critique des pratiques superficielles, poussant à des formes nouvelles où prédomine l’authenticité.
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