Édition internationale

L’évolution du rapport à la religion en Espagne

L’Espagne, souvent perçue comme un bastion catholique, connaît aujourd’hui une évolution profonde de son rapport à la religion. La sécularisation progresse rapidement, notamment chez les jeunes, et s’inscrit dans un contexte où la laïcité espagnole diffère nettement du modèle français.

Une cathédrale à BarceloneUne cathédrale à Barcelone
Jorien van der Sluis, Unsplash
Écrit par Lisa Taleb
Publié le 6 novembre 2025, mis à jour le 10 novembre 2025

L’Espagne est historiquement perçue comme un pays catholique par excellence. Pourtant, les dynamiques contemporaines révèlent une évolution notable : selon les données de l’institut de sondage espagnol CIS en 2025, la proportion de catholiques pratiquants n’est plus que de 18,7%, alors que plus de 50% des Espagnols se définissent encore comme catholiques d’après leur appartenance culturelle ou familiale. Cette fracture entre identification culturelle et pratique religieuse est plus marquée que jamais, surtout quand on sait que le nombre de mariages religieux a chuté au point que, en 2023, on a compté plus de quatre mariages civils pour un mariage religieux. 

De plus, la participation aux sacrements traditionnels montre une baisse continue : le taux de baptêmes est passé de 99% en 1971 à environ 50% aujourd’hui. Le nombre de prêtres diminue également fortement, avec un âge moyen du clergé dépassant 65 ans, soulignant le défi de renouvellement auquel l’Église espagnole est confrontée. 

 

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Une jeunesse espagnole critique, souvent éloignée de la religion

Le phénomène de sécularisation se révèle encore plus fortement chez les jeunes. Une étude récente portant sur la jeunesse espagnole publiée en 2025 montre que seuls 32% des jeunes s’identifient encore comme catholiques, et seulement 8% pratiquent régulièrement. Selon un sondage mené auprès de près de 5.000 jeunes dans plusieurs pays, dont l’Espagne, en 2024-2025, une tendance à la redécouverte de la spiritualité existe, mais elle ne se traduit pas par une adhésion formelle à la religion organisée. 

 

de jeunes enfants de choeur espagnol chantant à la messe
@cottonbro studio, Pexels. / Même si l'Espagne reste un pays de tradition chrétienne, chez les jeunes Espagnols, la sécularisation s’accentue : peu se disent encore catholiques et pratiquants.

 

Les non-croyants, athées et agnostiques représentent désormais près de 49% des 18-24 ans en Espagne, indiquant une rupture générationnelle significative par rapport aux générations plus âgées. Ce recul coïncide aussi avec une moindre participation aux rites religieux traditionnels comme les mariages ou baptêmes, ainsi qu’avec une perception plus distanciée et critique de l’institution religieuse, souvent associée dans la mémoire collective au régime franquiste. 

 

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Différences majeures avec la France sur les normes religieuses

Comparée à la France, l’Espagne se distingue par une approche différente de la religion dans la sphère publique. Là où la France impose une laïcité stricte avec des lois interdisant les signes religieux ostensibles dans les écoles publiques, l’Espagne a un modèle de laïcité plus à la carte. La Constitution de 1978 garantit la séparation de l’Église et de l’État tout en maintenant une coopération étroite, notamment un financement public indirect de l’Église catholique. 

Cela se traduit par une acceptation plus large de la présence religieuse dans certains aspects de la vie publique espagnole, sans tensions comparables à celles françaises autour de la visibilité religieuse. La diversité religieuse, qui est plus visible en France notamment avec l’essor de l’islam, ne provoque pas les mêmes débats en Espagne où le catholicisme, même affaibli, demeure un référent culturel dominant.

 

Vers une société espagnole pluraliste et moins religieuse

L’Espagne illustre une transition profonde où la religion catholique voit son rôle social et culturel se redéfinir, surtout chez les jeunes générations. Si l’Église reste une force sociale et culturelle, notamment dans des événements tels que les Journées mondiales de la jeunesse où plus de 75.000 jeunes Espagnols participent activement en 2023, son influence quotidienne diminue. 

Un autre sondage mené en 2023-2025 confirme qu’en Espagne, le nombre de jeunes catholiques pratiquants est tombé à 18,7% tandis que la part de non-croyants atteint 29,1%, dépassant ainsi les pratiquants réguliers. Une autre statistique met en lumière la grande disparité régionale : en Catalogne, seulement 10,9% des habitants sont des catholiques pratiquants alors qu’en Rioja, cette proportion monte à 40%. 

Les tensions entre tradition catholique et modernité séculaire se ressentent aussi dans les débats politiques et sociaux, avec des voix critiques contre l’extrême droite et son instrumentalisation de la religion pour des fins électorales. 

Au final, le rapport à la religion en Espagne est un équilibre mouvant où tradition et modernité tentent de coexister, tandis que chez les jeunes, la tendance vers une sécularisation marquée et une recherche de spiritualité plus individualisée dessinent les contours d’une société en mutation.

 

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