Édition internationale

Vanessa Rousselot : "Valoriser l'honnêteté et générer l'empathie"

À peine mise à l'honneur, avec l'ensemble de l'équipe réalisatrice, par les prix Ondas au meilleur podcast 2025, pour sa participation à la série "De eso no se habla", dirigée par Isabel Caderas Cañon, la Parisienne Vanessa Rousselot, 44 ans, ne touche pas terre, ou presque : de retour du Liceu de Barcelone où elle est allée participer à la remise du Prix décerné par la Cadena SER, elle atterrit le lendemain à Madrid pour recevoir le Prix Art de vivre des Trophées des Français d'Espagne, remis par lepetitjournal.com.

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Écrit par Vincent GARNIER
Publié le 26 novembre 2025, mis à jour le 1 décembre 2025

Distinguée par le jury pour sa capacité à incarner l'excellence à l'international, via sa trajectoire audiovisuelle et le développement en Espagne, depuis 2017, du projet Diario Vivo, la réalisatrice a depuis l'origine mené une carrière où prime l'importance de "raconter des histoires pour mieux comprendre le monde qui nous entoure". 
 
Et c'est sans nul doute une curiosité pour l'au-delà et l'altérité qui motive dès l'origine une trajectoire résolument tournée hors du périph' parisien. Car Vanessa Rousselot est du genre à aller voir ailleurs si elle s'y trouve : elle le démontre dès son étape d'étudiante aux "Langues-O", au cours de laquelle elle décide de passer un an à Bethlehem, en Cisjordanie, pour perfectionner son niveau d'arabe. De ce séjour naît le projet de son premier documentaire, "Blague à part", où elle revient sur l'humour avec lequel les habitants des territoires occupés exorcisent un quotidien complexe et une situation politique et sociale (déjà) adverse. Entre écriture, tournage et recherche de fonds, il lui aura fallu 5 ans, de 2005 à 2010, pour réaliser ce premier film, tandis qu'en parallèle, elle acquiert une solide expérience comme réalisatrice au sein de maisons de production spécialisées dans le reportage télévisuel. "Les documentaires d'auteur sont toujours des processus assez longs", reconnaît-elle, "on ne peut pas se reposer uniquement sur ce travail pour dégager un salaire". 

 

Résidence à la Casa de Velázquez

C'est deux ans après cette première réalisation qu'elle débarque à Madrid, comme résidente de la Casa de Velázquez. On n'ira pas prétendre que ce 27 novembre, la remise au cours d'une cérémonie organisée au sein de la même institution, du Trophée des Français d'Espagne, vient boucler une quelconque boucle -elle honore en tous cas un parcours qui aura débuté en 2012 dans les jardins de la calle Paul Guinard et inscrit depuis 15 ans désormais, au sud des Pyrénées. "J'étais venue en Espagne lors d'un échange scolaire", se rappelle la lauréate. "C'est, hébergée dans la famille de ma correspondante, que j'ai découvert la réalité de ces assistantes souvent originaires d'Amérique latine, qui vivent 24h/24h dans la maison de leur employeur, loin de leurs propres familles souvent restées au pays. Ma venue à la Casa de Velázquez était motivée par la volonté de réaliser un documentaire sur les vies de ces femmes". Le documentaire voit le jour en 2015 : "En otra casa" ("Une autre maison" en VF) reçoit la même année le Prix Movistar + (du nom de l’entité acquéreuse de Canal+ en Espagne), voyage, est présenté dans de nombreux festivals et accorde à son auteure une véritable reconnaissance.

 

C'est le moment de se rappeler ce qu'était Gaza avant la destruction

Curieusement, ces deux premiers documentaires, fondateurs pour la carrière de Vanessa Rousselot et suivis d'une longue série d'autres productions, trouvent dans l'actualité un écho particulièrement vif. "Je suis évidemment dévastée par ce qui se passe en Palestine", déclare la réalisatrice. "C'est le moment de se rappeler ce qu'était Gaza avant la destruction", estime-t-elle. "Il ne faut pas que les ruines remplacent dans les mentalités ce qui a été détruit. Se rappeler de Gaza avant sa destruction, c'est une manière de rendre au peuple palestinien sa dignité, de remettre sur le devant de la scène la richesse et la pluralité d'une société extrêmement cultivée", défend-elle. Quant aux employées domestiques représentées dans son second long-métrage, "je ne sais pas ce que la société espagnole ferait sans ces femmes", s'interroge-t-elle, "sans le temps qu'elles donnent aux familles, aux enfants et aux personnes âgées qu'elles ont à leur charge, sans l'amour qu'elles leurs offrent et qu'elles ne sont pas en mesure de donner à leurs proches, restés à des milliers de kilomètres d'elles". Et d'ajouter : "En 15 ans, la situation de ces employées -leur temps de travail, leur rémunération et leur précarité- n'a pratiquement pas changé". Le sujet, dans une Espagne vieillissante, au dynamisme économique aiguillonné par l'immigration et confrontée à la montée de l'Extrême droite, conserve toute sa portée.

 

Quand on vit à l'étranger, on porte inconsciemment une partie de notre pays d'origine

 

Cette Espagne, Vanessa Rousselot s'en est imprégnée de sa culture et de son -ou de ses- identité(s) et l'a sillonnée de haut en bas, notamment dans le cadre de sa collaboration pour le programme "Invitation au voyage", diffusé sur ARTE, où elle présente régulièrement des reportages centrés sur le pays de Cervantès -le prochain, portant sur la lutte pour le logement à Madrid, à travers l'histoire du cinéma. "Quand on vit à l'étranger, on porte inconsciemment une partie de notre pays d'origine", observe la lauréate à propos de la distinction remise par lepetitjournal.com. "Je me réjouis que la France valorise un parcours habité ces dernière années para la création de contenu audiovisuel, sonore et théâtral qui offre des entrées multiples sur la culture et l’identité espagnole. Je reçois ce trophée comme un signe que cela a du sens de faire émerger des histoires qui font vibrer et aident à comprendre le monde", exprime-t-elle. 

 

Diario Vivo : le journalisme qui monte sur scène

Raconter des histoires : c'est finalement sur scène avec le projet Diario Vivo que cette obsession a aussi pris forme. Avec son complice François Musseau, correspondant de Libération dans le pays,  mais aussi Julien Cassan, Rommy Artigas et toute une équipe, elle monte à partir de 2017 des spectacles de "live journalism" qui ont depuis lors vértitablement conquis le public espagnol, avec plus de 20.000 spectateurs recensés depuis l'origine de cette autre aventure dédiée à l'art de conter. "La promesse de Diario Vivo, c'est d'émouvoir et nous aider à comprendre le monde", éclaire celle qui, lors du premier spectacle monté dans une petite salle de Lavapiés, avait pour rôle... d'allumer et éteindre les lumières dans les couloirs. En faisant monter les journalistes sur scène, le format permet en tous cas aux acteurs de la profession "d'expliquer et raconter des moments forts de l'exercice de leur métier", mais aussi de "renouer avec un public, à une époque où la confiance dans la presse traditionnelle est en chutre libre et où les fake news ont la part belle". Les grands noms du journalisme espagnol, comme Iñaki Gabilondo ou Rosa Montero, ont défilé sur les planches de Diario Vivo, des professionnels moins connus ou plus discrets aussi, photographes, écrivains, techniciens, acteurs parfois anonymes des grandes scènes de l'actualité, mais aussi artistes et narrateurs qui viennent compléter un discours résolument ancré dans le réel et les expériences vécues. 

 

Des 140 ans du LFM aux sessions de team building

Le format connaît un tel succès que les instigateurs de Diario Vivo mettent dorénavant leur expérience au service d'autres organisations : l'an dernier, c'est le Lycée français de Madrid, que Diario Vivo a accueilli, pour raconter les 140 ans de l'institution, en novembre dernier, le journal Libération, avec le spectacle "Libé se la raconte". Des ateliers de story-telling aux sessions de team building, se sont des formules sur mesure qui sont proposées aux organisations, comme véritable outil de communication et de (re)connexion en interne. "Nos ateliers permettent aux personnes de mieux s'exprimer, mais aussi à celles qui les écoutent, de les voir sous un jour nouveau", explique Vanessa Rousselot, "ils favorisent la confiance en soi, valorisent l'honnêteté et génèrent l'empathie, des outils indispensables pour bien travailler en équipe".

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