Installé à Madrid depuis 2018, Thierry Barlet incarne une nouvelle génération d’expatriés français : enracinés localement, mais résolument tournés vers le monde. Fondateur de Blue Ocean Entrepreneurs, un réseau international de consultants engagés dans la transformation durable, il conjugue stratégie d’entreprise et passion pour la création. Entre deux missions de conseil, il organise une exposition avec un collectif de street art ou un DJ set en plein cœur de la capitale. Portrait d’un entrepreneur libre.


Dès les premières minutes de l’entretien, le ton est donné : Thierry Barlet parle vite, avec l’enthousiasme d’un homme en mouvement. “C’est un peu un paradis caché, Madrid”, glisse-t-il à propos de sa ville d’adoption. Rien de plus naturel pour cet entrepreneur français venu s’installer en Espagne avec sa famille en 2018, à la recherche d’un cadre de vie plus doux, mais sans renoncer à son ambition professionnelle. De Montpellier à Paris, de Francfort à Valencia, puis Madrid : le parcours de Thierry est celui d’un homme qui conjugue rigueur du conseil en entreprise et passion pour la création, qu'elle soit stratégique ou artistique. Rencontre.
Réinventer le conseil avec Blue Ocean Entrepreneurs
Après quinze ans passés dans les plus grands cabinets de conseil (Kurt Salmon, Sia Partners), Thierry décide de se lancer à son compte. C’est au sein du réseau international FrenchFounders qu’il fait la connaissance de Laetitia Truchi, future cofondatrice de Blue Ocean Entrepreneurs. “On a tout de suite eu un bon feeling, raconte-t-il. Elle avait une vision très internationale, très terrain, et on partageait cette envie de faire différemment.”
Ensemble, ils décident de fonder en 2021 Blue Ocean Entrepreneurs. Leur idée : proposer un modèle de conseil en management repensé, alliant l’agilité du freelancing à la rigueur de l’accompagnement stratégique. En quelques années, le réseau passe de deux à près de 400 consultants, avec des missions menées à Paris, Madrid, Amsterdam ou Londres.

“On ne vend pas un catalogue, on propose un match, un vrai”, insiste-t-il. “Je me vois comme un sélectionneur. Mon rôle, c’est de comprendre le besoin du client et d’y répondre avec la bonne personne, au bon moment.”
Blue Ocean opère dans des secteurs exigeants – finance, transformation, développement durable – avec un accent mis sur la qualité humaine et la pertinence des profils. La moyenne d’expérience ? Seize ans. “On veut rester sélectifs. Il faut une recommandation, un entretien, et on appelle les anciens clients. C’est notre garantie qualité.”
Ce qu’on construit, c’est un réseau de confiance. Chaque consultant doit pouvoir être recommandé les yeux fermés.
Le processus d’intégration au sein du réseau Blue Ocean est volontairement exigeant. “On ne cherche pas simplement des experts techniques. On veut des professionnels capables de créer du lien, d’écouter, de s’adapter”, explique Thierry. “Des soft skills autant que des hard skills”. Les profils sont sélectionnés sur la base de recommandations, puis évalués lors d’un entretien très approfondi. "Ce qu’on construit, c’est un réseau de confiance. Chaque consultant doit pouvoir être recommandé les yeux fermés.”
Parmi les missions marquantes : un accompagnement de la transformation digitale pour Orange Espagne, une mission de due diligence stratégique pour une startup barcelonaise, ou encore la mise en conformité d’une grande entreprise française avec la directive européenne CSRD sur le reporting extra-financier. “On sent une vraie montée en puissance des enjeux RSE. Et nos clients veulent des experts qui comprennent à la fois la technique et l’impact.”
Ce modèle repose aussi sur une volonté de sortir des codes traditionnels du conseil : “Ce que j’aime dans le modèle freelance, c’est que tu coupes l’aspect politique. Tu fais ton travail, tu délivres, point.” L’ambition de Blue Ocean ne se limite pas à la croissance. "Ce qu’on veut, c’est créer une nouvelle manière de faire du conseil. Moins hiérarchique, plus agile, plus humaine. On est là pour donner du sens, pas pour aligner les slides."
Créé en 2014, French Founders est un réseau qui connecte plus de 4.000 dirigeants, entrepreneurs et investisseurs francophones dans le monde entier. Présent dans une trentaine de hubs internationaux, de New York à Singapour en passant par Madrid et Paris, ce club privé et sélectif propose des événements, des mises en relation ciblées et une plateforme digitale pour favoriser les opportunités d’affaires et le partage d’expérience entre décideurs.
Musique et street art : les autres terrains de jeu de Thierry Barlet
Mais Thierry Barlet ne se contente pas de bâtir un projet d’entreprise. En parallèle de ses activités de conseil, il déploie à Madrid une énergie communicative au service de la culture. Street art, musique, rencontres... En 2024, il co-organise un cocktail arty avec le collectif Boa Mistura, figures du street art madrilène, pour une exposition engagée autour du mot « Liberté », clin d’œil assumé à sa culture française. L’œuvre, qu’il a commandée et accrochée dans son salon, incarne ce pont entre ses deux mondes : l’entrepreneur et le créatif.
"C’est l’événement dont je suis le plus fier", confie-t-il. "Les gens sont venus un peu par curiosité, pour boire un verre, et ils ont découvert un collectif incroyable. Ce type de moment crée du lien, il inspire." L’enthousiasme est palpable lorsqu’il évoque cette soirée. "Ils ont parlé d’impact, de la façon dont ils ont transformé la vie des gens, d’Afrique du Sud au Brésil, en amenant l’art de leur quartier madrilène, Alameda de Osuna – à côté de chez moi – jusqu’au monde entier. Ce sont des artistes humbles, mais extrêmement réputés, aussi bien dans le street art que dans l’art contemporain. Pour moi, c’était vraiment le plus bel événement que j’ai organisé."

Et puis il y a la musique. Guitariste, DJ à ses heures sous le pseudo « Goodtimes », Thierry a co-organisé en 2023 une Fête de la Musique à Madrid. Au programme : concerts, DJ sets et ambiance française… L’initiative, lancée avec la coach Barbara Loyer, a rassemblé une communauté cosmopolite et enthousiaste. "La scène, c’est vital. Préparer un set, c’est bien, mais ce qui compte, c’est l’échange avec le public, c’est le live."
La fête de la musique débarque à Madrid !
La liberté comme boussole
Pour Thierry Barlet, l’expatriation est une chance : celle de se réinventer, de ralentir sans renoncer, d’explorer de nouveaux modèles. Entrepreneuriat, culture, communauté : tout se tient. "Être entrepreneur, c’est aussi se donner la liberté de consacrer du temps à ses passions", résume-t-il.
Et de faire passer des messages : "La devise française, Liberté, Égalité, Fraternité, j’ai dû choisir un mot pour mon exposition. J’ai choisi Liberté. Parce que c’est ce qui me guide aujourd’hui." Loin des tours vitrées de La Défense, mais jamais très loin de son bureau, Thierry Barlet s’invente une vie professionnelle à la hauteur de ses valeurs : créative, engagée, libre.
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